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PEOPLE CRACRA
Mémé Georgette s’étrangle de rire, dans son fauteuil.
— Qu’est-ce que t’as, mémé ?
— Je lis « Le Parisien ».
— Ah ? Et alors ?
— On y apprend des choses passionnantes. Savais-tu que Sarkozy rééduquait son périnée ?
— Pardon ?
— C’est écrit noir sur blanc : l’Élysée a fait appel à une spécialiste de l’entrejambe, Julie Imperiali, pour s’occuper de celui du couple présidentiel. « Si cet ensemble de muscles mal connu, situé entre le pubis et le coccyx, est trop relâché, cela engendre des fuites urinaires, des problèmes d’éjaculation précoce, voire une descente d’organes » nous apprend-elle dans une interview.
— Attends... Tu es en train de me dire que le président de la République pisse au lit ?
— Nous n’en sommes peut-être pas encore là, mais il craint sans doute que ça lui arrive !
— Y a quand même un truc qui m’échappe... Toi, par exemple, tu aurais ce genre de problème, t’en parlerais dans les journaux ?
— Certainement pas, pour qui me prends-tu ? Même à toi, je ne dirais rien !
— Alors, comment se fait-il que Sarkozy, lui...
— La transparence, mon enfant ! Notre cher président ne cache rien à son peuple : ni ses augmentations de salaire, ni ses affaires de cœur, ni son répertoire d’insultes... Pourquoi voudrais-tu qu’il s’arrête en si bon chemin ?
— N’empêche, moi, à sa place, j’aurais honte !
— C’est pour ça que tu ne seras jamais cheffe d’État. En donnant le bon exemple à ses concitoyens, Sarko crée une émulation. Dans les mois à venir, je te parie que les cabinets ( !) de rééducation pelvienne vont être pris d’assaut. Ça relancera l’économie !
— Mais ça va faire baisser les ventes de couches-culottes !
— Tant mieux : c’est anti-écologique au possible, ces trucs-là ! Les Verts vont être content. Et tout ça grâce à qui ? À la presse cracra. Nous vivons vraiment une époque formidable !
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TRADITION BOLLYWOOD
« Foutre ! s’étrangle mémé Georgette.
— Qu’est-ce que t’as, mémé ?
— Douze femmes indiennes sont brûlées toutes les heures, affirme la revue médicale britannique The Lancet. Six fois plus que les estimations les plus alarmistes... »
J’ouvre des yeux ronds.
« Comment ça se fait ?
—Toujours selon cette étude, il s’agit essentiellement de meurtres maquillés en accidents domestiques.
— Mais... pourquoi ?
— En Inde, quand une femme se marie, sa famille paie à celle du fiancé une dot de deux lakhs (l’équivalent de 3000 €, dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 60 €) et équipe entièrement la maison du jeune couple. Bien que cette pratique soit interdite depuis 1961, elle est, aujourd'hui, plus virulente que jamais. « Élever une fille, c’est comme arroser le jardin d’un voisin » dit un proverbe local...
— Quel rapport avec les morts par le feu ?
— Ben... les familles préfèrent n’avoir que des fils. Résultat : suppression des petites filles à la naissance (163 millions en 2005, selon le Fonds des Nations) ou des adolescentes en âge de convoler.
— Quelle horreur !
— Et ce n’est pas tout. Il ne faut pas croire qu’une fois casées, les malheureuses soient tirées d’affaire ! Certes, leurs parents se sont ruinés pour leur assurer une position sociale, mais c’est compter sans l’avidité des belles-familles : la lune de miel terminée, des milliers d’épouses disparaissent, afin que leurs veufs puissent se remarier et toucher une seconde dot...
— Mais... que fait la police ?
— Elle ferme les yeux. Ces crimes, appelés dowry death, sont ancrés dans la tradition, tu comprends ?
— Et alors ?
— Dans quelque pays que ce soit, la tradition sert d’alibi aux pires atrocités. Alors, fillette, un bon conseil : quand on prononce le mot « tradition » devant toi, fais comme moi, sors ton flingue ! »
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Mémé Georgette pète les plombs
« Finalement, je ne suis pas d’accord, déclare mémé Georgette, le regard étrangement fixe.
— Avec quoi t’es pas d’accord, mémé ?
— La dépénalisation du délit d’outrage. Dans quelque régime politique que ce soit, quand la politesse fout le camp, tout fout le camp.
— Ah bon ? On n’a plus le droit de dire merde aux flics, alors ?
— Non. Ni de hurler « Casse-toi pôv’con » sur le passage du président. Ni d’écrire que son fils ira-loin-ce-petit. Ni d’envoyer des mails à la garde des sceaux sous le label « Rachida-la-grosse-pute » — d’autant qu’à travers elle, c’est toutes les femmes qu’on humilie...
— Tu te sens concernée, toi ?
— Et comment ! Insulter une personne — que dis-je ? une icône ! — qui incarne avec tant de brio ce qu’il y a de meilleur chez ses contemporaines : la beauté, l’élégance, la réussite sociale, l’intelligence, la maternité triomphante, etc, c’est fouler au pied l’essence même de la féminité... Le monstre qui a commis cette infamie mérite perpète !
— Tu exagères !
— Du tout ! Ce serait moi, je rétablirais les galères, tiens ! Ou alors, les culs de basse fosse à la Louis XI, où l’infâme internaute croupirait dans ses déjections, sans air, sans lumière et sans ordinateur !
— M’enfin, mémé...
— Il y a des valeurs avec lesquelles on ne transige pas, ma petite ! Le respect de l’Autorité en fait partie. N’oublie jamais que c’est l’un des fondements de la République !
— On peut continuer à se moquer du pape, au moins ?
— Bien sûr que non ! Ni du pape (même promoteur de sida), ni des évêques (même nazis), ni des moines (même paillards), ni des curés (même pédophiles) ! Ce sont les représentants de Dieu sur terre, nous devons les vénérer à genoux ! »
OK, j’ai compris, c’est le 1er avril. N’empêche, durant quelques instants, j’ai flippé grave ! J’ai cru qu’elle yoyotait, mémé
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Le temps des martyrs.
« Putain ! éructe mémé Georgette. Faut alerter le pape !
— Le pape ? Pourquoi faire ?
— En février 2008, dans la gare Saint-Charles, à Marseille, un prof de philo de 47 ans a eu une vision céleste. En plein contrôle policier, il est soudain tombé à genoux, les bras en croix, en criant par deux fois, d’une voix forte : « Vierge Marie, je te vois ! ».
— Non ?! Et comment ont réagi les gens ?
— Ils ont éclaté de rire, cette bande de mécréants. Résultat : les flics ont cru que le type se foutait de la religion, et ils l’ont embarqué.
— Euh... T’es sûr qu’il ne criait pas plutôt « Sarkozy, je te vois »?
— Tu rigoles ? Dans ce cas, on ne l’aurait pas arrêté. Bon, il aurait crié « je t’encule », j’aurais compris — quoique ! —, mais « je te vois », franchement, là, l’infraction m’échappe... En plus, personne ne tombe à genoux quand il voit Sarkozy (sauf peut-être son épouse, mais, bien que le couple présidentiel ne soit pas d’une pudeur forcenée en ce qui concerne sa vie privée, je ne m’aventurerais pas sur ce terrain miné) !
— Tu te fous de moi, mémé ?
— Pas du tout, mon enfant, j’essaie juste de comprendre. Parce que le visionnaire est quand même traduit en justice. Une amende de 100 euros est requise à son encontre. Or, seul le fanatisme religieux peut justifier une telle aberration...
— Tu veux dire que le nom de Sarkozy est sacré ?
— Je le suppose, puisque le simple fait de le prononcer est passible des tribunaux.
— Ça fout les jetons !
— Et pas qu’un peu ! Nous saurons le 3 juillet, quand la sentence tombera, si une ère d’Inquition civile vient de s’ouvrir, en France. Voici peut-être revenu le temps des martyrs... »
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Le petit fiancé de l’Amérique
« Les lieux communs ont peut-être un fond de vérité, déclare mémé Georgette d’un air pensif.
— Pourquoi tu dis ça ?
— Dans ma jeunesse, tout le monde prétendait que « les Américains étaient de grands enfants ». Ça me gonflait, à l’époque !
— Et maintenant ?
— Moins... T’as entendu parler de Jonathan Krohn ?
— Non, qui c’est ?
— Un petit surdoué qui enthousiasme les foules.
— Comme Jordi ?
— Pire : il ne chante pas, il cause ! Il enchaîne les conférences et les meetings. Et il pond des projets de société salement réactionnaires...
— ... ?
— Après l’ogresse Palin, la droite étazunienne a trouvé un nouvel emblème : le petit génie malfaisant... Son livre Define Conservatism prône une idéologie ultra-conservatrice dont le but est, je cite, « de protéger les droits des bons citoyens ».
— Et il a quel âge, ce trouduc ?
— 14 ans. L’âge idéal, en terme de marketing, pour attirer les jeunes générations !
— Son bouquin, tu crois que c’est lui qui l’a écrit ?
— Ça, mystère... En revanche, sur scène, il a un aplomb de vieux routard du showbiz. J’ai regardé les vidéos ; tu croirais voir Sarko. Aussi sûr de lui, aussi arrogant, aussi donneur de leçons... Il ira loin, ce petit !
— Arrête tes citations !
— T’as raison... N’empêche que la pédolâtrie sévit salement, outre Atlantique ! Shirley Temple, la « petite fiancée de l’Amérique » des années trente, a ouvert la voie à une pleïade d’enfants acteurs plus insupportables les uns que les autres, et aujourd’hui, Jonathan Krohn inaugure une nouvelle mode : les gosses politiciens... Je te parie que cette engeance va pulluler, dans les années à venir !
— Tu crois qu’ils seront tous républicains ?
— Je le crains. L’éthique démocrate est sûrement trop complexe pour des mômes... et pour les tordus qui les manipulent ! »
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