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                               La belle et la bête

     

             C'était comme ça que Shabazz le surnommait : «  L’ignoble Baffrelard ». Alors, moi, ça me faisait des images dans la tête, forcément ! J’imaginais un être parfaitement répugnant, genre extraterrestre visqueux, à mi-chemin entre le phacochère et le glaviot, voyez ? Un baffrelard, quoi ! Et qui plus était, ignoble !

     Difficile de croire que la Mondeva déifiée par  les photos, les tableaux et les poèmes de Shabazz (son ex-mari, qui n’avait jamais aimé qu’elle) ; difficile de croire, dis-je, que l’élégante Mondeva, déesse shabazzienne par excellence, ait pu s’amouracher d’une telle atrocité.

             Bref, cette affaire-là me turlupinait. Il fallait vraiment que je l’examine de près !

             Un dimanche matin, je me pointe donc chez la belle et la bête, sous le fallacieux prétexte d’un p’tit café dominical (j’apportais les croissants, quand même !). Et qu’y trouvé-je, outre la dame en question, coquettement parée de fringues de grandes marques ? Un pépère en pantoufles, plongé dans son journal, avec ce bon sourire des barbus grisonnants qui accusent sans complexe un début de cinquantaine. C’était  donc  ça, un ignoble baffrelard ? Juste ça ? Foutre ! J’en restai subjuguée.

             — Toi et tes conneries ! reproché-je à Shabazz, au terme de  l’édifiant constat. A force de délirer, tu finirais par nous faire prendre ta vessie pour une lanterne ! L’« ignoble Baffrelard », c’est quelqu’un de bien, je t’assure ! D’ailleurs, comment peux-tu imaginer que Mondeva, après t’avoir aimé pendant quinze ans, te remplace, toi, l’artiste qu’elle admire tant, par une bestiole sans envergure ?

             Cet argument porta. L’égo frétillant, mon Shabazz retrouva son sourire, et l’ignoble Baffrelard fut renommé officiellement : «  Rival ultime  », (ce qui a quand même plus de classe, je trouve).

     

             Depuis, ils sont devenus potes ; d’où l’importance d’appeler un chat un chat, un baffrelard un baffrelard et surtout, mes amis, retenez bien ceci : un rival un rival !

     

     

    Quelques solitudes retrouvées par hasard... du coup, on a une petite semaine de textes assurée. Youpi.

    Dit le Castor.

            


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    Mais avant, un petit mot de Castor tillon :

         Les grands moments de solitude tome 2, c'est fini, snif. Le tapuscrit définitif sera bientôt envoyé à Philippe Ward de Rivière Blanche. Il a pris énormément de retard (pas Philippe, le tapuscrit) par ma faute, d'abord, ma très grande faute. Manque d'énergie, un chouïa, après la mort de ma princesse fin mai. Je crois que Gudule aurait eu le temps d'écrire quatre tomes et d'aller payer une tournée au Roc Café avant que j'aie eu celui d'en corriger un. Ajoutons à cela qu'on avait envoyé la mouture définitive à l'éditeur, puis qu'elle s'est remise à écrire (Gudule, pas la mouture, hein, suivez, un peu) d'autres solitudes plusieurs mois plus tard. Malade ou pas, fatiguée ou pas, elle ne s'avouait pas vaincue facilement, et je suis rempli d'une immense admiration pour ma petite bonne femme pétrie d'humour, d'amour et de courage. Malheureusement, ces épisodes surnuméraires se sont retrouvés disséminés dans d'anciens brouillons Word, dotés de numéros fantaisistes, et ça s'est avéré un peu compliqué à retrouver, puis à synchroniser. Encore aujourd'hui, je suis en train de fouiner, comparer les différentes versions des nombreux fichiers, informatiques et blog, (quelquefois, les titres des histoires ont changé) pour les deux tomes, afin de m'assurer qu'aucun texte n'a été oublié, ou ne sera publié en double.
         Bref, le Castor, il a plané un peu, hein, sur ce coup-là. Pour ne pas dire planté. On peut vraiment rien lui demander.

         Allez, pour l'heure, je vous remets en point d'orgue ce petit conte de notre héroïne (houlà, amphets, je veux dire en fait, faut faire attention à ce qu'on écrit, par les temps qui courent, j'espère que les stups vont pas me tomber sur le râble). Spéciale dédicace à l'auteur-éditeur José Jover qui est à l'origine du scénario de cette histoire.
    Après avoir lu, n'oubliez pas de cliquer sur le lien en bas du texte, il vous ouvrira les commentaires émis en décembre 2014. Ces coms contiennent d'autres liens qui vous mèneront à une nouvelle de Gudule parue dans le recueil "Mon album de l'immigration en France", et illustrée par José Jover.

    Bises.

         Y a Castor chez O'Whiskey (ceci est ma signature, et pas une invitation à se pinter au sky. Non mais).

     

                                      Monsieur Felipe

     

             La première chose que j'ai vue, en sortant du coma, c'est le plafond. Un plafond tout blanc, avec de minuscules traces noires. Des chiures de mouches, probablement. En tout cas, c'est ce que j'ai pensé avant de refermer les yeux, parce que la lumière me donnait la migraine.

     

             J'ai dû pousser un gémissement car une bonne grosse voix a demandé :

             — Ça va, petit ?

     

             Je n'ai pas répondu. Le souvenir de l'accident me remplissait le crâne d'une onde de choc rouge.

             — Infirmière ! a appelé la voix. Venez vite, il est réveillé !

     

             Il y a eu du va-et-vient autour de moi, mais je n'ai pas rouvert les yeux. Mon corps n'était plus qu'une masse inerte. Mes bras, mes jambes, ne m'obéissaient plus. D'ailleurs, je n'essayais pas de les faire fonctionner. Trop dur, trop fatigant...

     

             Le temps a passé. Une heure, un jour, une semaine ? Je n'en sais rien. Quand j'ai repris à nouveau conscience, je l'ai vu, de dos. Un papy en pyjama. Il se tenait face à la fenêtre et regardait dehors.

     

             — Où sont mes parents ? j'ai soufflé.

             Il ne s'est pas retourné.

             — Il y a du soleil, a-t-il répondu simplement.

     

             Mes parents n'avaient pas survécu à l'accident, mais ça, je ne l'ai appris que plus tard.

     

             Comme j'avais le cou dans le plâtre, je ne pouvais tourner la tête ni à droite ni à gauche. Dans mon angle de vue, il n'y avait que le mur tout blanc avec la fenêtre et le vieux devant.

     

             Toujours le vieux devant.

     

             En fait, c'était mon voisin de chambre. Il s'appelait Felipe. 

             — Restez dans votre lit, monsieur Felipe ! lui répétait sans cesse l'infirmière.

             Mais, lui, préférait la fenêtre.

     

             — En bas, il y a une place avec des arbres, une fontaine, et des enfants qui jouent au ballon, disait-il. Une dame est assise sur un banc. Elle lit. À ses pieds, deux pigeons picorent ...

             Et moi, j'imaginais la place, les enfants, la dame, les pigeons, et ça me faisait chaud au cœur tellement c'était joli.

             — Dépêche-toi de guérir, pour les voir en vrai ! ajoutait monsieur Felipe.

     

             — Derrière la place, il y a des maisons, disait-il encore. De belles maisons avec des jardins. Dans l'un d'eux, j'aperçois une table et un petit garçon qui goûte. Il a du chocolat tout autour de la bouche.

             Et moi, j'imaginais le petit garçon dans le jardin, et j'avais envie de partager son goûter.

             — Dépêche-toi de guérir pour aller le retrouver, me conseillait monsieur Felipe.

     

             — Derrière le pâté de maison, il y a la plage, disait-il encore. Une petite fille y court avec un gros chien blanc. Elle a les pieds nus et de grandes nattes qui volent dans le vent.

             Et moi, j'imaginais la petite fille au chien, et j'avais envie de courir, comme elle, sur le sable.

             — Dépêche-toi de guérir, pour lui tirer les nattes, riait monsieur Felipe.

     

             — Derrière la plage, il y a la mer, disait-il encore. Et des bateaux qui fendent les vagues pour aller loin, très loin, vers les îles. Les mouettes les escortent, entends-tu leurs cris ?

             Et moi, j'entendais les cris des mouettes et j'avais envie de partir loin, très loin, au bout de l'horizon.

             — Dépêche-toi de guérir pour pouvoir t'embarquer, insistait monsieur Felipe.

     

             J'ai suivi son conseil, je me suis dépêché de guérir. Un jour, j'ai même pu me lever et faire quelques pas dans la chambre. J'avais hâte de montrer mes progrès à monsieur Felipe, mais il n'était pas là.

             — On l'a emmené faire des examens, m'a dit l'infirmière.

     

             Il n'est jamais revenu.

     

             Bientôt, j'ai pu atteindre la fenêtre. J'avais hâte d'admirer tout ce dont il m'avait parlé : la place, la fontaine, les enfants qui jouaient au ballon, la dame qui lisait sur le banc, le petit garçon qui goûtait dans le jardin, la petite fille au chien qui courait sur la plage, les bateaux qui voguaient vers des îles lointaines... 

             Mais je n'ai vu qu'un mur d'usine, et même pas un bout de ciel, à cause de la fumée.

     

             — Où sont toutes les choses que décrivait monsieur Felipe? ai-je demandé à l'infirmière.

             Elle a eu l'air très étonnée.

             — Monsieur Felipe ne pouvait rien voir : il était aveugle.

     

             Ça m'a mis en colère. J'ai tapé du pied.

             — C'était bien la peine que je me donne tant de mal ! Si j'avais su ce qu'il y avait de l'autre côté de la fenêtre, je serais mort, comme mes parents !

             Mais trop tard : j'étais guéri. 

     

             Quelquefois, les mensonges, c'est beau comme la vie !

     

     

    Voyez les commentaires et notes ICI, oui, oui, ICI, cliquez donc.

     

     

     

     


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                                           Merci, Bernard !

     

           Aux appels de cet étourneau, grand branle-bas dans Landerneau (G. Brassens)

     

                    En 1979, à Angoulême, je croise Yvan Delporte, figure éminemment charismatique de la BD. Non content d’être le scénariste — entre autres — des Shtroumpfs, il fut, durant de longues années, rédacteur en chef de Spirou. De sorte que l’on put voir déambuler, courant 1960-70, sa célèbre silhouette voûtée et fortement barbue à l’arrière-plan des cases de Roba, Jidéhem, Morris, Will et consorts.

             — Je dirige, chez À Suivre, quatre pages de supplément incluses dans la revue, m’explique-t-il. Un « journal dans le journal » dénommé Landerneau, indépendant de la rédaction-mère, et auquel participent des tas de gens sympas : Franquin, Binet, Fred, Cabu, Jannin, etc. Mais nous manquons de rédacteurs et surtout d’une rédactrice. Veux-tu te joindre à nous ?

             Et comment !

             — Euh... c’est quoi, les limites ? m’enquis-je néanmoins.

             — Pas de limite. Si je m’adresse à toi, c’est que je connais ton travail. Lâche-toi, ma grande, faut que ça rigole !

             Je me lâche donc, ce qui donne un feuilleton d’une vingtaine d’épisodes, bourré de jeux de mots d’un goût douteux et délicatement intitulé « Les aventures de Zoé Borborygme, trayeuse dans une banque de sperme ». Yvan applaudit : voilà qui va secouer son lectorat !

             — Non seulement on a une femme dans l’équipe, mais en plus, elle est drôle et elle bosse, clame-t-il à qui veut l’entendre.

             Son enthousiasme sera de courte durée. Dès le deuxième épisode, la sentence tombe : monsieur Casterman ne veut pas d’immondices dans son beau journal. Zoé doit disparaître.

    Yvan est convoqué, tancé d’importance ; il riposte vertement, le débat s’envenime, le mot « censure » est prononcé... Et, plutôt que d’éliminer purement et simplement ma chronique, comme l’exige la direction, le barbu rebelle remplace le texte par un pavé noir, accompagné d’un magnifique dessin de Franquin me représentant, en larmes, tandis que lui-même, dans une vaste bulle, me réconforte en répétant à sa façon les mots salaces qui ont motivé mon bannissement.

             Ce vent de révolte sonnera la fin de Landerneau. Désormais, À suivre se passera de son supplément, devenu par trop subversif.

    Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Franquin, avec sa gentillesse coutumière, m’offre le dessin original. Un trésor ! Trésor que je « prêterai » sottement à Charlie hebdo pour illustrer l’article dénonçant cette affaire. Et que, en dépit de mes demandes réitérées, je ne récupérerai jamais. Un petit malin, à la rédaction ou à l’imprimerie, aura mis la main dessus, et sans doute fait-il aujourd’hui la fierté d’une collection privée...

             Quarante ans plus tard, j’ai toujours les boules.

             La quatrième de couverture du présent recueil est la reproduction de ce dessin, paru dans la presse et archivé par Bernard Joubert, écrivain et journaliste spécialisé dans la censure.         

             Merci Bernard !

     

    Franquin

     


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          Petits moments de reconnaissance (suite)

          

                         La Comtesse, Fifi et moi

     

             Du plus loin que je me souvienne, la Bibliothèque Rose a tenu dans ma vie une place de choix. Mes premières vraies jouissances de lectrice remontent aux romans de la Comtesse de Ségur, ces magnifiques ouvrages à couverture rouge, dorée au fer, que je tenais de ma grand-mère. À l'époque, ils n'étaient pas encore illustrés par Pécoud — dont les dessins très « années trente » furent, par la suite, indéfectiblement liés à l'œuvre de la Comtesse — mais enluminés de gravures vieillottes qui me transportaient. J'ai appris à lire en déchiffrant avidement Les malheurs de Sophie et Les mémoires d'un âne, ce dernier titre restant pour moi, en dépit des critiques dont il a pu être l'objet, l'un des monuments de la littérature jeunesse.

             Puis, un jour, vint Fifi Brindacier, et l'approche, à travers les mésaventures cocasses de la trublionne aux nattes rousses, de l'humour, de la désinvolture, de l'impertinence et de l'insoumission. Je n'oublierai jamais mon émerveillement en découvrant, dans La princesse de Couri-coura, une héroïne fondamentalement différente de toutes celles que j'avais croisées jusqu'alors. Rompant avec la tradition bien établie des personnages-modèles que les livres pour enfants, par souci pédagogique, imposaient à leurs lecteurs, Fifi en remontrait aux adultes, vivait seule en compagnie d'un singe et d'un poney, et possédait une force surhumaine. Bref, elle ne cherchait pas à nous faire la morale mais la transgressait, au contraire. Je crois avoir appris, sous la plume d'Astrid Lindgren, le sens du mot « liberté ».

             Fifi ne m'a plus jamais quittée, depuis. Je lui dois, en grande partie du moins, ma fougue d'écrire, et nombre de mes héros portent son empreinte. Zoé-la-trouille, entre autres, qui m'a ouvert les portes de cette collection mythique…

             Paraître dans la Bibliothèque Rose était pour moi plus qu'un rêve : un fantasme. Prendre la suite des Grands Dames qui lui ont donné son âme, son identité, et ont aidé tant de fillettes à se construire, quel privilège, quel honneur ! L'occasion m'en fut offerte il y a une vingtaine d'années, et depuis, Zoé côtoie, pour mon plus grand bonheur — et, je l'espère, celui des lecteurs d'aujourd'hui —, les Sophie, les Cadichon et les Fifi qui ont ébloui mon enfance.

     

    (Pour plus de détails, voir le chapitre 32 du présent recueil)

     


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                                            Petits moments de reconnaissance

     

           J’aimerais clore ces « Grands moments de solitude », par deux « Petits moments de reconnaissance » envers ceux — auteurs, personnages, éditeurs, lectures — grâce auxquels a pu se construire ma carrière, avec ses instants de bonheur, de honte, de fous-rires, de frustration, d’exaltation, de découragement, dont ce livre donne un aperçu.

             Les deux textes qui suivent évoquent ma collaboration avec les éditions Hachette, à travers ses collections légendaires : La Bibliothèque verte et La Bibliothèque rose.

     

     

           Cher Instit,

     

             Vous l'ignorez sans doute, mais je vous dois beaucoup, et plus encore que cela ! C'était en 1994, si je me souviens bien. Je travaillais alors dans la presse bas-de-gamme où je m'ennuyais à mourir, et, tout en sélectionnant petites annonces et encarts publicitaires, je me disais :

             « Ah, si je pouvais vivre de mes livres… »

             Désir utopique s'il en est ! Certes, j'avais, au cours des sept années précédentes, publié une demi-douzaine d'ouvrages, en mordant sur mes loisirs et mes heures de sommeil, mais de là à en faire mon activité principale ! Ce n'étaient pas, hélas, six titres marchant cahin-caha qui allaient payer le loyer, l'électricité, la bouffe, les notes de téléphone de ma fille et les croquettes du chat.

             Dans mes moments de déprime, j'avais fait un calcul sordide mais réaliste : pour arriver à « nouer les deux bouts », il me fallait sortir au minimum dix livres par an, le montant des à-valoir étant, grosso-modo, l'équivalent d'un mois de salaire. Or, j'étais loin du compte ! Et même si j'avais été capable de les écrire, ces livres, encore eût-il fallu les publier ! Quel(s) éditeur(s) eû(ssen)t pu m'assurer une telle régularité, une telle abondance ?

    « Aucun, hélas… » pensais-je.

    Eh bien, je me trompais. Le miracle jaillit sous forme d'un coup de fil de Laurence D., alors directrice de la Verte et de la Rose. Elle me proposait la novélisation d'un épisode de votre série télévisée, alors en plein essor. Les deux premiers titres, m'expliqua-t-elle (Concerto pour Guillaume et Le mot de passe), avaient été confiés à des auteures-maison qui ne souhaitaient pas récidiver, et elle leur cherchait des remplaçants. Cela me tentait-il ?

             J'ignorais alors en quoi consistait l'adaptation d'un film en livre, mais puisqu'il s'agissait d'écrire, c’était forcément dans mes cordes. D'autant que je vous connaissais pour vous avoir vu deux ou trois fois à la télé, et je me sentais en accord avec ce que vous véhiculiez : générosité, égalité, fraternité, respect de la différence, refus de toute forme d'exclusion, racisme ou discrimination. Je pouvais donc, sans risquer de trahir mon éthique, m'approprier votre personne et mettre mes mots dans votre bouche.

             Laurence me fournit la cassette de l'épisode qu'elle me destinait (Vanessa, la petite dormeuse), ainsi que le scénario d'origine, en me précisant que c'était assez urgent. Mon fils Frédéric, qui travaillait sur les décors du film, me fit découvrir le marais Poitevin où il était tourné, et, gonflée à bloc, je me lançai à corps perdu dans l'aventure.

             Une dizaine de jours plus tard, j’apportai ma première mouture à l’éditrice qui l’accepta sans hésiter. La symbiose entre vous et moi était, assura-t-elle, totale ; nous étions véritablement faits l'un pour l'autre.

    — Seriez-vous prête à prendre la totalité de la série en charge ? hasarda-t-elle. Je vous préviens : il y aura environ sept livres par an.

    Je faillis lui sauter au cou ! Sept Instit, plus, disons, deux ou trois bouquins de mon crû, j'atteignais mon quota !

    Je n'eus pas besoin de répondre : elle lut sur mon visage un oui sans réticence. Ainsi, cher Instit, débutèrent, pour nous deux, trois années d'union, ma foi, fort harmonieuses. Vous me fournissiez le gîte et le couvert, je vous conférais, en échange, forme, épaisseur, existence, humanité. Virent ainsi le jour quelque vingt-cinq ouvrages — nos enfants, en somme — dont ni vous ni moi n'eûmes, je crois, à rougir.

    Aujourd'hui, le parcours commun est terminé depuis bien longtemps. Mais il m'arrive d'y repenser avec émotion, surtout quand de jeunes lecteurs — et ils sont encore très nombreux ! — me parlent de vous, en précisant : « C'est grâce à l'Instit que je me suis mis à lire. » Alors, je sais que, vous et moi, n'avons pas perdu notre temps, puisque nous leur avons ouvert, ensemble, les portes du rêve.

    (Pour plus de détails, voir les chapitres 5253 et 169 du présent recueil)

     

    ...

     

    Demain, la deuxième partie de ces petits moments de reconnaissance...

     


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