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                                       Joyeux anniversaire ! (suite)

     

            Le  lendemain, lorsque la famille, les amis, les voisins (et le gâteau) débarquèrent à la maison, Michel, armé d’une scie et d’un marteau, s’échinait à remettre le sommier en l’état. L’œuvre s’acheva sous les applaudissements, et sitôt que notre lit fut opérationnel, tout le monde entonna Happy Birthday to you.

             Le soir même, avec Michel, nous testâmes sa solidité. Ce fut mon plus joli cadeau d’anniversaire.

     


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                                              Joyeux anniversaire !

     

             Certains sexagénaires méritent bien leur nom. Celui qui illumina mon bel été 2014 était un champion toutes catégories. Alors que la plupart de ses contemporains renâclent devant l’effort, il mettait tant de cœur à l’ouvrage qu’une nuit, le lit s’effondra, nous offrant le fou-rire de l’année (et quelques contusions en prime).

             — Bigre, les vigoureux animaux ! s’esclaffa l’auteur du forfait en contemplant les dégâts, le rouge au front.

             C’était la veille de mes 69 ans. Serge Gainsbourg aurait apprécié.

     


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                                       Irma la douce (suite et fin)

     

             Cependant, à la longue, il fallut quand même avouer la vérité à ma famille. Mon frère Claude s’en chargea, lors d’un de ses trop brefs séjours en Belgique. Il commença par prévenir mon père, qui, avec mille précautions, mit maman au courant. Elle pleura beaucoup et, prenant le ciel à témoin, clama avec emphase :

             — J’ai enfanté une fille qui vit dans le péché. Qu’ai-je fait pour mériter une pareille épreuve ?

             Puis, au terme de cette question fondamentale, elle téléphona à tante Irma, tout en me lançant, péremptoire :

             — Cette nouvelle va la tuer, et tu auras sa mort sur la conscience !

             Or, non seulement la bonne vieille survécut, mais quand maman lui annonça :

             — Tiens-toi bien, ma pauvre : la petite a un amant.

             Elle répondit d’un ton placide :

             — Et alors ? C’est de son âge. 

             Ce qui me fit penser qu’au cours des quinze dernières années, la chère créature s’était bien dessalée. Qu’avait-elle donc vécu à l’insu de ses proches qui lui ait ainsi élargi l’esprit ? Nous ne le saurons sans doute jamais puisqu’elle s’éteignit six mois plus tard en emportant son secret dans la tombe.

     


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                                           Hospitalité

     

             Etant donné les préjugés de mes parents — pour qui le mariage était sacré, indissoluble, et le divorce prohibé à l’extrême —, je leur cachais soigneusement mes problèmes conjugaux. La distance entre Paris et Spa (où ils vivaient) facilitant cette dissimulation, ils ignoraient qu’Alex et moi, après une rupture houleuse, avions refait nos vies chacun de son côté. Aussi, quand ils venaient nous rendre visite (tant que leur état de santé leur permettait encore de voyager), je prétendais que mon mari était en déplacement. Nos enfants, soigneusement briefés, jouaient le jeu, et Sylvain s’éclipsait quelques jours. Oui mais, pour aller où ? À la rue ? À l’hôtel ? Chez des potes ? C’était là que le bât blessait.

    ­         — Et pourquoi pas à la maison ? proposa Alex à qui nous faisions part de notre embarras.

    La cohabitation se déroula sans encombres. Désormais, tous les trois ou quatre mois, Sylvain s’octroya une petite semaine de vacances chez mon ex. Vacances d’autant moins contraignantes qu’ ils étaient tous deux férus de poker et profitaient de l’occasion pour s’adonner à leur hobby jusqu’à pas d’heure.

     

             J’aurais pu ajouter, pour la beauté de l’histoire, qu’ils s’éprirent follement l’un de l’autre, mais ce ne fut pas le cas. En tant qu’auteur, je le déplore ; mais pas en tant que femme. C’eût pourtant été une sacrée solitude, au sens propre comme au figuré !

     


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                         La ronde des marionnettes (fabliau en quatre actes)

     

             Du plus loin que je me souvienne, les marionnettes m’ont toujours fascinée. Cette passion date, je crois, du film Lili, avec Leslie Caron et Mel Ferrer, que Marraine m’avait emmenée voir à sept ans. Par la suite, je découvris avec ravissement le théâtre de Toone et sa taverne médiévale, Petite rue des Bouchers, à Bruxelles. Dès que je pouvais m’échapper de chez mes parents, je courais me réfugier dans cet antre magique, aux murs couverts d’une armada carnavalesque sortie tout droit des toiles de James Ensor* ou des meilleures pages de Michel de Ghelderode*. On pouvait, pour quelques centimes, y boire un bock de Gueuze (ce qui ne me tentait guère) ou y manger des tartines de fromage blanc assaisonné de radis et d’échalotes. En y repensant, j’ai encore sur la langue le goût frais de la macaye* et dans le cœur l’émerveillement de ces tête-à-tête avec les grandes poupées de bois qu’animait à loisir mon imagination.

     

             Le deuxième acte se passe au Liban, où il était de bon ton, dans les familles friquées, de louer les services d’un amuseur public, pour animer fêtes et anniversaires. L’un de ces animateurs se nommait René T. et avait travaillé pour la TV française (le Nounours de « Bonne nuit, les petits, c’était lui ).

             Ce jour-là, flanquée de ma marmaille, Frédéric, quatre ans, et Olivier, deux ans et demi, je débarque à l’improviste chez mon frère aîné qui a deux filles du même âge. Comme il est au bureau, sa femme vient ouvrir et, en m’apercevant, fait la grimace.

             — Je ne peux pas te recevoir, j’ai du monde, s‘écrie-t-elle.

             En effet ; et si je ne m’abuse, ce « monde » s’amuse beaucoup. Par la fente de la porte me parviennent des rires enfantins, ainsi qu’une voix pointue au parler rigolo.

             Frédéric, attiré par cette voix comme par un aimant, se glisse à l’intérieur avec un cri de joie :

             — Maïonneeeettes !

             — Non, non, non, il n’y a pas place pour toi, proteste sa tante en le rattrapant par la capuche. Tu reviendras demain jouer avec tes cousines.

             ­Ni une, ni deux, elle me le fourre dans les bras où il se débat comme un beau diable.

             — Tu ne veux pas qu’il assiste au spectacle ? m’étonnai-je.

             Et elle, tout à trac :

             — Non mais tu as vu comme il est fagoté ? Pas question que j’impose ça à mes invités. Ce sont des notables, tu sais. Il y a même les neveux du président Hélou.

             Que faire, sinon embarquer ma progéniture et tourner dignement les talons ?

             Nous sommes allés manger des glaces sur la Corniche, ce qui a séché les larmes de Frédéric et fait gazouiller son petit frère. N’empêche que cette éviction, je ne l’ai pas oubliée. Nous en avons souvent reparlé, par la suite. Est-ce en compensation que Frédéric, une fois adulte, m’a offert tant de marionnettes (pour Noël, mon anniversaire, ses retours de voyage, de brocante, etc) ? Je me suis souvent posé la question — à défaut de la lui poser, à lui. Toujours est-il que, comme la taverne de jadis, les murs de ma maison servent de présentoir à tout un petit peuple de bois et de chiffon cher à mon cœur.

             Une semaine plus tard, René T. auquel je narrais notre mésaventure, nous offrit gracieusement une représentation qui ravit mes enfants. Il en profita pour me proposer de m’apprendre le métier, et même de m’engager comme assistante, ce que je refusai, par manque de temps. Mais je lui écrivis une vingtaine de sketchs qui firent les beaux jours de la hight society libanaise des sixties.

     

             Le quatrième acte se déroule dans le Tarn où j’ai découvert récemment qu’un de mes amis belges, aujourd’hui à la retraite, était l’ancien marionnettiste de Toone. La coïncidence m’a charmée.

     

     

             Quant à la belle-sœur vireuse d’enfants, ma rancune, sans doute, la poursuivra jusqu’à la mort.

     

     

    * Peintre du XIXème siècle, spécialisé dans les représentations de masques et de carnaval

             * Ecrivain fantastique

             * Macaye : fromage blanc (en wallon)

     

     

    Marionnettes 2

     

     

     


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