• Episode 15

      Résumé des chapitres précédents : Aucun doute là-dessus, l’odeur de sperme vient du silo à grain de Ruth Prout, la fermière baroudeuse qui affole Sire Concis !

     

             L’instant d’après, ils prenaient le café dans la cuisine de la ferme.

             — Nous sommes des inspecteurs de l’hygiène, expliquait Zoé, entre deux gorgées. Vos voisins se sont plaints de l’odeur émanant de votre silo à grains.

             Pan, dans le mille ! Ruth Prout devint couleur pivoine — ce qui augmenta encore le volume de Sire Concis, pourtant déjà de belle taille.

             — M... mon silo...? bredouilla-t-elle.

             — Oui, vous ne sentez rien ?

             — Euh... je suis enrhubée...

             — Voulez-vous un kleenex ? s’empressa galamment le dragon. Zoé en a toujours sur elle. C’est son outil de travail, vous compren...

             — Oui, pour l’hygiène, coupa Zoé, en lui flanquant un coup de pied sous la table. 

             — Ça doit être l’épautre, remarqua Ruth Prout.

             Puis, devant l’air ébahi de ses interlocuteur, elle ajouta :

             — J’ai remplacé le blé par de l’épautre, dans mon silo. Ça se vend mieux. mais le problème, c’est que ça crougnote. 

               Je voudrais vérifier, dit Zoé.

             À ces mots, la fermière rougit à nouveau, et, d’instinct, tendit la main vers son fusil. Par bonheur, Sire Concis l’avait mis en lieu sûr, sous ses grandes ailes de chauve-souris.

             Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Ruth Prout fondit en larmes.

             — Je vais tout vous avouer, souffla-t-elle. Ce n’est pas de l’épautre, qu’il y a dans mon silo, c’est...

             — C’est ?

             — De la semence humaine.

                                                                                                                                (à suivre)


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  • Gédéon

              Pendant mon mois de vacances au château d’oncle Albert naquit, dans l’étang, une portée de canetons.

             — Je t’en donne un, si tu veux, dit Léon, grand prince. Choisis-le.

             Après avoir longuement tergiversé, je jetai mon dévolu sur un petit canard que je prénommai Gédéon, comme le héros des livres de Benjamin Rabier.

             Très vite, j’éprouvai pour lui une véritable passion. Vingt fois par jour, je lui rendais visite, munie de bouts de pain, de biscuit, de brioche qui lui étaient exclusivement destinés. Je chassais tous les autres s’ils voulaient y toucher ! Aussi, dès que mon caneton m’apercevait de loin, se précipitait-il vers moi en cancanant. Ce que j’interprétais comme un signe d’affection...

             —Il m’aime plus que sa maman, affirmais-je à Léon, qui ne me contredisait jamais.

             Hélas, mon séjour touchait à sa fin, et vint l’heure de la séparation. Je pleurai en quittant Gédéon, et fis mille recommandations à mon cousin, qui promit tout ce que je voulus. Oui, il vieillerait sur lui, oui, il le gâterait, oui, il lui parlerait de moi, oui, il me donnerait régulièrement de ses nouvelles...

             Il n’en fit rien, bien entendu. Et aux vacances suivantes, mon premier soin fut de courir voir Gédéon.

             Il avait disparu.

             Léon, pressé de questions, finit par m’avouer que, peu de temps après mon départ, il était passé à la broche.

             — Forcément, c’était lui le plus gros, précisa-t-il. Avec tout ce que tu lui donnais à manger...

             Ainsi appris-je avec effroi que l’amour le plus pur peut être meurtrier. Ce fut une grande leçon de vie, je trouve ! 



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  •         Episode 14

       Résumé des chapitres précédents : Zoé et Sire Concis ont repéré un silo à grains d’où s’échappe une forte odeur sperme. Mais leur curiosité semble déranger quelqu’un. 

            

             « Pan ! Pan ! »

             Les salves se succédant sans interruption, force fut à Sire Concis de s’éloigner à tire-d’aile.

             — Nous reviendront quand il fera jour, dit-il à Zoé.

             Cette dernière acquiesça : elle tenait presque autant à sa peau qu’à son job !

             Ils rappliquèrent dès l’aube, à pieds, cette fois. Histoire d’échapper à l’œil acéré du tireur fou.

             En fait, ce tireur était une tireuse. La maîtresse des lieux, fermière de son état. Une sorte de baroudeuse armée d’un fusil de chasse, fortement mamelue, portant un jean moulant, des bottes de caoutchouc et un débardeur noir.

             En l’apercevant, le cou de Sire Concis se raidit, gonfla, et sa tête de nœud doubla de volume.

             — Mais... mais... ma parole, tu bandes ! s’indigna Zoé. 

             Entre-temps, la fermièree les avait repérés.

             — Foutez le camp, cria-t-elle en les mettant en joue.

             Nos deux héros se consultèrent des yeux.

             — Qu’est-qu’on fait ? dit Zoé. On se calte ?

               Non, on lui rentre dans le chou !

             Lors, crachant un jet de flammes vers l’altière créature, le dragon murmura :

             — Que vous êtes belle, madame ! Que vous me faites de l’effet !

             Ça lui coupa tous ses moyens, à la fermière. Elle abaissa son arme ; Zoé en profita pour lui tendre la main :

             — Zoé Borborygme.

             — Ruth Prout. Que me voulez-vous ?

             — Que du bien, rassurez-vous, s’immisça Sire Concis.

             Et, inclinant vers elle son cou flaccide, il lui baisa longuement la main.

                                                                                                                                                  (à suivre)


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  • Rue de la peur

             Mon chien, Philémon, avait un ennemi. Un vrai. Un tueur. Un qu’aveugle la haine et qui n’hésite pas à trancher dans le vif. Il se nommait Brigand ; c’était un molosse quatre fois plus gros que lui. 

             Brigand vivait en liberté dans le village. Phiphi aussi, mais moins, car du plus loin que Brigand l’apercevait, il se ruait sur lui avec des aboiements à réveiller un mort. Phiphi détalait mais, du fait de sa taille, était toujours rejoint. Alors, il faisait front et prenait sa branlée. Combien de fois l’ai-je vu revenir en boitant, encore tout gluant de la bave de son ennemi !

             Il a fini par développer une véritable psychose. Celle du gibier à la période de la chasse, voyez ? Toujours aux aguêts, toujours la trouille au ventre, le couinement au bord des babines. Lançant des regards furtifs dans toutes les directions. Se retenant de chier de crainte que l’autre en profite pour lui tomber dessus...

             Bientôt, Phiphi — qui pourtant avait une âme de vagabond —, refusa de sortir seul. Je l’accompagnai donc dans ses petites promenades, mais ma présence n’arrêta pas Brigand. Indifférent à mes cris et à mes tentatives de coups de pied (qu’il évitait avec une prestesse diabolique), le monstre lui fonçait dessus comme si de rien n’était. Du coup, il devint mon cauchemar, à moi aussi. Je me mis à le guetter avec angoisse, choisissant nos itinéraires en fonction de ses habitudes et évitant ses territoires de prédilection — en particulier une rue, que j’avais surnommée « rue de la Peur » car il y dormait toujours au soleil.

             Et puis un jour, Brigand est mort. Ce fut, pour nous, une délivrance. Enfin... pour moi. Philémon, lui, évite toujours la rue de la Peur. Dès qu’on s’en approche, il se met à ramper en gémissant. Ça croit aux fantômes, les chiens ?


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         Allez, une petite photo prise hier par Castor Tillon, pendant la promenade de Phiphi. Là, ce n'est pas la rue de la Peur, ce sont les Lices. Mais Brigand n'est jamais très loin...


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  • Le numéro 17 de Galaxies vient de sortir. Il publie un gros dossier sur moi (oui-da, en toute modestie). Toute ma vie est dévoilée (attention les yeux !). Il coûte 11 € + 2€ de port. Pour se le procurer, envoyer un chèque à : Galaxies 3A, 34 rue Jean Jaurès, 59135 BELLAING (France) ou alors, en ligne : www.galaxies-sf.com Projet-couv.jpg


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