•          Episode 20

     Résumé des chapitres précédents : coup de théâtre dans landerneau : le mari de Ruth Prout est un envahisseur.

            

             — Combien y a-t-il de spermatozoïdes dans une giclée de sperme ? reprit doctement la fermière.

             Zoé effectua un rapide calcul.

             — Entre douze et quatorze millions, ça dépend des individus.

             — Multipliez cela par huit — puisque, depuis deux mois, mon mari se rendait chaque semaine à la BNS. Ça donne ? 

             Tandis qu’elle parlait, Sire Concis avait sorti sa calculette.

             — 112 millions, dans les meilleur des cas.

             — Disons cent, pour faire un chiffre rond. Belle armée, n’est-ce pas ?

             Au mot « armée », les cheveux de Zoé se dressèrent sur sa tête, car elle était viscéralement antimilitariste. .

             — Etes-vous en train de nous expliquer que votre mari compte envahir la terre à lui tout seul... ? commença-t-elle.

             — ... avec l’aide de ses futurs descendants, oui, enchaîna Ruth Prout. C’est la raison pour laquelle, dès que j’ai eu vent de la chose, j’y ai mis un terme. Certes, il doit bien y avoir par-ci par-là quelques inséminées qui traînent — et qu’il va falloir à tout prix retrouver —, mais la majeure partie de la troupe est à présent stockée dans mon silo, et nous serons à l’abri tant qu’elle y restera.         

             Zoé et Sire Concis échangèrent un long regard.

             — Et si ses congénères rappliquent ? demanda ce dernier. 

             — Aucun danger.

             — Pourquoi ?

             — Il était seul sur sa planète. Le Petit Prince, on l’appelle...

                                                                                                                                        ( à suivre)


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  • La vie en rose

             Au mois de mai, mon village n’est qu’un buisson de roses. Les touristes viennent de partout pour l’admirer et, certains d’entre eux ne résistent pas à la tentation de couper une fleur, voire plusieurs. Ce qui, bien entendu, nous fout en rogne, vu qu’ils sont 60.000 tous les ans — c’est-à-dire plus destructeurs qu’une invasion de sauterelles.

            Ma voisine d’en face a planté, le long de sa façade, un admirable rosier d’un mauve presque noir que je ne me lasse pas d’admirer. Or, un matin, qu’aperçois-je de ma fenêtre ? Une dame qui, sans vergoge, dépouille la merveille pour en faire un bouquet.

            Bon, engueuler les gens, c’est pas mon truc. Mais là, franchement, ça craint, il faut que je réagisse. Que je prévienne au moins qui de droit pour que cesse le massacre.

            Prenant mon courage à deux mains, je hurle à pleins poumons :

             — Hugueeette ! Y a une bonne femme qui pique tes roses !

             — Je sais, c’est ma sœur, répond la voix de ma voisine.

             Oups, pardon.

     


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  •       

          Episode 19

       Résumé des chapitres précédents : les mari de Ruth Prout est un extraterrestre donneur de sperme. Est-ce pour cela qu’elle l’a congelé ? Ce suspense est insoutenable !

     

             — Il est mort ? s’enquit le dragon, histoire de couper court au malaise naissant.

             Ruth Prout secoua la tête.

             — Non, il hiberne. C’est un être à sang froid. Au moins, pendant qu’il dort, il est inoffensif...

             — Ah, parce qu’en temps normal, il est dangereux ? rebondit Zoé.

             — Il mord ? insista Sire Concis.

             L’exaspération de la fermière était à son comble.

             — Faites-le taire ou je le pulvérise, prévint-elle Zoé.

             — Pourquoi ? s’étonna celle-ci. Sa question n’était pas idiote : quel genre de danger présente exactement votre mari ?

             — Vous n’êtes pas très futée non plus, remarqua Ruth Prout d’un air dégoûté. Les envahisseurs, ça ne vous dit rien ?

             Il y  avait quelque chose de terrible, dans sa voix. De prophétique, même. Comme un avant-goût d’Apocalypse. 

             — Voulez-vous insinuer... que les extraterrestres risquent de débarquer ? s’étrangla Zoé.

             — De débarquer, non. De nous envahir, oui.

             — Quelle différence ?

             — L’envahissement se fera de l’intérieur, patate ! Un envahissement intra-utérin ! Capito ou faut-il que je vous fasse un dessin ?

     

                                                                                                                                       (à suivre)



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  • Les artichauts

             C’est au Liban que j’ai découvert les artichauts, légumes rares en Belgique, dans les années soixante. J’étais invitée chez une collègue de bureau qui, en posant deux saladiers — un plein et un vide — sur la table, expliqua :

             — Ma mère a préparé les cœurs en gratin, mais nous a mis les feuilles de côté pour l’entrée.

             — Euh... ça se mange comment ? demandai-je, un peu honteuse de mon ignorance.

             — Tu plonges le petit bout mou dans la sauce, et tu le grignotes. Tu verras, c’est très bon.

             Docilement, je m’exécutai, pour remarquer, au bout d’un moment :

             — Il n’y a pas grand chose à becqueter, quand même...

             Toute la tablée éclata de rire : depuis le début du repas, je m’obstinais à piocher dans le deuxième saladier, celui où l’on jetait les feuilles déjà mâchées...


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  •           

             Episode 18

               Résumé des chapitres précédents : Les propos énigmatiques (et conjugaux) de Ruth Prout, la voleuse de sperme, intriguent Zoé et Sire Concis. Quel insondable mystère se cache dans la ferme au silo puant ?

     

             — Mais... qui est donc votre mari ? s’enquit Zoé, stupéfaite.

             — Vous voulez vraiment le savoir ?

             Le ton de la fermière fit frissonner nos deux héros. Ils acquiescèrent, cependant, tant il est vrai que la curiosité est souvent plus forte que la peur.

             — Venez, dit Ruth Prout.

             Elle les entraîna dans la cuisine et ouvrit le congélateur. Parmi les michokos et les steaks surgelés gisait un petit homme vert, au front pourvu d’antennes et aux yeux globuleux.

             — Oh, foutre ! s’étrangla Zoé.

             — Nom d’une pipe ! abonda Sire Concis.

             — Et vous dites que ce... euh... monsieur était un habitué de la banque nationale de sperme ? La BNS ?

             — C’est ce qui était marqué sur sa carte, en effet. Il y en a d’autres ?

             — Oui, le Crédit Agricul et la Caisse des Pognes.

             — Non, non, il s’agissait bien de la BNS.

             Zoé fronça les sourcils.

              — C’est curieux, je ne me souviens pas de lui... Ça doit être un client d’Aurore Audoigtdefée.

             La fermière lui lança un regard soupçonneux.

             — Vous m’avez l’air bien renseignée sur ce secteur d’activité, remarqua-t-elle sèchement.

             Ce fut au tour de Zoé de piquer un fard.

             — L’hygiène, toujours l’hygiène, répondit-elle d’une toute petie voix.

                                                                                                                                      (à suivre)


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