• Episode 13

     Résumé des chapitres précédents : Le fils de l’aubergiste a des révélations à faire à nos amis. Mais il exige, en échange, que Sire Concis le trimballe sur son dos.

     

             Rendez-vous fut pris pour la nuit suivante — car, à l’évidence, la mère du gamin n’eût pas apprécié cette fugue céleste. C’était une femme inquiète, toujours sur le qui-vive, et assez hermétique aux fantasmes oniriques. 

             Tout était silencieux, dans l’auberge endormie quand soudain se détacha, sur le disque d’or de la lune, la silhouette d’un dragon au vol majestueux.

             — Ouaiiiis ! applaudit l’enfant qui guettait à sa fenêtre.

             Il tendit les bras à Zoé qui le hissa devant elle et, durant plus d’une heure, ils tournoyèrent dans le ciel obscur.

             — Nous avons tenu notre promesse, à toi de tenir la tienne, dit Sire Concis à son petit passager, au terme de l’étrange baptême de l’air.

             — No problemo. Tu vois ce gros machin rond, là-bas, derrière la ferme ?

             — Le silo à grain ?

             — Oui, ben c’est ça qui pue.

             — Depuis combien de temps ?

             — Chais pas... Quatre ou cinq jours...

             La joie de Zoé fut telle qu’elle failli tomber de son perchoir. Les dates concordaient...

             — Allons vérifier de plus près, dit Sire Concis.

             Ayant ramené le petit garçon chez lui, il vira de l’aile en direction de la ferme. Mais comme il s’apprétait à atterrir, une déflagration éclata dans l’ombre, et Zoé sentit une balle siffler à ses oreilles.

                                                                                                                                               (à suivre)



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    Un os dans le cassoulet

              Il y a trois ou quatre ans, Barbara, l’aînée de mes petites-filles, avait recueilli un pigeon tombé du nid. Elle s’en était occupée jusqu’à ce qu’il vole de ses propres ailes, puis l’avait remis en liberté. Pioupiou — c’était son nom — s’était bien réacclimaté, sauf pour la nourriture. Tous les jours, il venait lui réclamer à manger et, une fois repu, retournait dans le clocher avec ses congénères.

             — Faudrait qu’il apprenne à se débrouiller tout seul, dit un jour Barbara, qui est pleine de bon sens.

             Et elle cessa de l’alimenter. 

             Mais Pioupiou ne l’entendait pas de cette oreille. Il se mit à la harceler de manière pressante, voire agressive. Dès qu’elle sortait de chez elle, il arrivait en vol plané et se perchait sur sa tête pour la rappeler à l’ordre. Si bien qu’un jour d’été, pendant que nous déjeunions à la terrasse du Roc café, il lui fonça dessus, façon Hitchcock. Manque de bol, nous étions sous un parasol. Pioupiou s’y posa, perdit l’équilibre et, dans un grand battement d’ailes, atterrit au milieu du cassoulet de la table voisine.

             Je vous laisse imaginer les cris des malheureux clients couverts de sauce, notre honte — et notre fou-rire !

             Après cette aventure, nous n’avons plus osé remettre les pieds au Roc café... oh ! pendant au moins trois jours !

     

     


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  •  Les gros mots

      Mes premiers livres étaient truffés de gros mots, un tic d’écriture que je devais, sans doute, à mes années Charlie hebdo. "Rosaloche-la-moche", paru en 1987 aux éditions Syros, en est le meilleur exemple.

       L’histoire en elle-même était plutôt sympa. Elle contait les déboires d’une petite fille de neuf ans obligée de porter des lunettes — tout comme Mélanie, à qui ce récit était destiné. J’espérais, par ce biais, faire passer le message qu’elle refusait d’entendre : « Une paire de lunettes n’a jamais enlaidi personne ». Afin d’étayer mon propos, l’illustrateur, Alain Fretet, avait réalisé de très beaux croquis d’elle.

             Flattée d’être doublement l’héroïne d’un livre, elle en avait, bien sûr, parlé en classe. De sorte qu’à parution, l’instituteur lui réclama un exemplaire pour le lire tout haut à ses élèves. Mélanie s’empressa de le lui apporter... et rentra le soir, en larmes.

             — À chaque gros mot, le maître faisait « hum, hum » et tout le monde éclatait de rire en me regardant, m’expliqua-t-elle. C’était horrible. T’aurais jamais dû me faire ça, maman !

             Troublée, j’ai relu le texte d’un œil critique et dénombré pas moins de douze « merde » — sans compter les « chier », « con » et autres « enfoiré ». Ce qui m’a foutrement remise en question...

             Mes romans suivants ont été bien plus soft. Surtout ceux destinés à l’âge de ma fille !         

     

     


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