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Le livre mystérieux
J’étais, cette année-là, au salon de Mantoue lorsque, sur l’un des stands, je repère un livre signé de mon nom. Couverture inconnue, titre en Italien, bref, cette découverte me laisse bouche bée. Je feuillette donc l’ouvrage en question, et, à la faveur des rares éléments non traduits, tente de deviner son contenu. Après des recherches approfondies, j’en conclus il s’agit certainement de Barbès Blues, roman policier paru chez Hachette l’année précédente.
Ni une, ni deux, je fonce au stand de ma maison d’édition pour demander des explications. On m’y confirme qu’il s’agit bien de Barbès Blues mais tout le monde ignore comment ce livre a atterri ici à mon insu. En principe, les auteurs sont tenus au courant de ce genre de transaction par leur éditeur d’origine ; la nouvelle version leur est soumise, ainsi que les contrats réactualisés. Or, rien de tout cela n’a été fait. Je n’ai d’autre choix que d’acheter mon propre livre pour essayer d’en savoir plus, une fois rentrée à Paris.
S’agit-il d’un bouquin pirate ? De « fuites » internes ? De magouilles ? D’un vol pur et simple? L’énigme reste complète. Elle l’est toujours, douze ans plus tard, en dépit du succès et des réimpressions successives de Barbès Blues.
L’univers de l’édition est une jungle impitoyable.
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« Je n’aime pas dire du mal des gens, mais elle est gentille »
(Le père Noël est une ordure)
C’est la réplique les plus marrante du film ; la plus féroce, aussi, car elle stigmatise l’une des nombreuses absurdités de notre époque. Après des siècles de reconnaissance, la gentillesse n’est plus une qualité. Ce serait même plutôt un défaut. Dire de quelqu’un qu’il est gentil, c’est faire preuve envers lui d’une condescendance quasiment insultante. C’est le traiter en simple d’esprit — voire même en infirme. Un gentil est forcément largué dans un système où la compétition est érigée en dogme. Il n’a pas compris la règle du jeu. Son comportement le marginalise et fait de lui une sorte d’inadapté chronique ou d’imbécile heureux. En un mot comme en cent : le gentil est un con.
Eh bien, moi, je dis NON ! Je m’élève de toutes mes forces contre ce nouveau poncif. Qu’elle soit dans l’air du temps ou pas, la gentillesse est et restera toujours ce que l’humain a de meilleur. Et j’irai même plus loin : s’il est un contre-pouvoir en ce monde de corruption et d’égoïsme, ce sont bien les gentils. Ceux qui opposent à l’abjection ambiante cette qualité si rare et si précieuse : l’empathie. Ceux qui ont muselé leurs démons intérieurs pour les empêcher de nuire. Ceux qui se préoccupent du bien-être d’autrui avant de ramasser le pactole « tout pour ma pomme ». C’est eux les vrais rebelles, les révolutionnaires ; l’élite de demain, les mutants futuristes. Et le premier qui ose les critiquer, les mépriser ou se foutre d’eux, promis, je le dégomme.
Parce que moi, voyez-vous, je ne suis pas gentille, et croyez que je le regrette. J’aimerais tellement changer cette société de merde !
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Le château fantôme
Comme chaque automne, la foire d’octobre s’était installée au centre de Liège, et Marraine m’y avait emmenée. Je raffolais de cette atmosphère festive à l’odeur de guimauve et de pomme d’amour, ainsi que des attractions (manège, grande roue, autos-tamponneuses, tir, pêche à la ligne, tombola) orchestrées par les voix de Dalida, Elvis Presley, Trini Lopez et Richard Anthony. Mais ce qui me tentait le plus, cette année-là, c’était le château fantôme.
— Tu verras, c’est terrifiant, m’avaient dit mes copines avec délectation.
Les rumeurs étranges qui s’échappaient du donjon médiéval en carton-pâte, garni de squelettes, de chauve-souris géantes et de sorcières difformes, confirmaient, si besoin était, que les occupants du lieu n’étaient point de joyeux drilles, mais bel et bien des créatures de cauchemar.
Marraine me déposa devant l’entrée, munie de mon ticket, avant de déclarer :
— Tu pourras te débrouiller seule, n’est-ce pas ? Je mange un morceau et je reviens te chercher.
Puis elle s’en fut acheter une barquette de frites et je la vis s’asseoir sur un banc , pour y attendre la fin de mon périple.
Quelques instants plus tard, une foraine en fichu coloré vint ouvrir le portail du château et, sans ménagement, me poussa à l’intérieur. Une sorte de pont suspendu permettait d’accéder à une crypte encombrée de cercueils et d’ossements d’où s’échappaient des cris, des soupirs et des plaintes. Épouvantée par cet affreux tintamarre, je fis aussitôt volte-face, mais la foraine me barra la route et referma le portail dans mon dos. Je n’avais d’autre choix que d’affronter ma peur. Or, ça, c’était au-dessus de mes forces.
Impossible d’avancer d’un pas : mes jambes flageolaient, je claquais des dents et des éclairs glacés parcouraient mon échine quand soudain…
Qu’aperçus-je par une déchirure du calicot ?
Marraine qui cherchait une poubelle pour y jeter ses papiers gras — ce qui la rapprocha considérablement de moi. Dans un torrent de larmes, je hurlai à pleins poumons :
— MARRAINE ! Viens ! Viens vite, je t’en supplie !
Le brouhaha ambiant, hélas, couvrit ma voix.
J’émis un second appel, encore plus déchirant, mais en vain. Quoique … Miracle ! Saisie d’une brusque inspiration, Marraine se hâtait vers la guérite de la foraine au fichu, en lui montrant du doigt l’endroit où je me trouvais. S’ensuivit une conversation dont, à l’évidence, j’étais l’héroïne, si bien que cinq minutes plus tard, les deux femmes rappliquaient au pas de course.
L’aventure se termina dans les bras de Marraine qui s’était, précaution ultime, fendue d’une barbe à papa que je dévorai entre deux sanglots. De sorte que le lendemain, je pus, sans mentir, jurer à mes copines du Thier-à Liège :
— Le château fantôme, c’était formidable ! Surtout à la vanille avec des petits vermicelles en chocolat !
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