•  

    Episode 12

             Résumé des chapitres précédents : frappés par une odeur  suspecte, Zoé et Sire Concis visitent la cuisine de l’auberge, en se faisant passer pour des inspecteurs de l’hygiène.

     

             Sous le regard désabusé de l’aubergiste, les faux inspecteurs se lancèrent dans une fouille approfondie. Tout y passa : le frigo, les casseroles, la vaisselle, les poubelles, le syphon de l’évier, les casiers du cellier, la réserve d’épices, les produits de nettoyage... En vain. Hormis deux trois cafards, un peu de moisissure, des conserves périmées et quelques feuilles de cannabis séchant dans les salades, tout était parfaitement en règle. Nulle trace de mâle semence ne polluait les lieux.

             Nos héros s’en furent donc, bredouilles, en promettant à leur hôtesse un rapport favorable. Cependant, comme ils passaient près du petit garçon, celui-ci leur glissa :

             — C’est ça qui vous dérange ?

             Du bout de l’index, il montrait son nez. Le message était clair.

             — Oui, approuva Zoé. Tu sais d’où vient cette odeur ?

             Le gamin lui décocha un sourire éclatant.

             — Oui. Tu me donnes quoi, en échange ?

             — Euh... des sous ?

             — J’en veux pas.

             — Des bonbons ?

             — J’en veux pas.

             — Un bisou ?

             — J’en veux pas.

             — Qu’est-ce que tu veux, alors ?

             Le petit garçon retira son doigt de sa narine pour le pointer vers Sire Concis.

             — Qu’il m’emmène faire un tour sur son dos.

            

                                                                                                                        (à suivre)

     

     


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  • La procession

            — Tu seras parfaite en petit ange, m’avait dit monsieur le curé.

             C’était le plus beau compliment qu’on m’ait jamais fait. Lors, j’essayai la longue aube blanche centurée d’or, les ailes de vraies plumes de poule, l’auréole maintenue au-dessus de ma tête par un bout de fil de fer, et tout le monde s’exclama :

             — Elle est parfaite en petit ange.

             J’avais six ans, et la procession du 15 août, au Thier-à-Liège, c’était quelque chose, vous pouvez me croire !

             — Tu répandras des pétales de roses devant la statue de la Sainte Vierge, me dit encore monsieur le curé.

             Des pétales de roses ! J’en pétais de fierté !

             Mes copines Josiane et Ginette étaient drôlement jalouses, elles qui se contentaient de chanter des cantiques, en robe du dimanche ! Mais bon, moi, je venais de Bruxelles, cela me conférait certains privilèges. Et puis ma mère, jadis, avait été institutrice dans la commune...

             Bref, ce fameux 15 août serait mon jour de gloire à moi. J’y pensais sans cesse, j’en rêvais la nuit ; s’il est, dans la vie, un moment magique, c’était bien celui-là. Je savais qu’à l’instant où démarrerait la procession, j’atteindrais, au sens propre du terme, le Nirvanâ.

             Sauf que la veille, j’attrapai la rougeole.



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  •          

            Episode 11

      Résumé des chapitres précédents : une odeur de foutre vient de frapper les narines de Zoé et Sire Concis, perturbant leur repas dans une petite auberge typique.

            

             D’un même geste, nos héros repoussèrent leurs assiettes.

             — Enfer et damnation, s’étrangla Sire Concis, le cuisinier s’est branlé dans ses sauces ! 

             — Sacré gaillard, ne put s’empêcher d’admirer Zoé. Ce serait une bonne recrue, note bien...

             Le dragon fronça les sourcils. 

             — Tu dis ça pour moi ?

             À l’évidence, il n’avais pas digéré le « trois gouttes » du sixième épisode.

             Sans tenir compte de sa remarque, Zoé appela la serveuse.

             — Je voudrais voir le cuisinier.

             — C’est moi.

             — Ah ? Alors, euh... votre mari.

             — Je suis veuve.

             — Oh, pardon... N’y a-t-il aucun homme, dans cette maison — en-dehors des clients, je veux dire ?

             — Si, mon fils.

             Du menton, elle indiqua un petit garçon de six ou sept ans qui jouait aux billes à l’ombre d’un grand arbre.

             — C’est un bel enfant, admira Sire Concis. Pourrions-nous visiter vos cuisines ?

             — Pourquoi ?

             Zoé prit une large inspiration.

             — Inspection d’hygiène.

             «  Ils les recrutent où, leurs inspecteurs ? pensa l’aubergiste en les examinant de la tête aux pieds. Dans le casting d’Harry Potter ? »

             Mais elle garda sa réflexion pour elle et, d’un geste résigné, invita nos amis à la suivre.

                                                                                                                                                   (à suivre)


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  • Adultère

      Tromper son mari n’est pas chose aisée, quand on est fidèle par nature. Mais bon, quelquefois, c’est thérapeuthique. Comme, depuis des années, mon ménage battait de l’aile, je me résolus un jour à tenter l’aventure. Histoire de retrouver des émois oubliés, et, surtout, de pleurer sur l’épaule de quelqu’un.

             Le problème c’était : où trouver l’oiseau rare ? Dans nos relations communes, personne ne me plaisait. En revanche...

             J’avais tourné, quelques semaines auparavant, un roman photo pour Fluide glacial. Parmi mes partenaires se trouvait un barbu d’un grande douceur — et très beau, qui plus est — avec lequel j’avais immédiatement sympathisé. Il se nommait Alain. Nous nous étions revus à l’une ou l’autre soirée, toujours avec le même plaisir. Je le savais célibataire, et j’avais son adresse...

             Profitant de l’absence d’Alex, en festival BD à l’autre bout de la France, je me pointe donc chez lui sur le coup des neuf heures, déguisée en pomme d’amour.

             Je sonne ; il vient m’ouvrir, s’étonne, me fait entrer.

             — Je ne te dérange pas ?

             — Non, j’attends un copain. Je t’offre un verre ?

             Et comment ! Pour mener mon entreprise à bien, il me faut au moins un double scotch !

             Comme s’il voulait me faciliter les choses, mon hôte met un disque de Sinatra et m’invite à danser. Je suis en pleine manœuvre de séduction quand on sonne à la porte.

             — Ah ! s’exclame Alain.

             Et il me plante là pour courir se jeter dans les bras de l’arrivant, un autre barbu vêtu de cuir. Puis ils échangent un long baiser...

     

             J’ai passé une soirée adorable, entre eux deux. On a chanté, on a ri, on a grignoté des petits trucs sucrés, on a beaucoup bu. Vers deux heures du matin, ils m’ont fourrée dans un taxi et je suis rentrée chez moi, intacte — mais foutrement réconfortée.

             Trente ans plus tard, nous sommes toujours amis.

              


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  •            

              Episode 10

       Résumé des chapitres précédents : nos amis nagent en plein marasme. Pas la moindre piscine de sperme à l’horizon. Afin de se donner du cœur au ventre, ils s’arrêtent dîner dans une petite auberge.

     

             — C’est délicieux, apprécia Zoé, en mordant à belles dents dans son boudin-purée. Dommage qu’il y ait cette odeur...

             — Quelle odeur ?

             — J’sais pas... Un truc un peu âcre qui flotte dans l’atmosphère.

             Sire Concis dilata les naseaux.

             — Tu as raison, ma foi ! On dirait de l’azote...

             — Du gaz carbonique, plutôt.

             — Non, pas exactement. Du butane, peut-être ? Y a une bonbonne qui fuit, dans les parages ?

             Il regarda suspicieusement autour de lui.

             — Ou alors, quelqu’un a pété. 

             — Ttttt, moi, je dirais que ça sent l’engrais chimique.

             — À moins que... Nous avons croisé un avion, tout à l’heure, souviens-toi. Si ça se trouve, il répandait de l’insecticide.

             Sans cesser de humer, Zoé secoua la tête avec circonspection.

             — Non, c’est autre chose. Plus familier, tu vois ? Plus quotidien...

             — Plus... professionnel ? traduisit Sire Concis.

             Ils échangèrent un regard troublé.

             — Du foutre ! s’exclamèrent-ils en chœur.

                                                                                 (à suivre)


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