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ROSE 28
LA VIE SELON ZÉNAB (SUITE)
Malgré sa radinerie, Zénab s'est fendue d'un somptueux nounours en peluche. Elle a également apporté une tarte, à côté de laquelle les petits gâteaux de Rose font piètre figure. Celle-ci la remercie, l'embrasse, pout, pout, sans conviction, et l’oncle Henri déclare :
— Vous êtes bien installés. Ces vieilles maisons ont tant de charme…
— Mais aucun confort, coupe perfidement sa femme. Vous avez l'eau courante, au moins ?
— L'eau, l'électricité et le bonheur, rétorque Rose (bien que ce dernier mot n'ait plus réellement cours, dans le contexte actuel). Asseyez-vous, je vais voir si Olivier est réveillé.
— Je t'accompagne. Henri, surveille Grégoire !
Olivier dort toujours. Sur la pointe des pieds, les deux femmes pénètrent dans la chambre que les rideaux fermés plongent dans une douce pénombre. Zénab se penche sur le berceau, scrute longuement le petit visage paisible. Puis se redresse et chuchote :
— Il est bien moins beau que l'autre. On voit tout de suite qu'ils ne sont pas du même père.
Puis, ayant largué sa petite phrase assassine comme un chien pose sa crotte, elle tourne les talons, laissant Rose abasourdie.
Si abasourdie qu'elle ne trouve rien à répondre, mais rumine sa rancœur durant toute l'heure qui suit (et même davantage : quarante ans plus tard, cette rancœur la rongera encore). Pourtant, un raisonnement très simple relativiserait le propos : ce que Zénab reproche au petit Olivier, ce n'est pas d'être laid — il ressemble à son père ! — mais d'avoir le teint sombre des Orientaux. Pour elle, comme pour beaucoup de femmes du grand Sud, le stéréotype de l'enfant parfait, c'est l'angelot blond et rose des pubs européennes.
Dès lors, Rose manifeste une si évidente exaspération que ses oncle et tante ne s'attardent guère. Le goûter terminé, ils s'éclipsent, en se disant que leur nièce ne sait pas recevoir — ce qui, en l'occurrence, est la stricte vérité.
— Elle se relève de couches, l'excuse l'oncle Henri en regagnant sa voiture. Et avec ses deux enfants, elle doit être surchargée de travail.
— Son mari n'a qu'à lui payer une bonne, rétorque Zénab du bout des dents.
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Commentaires
1GuduleMardi 28 Janvier 2014 à 10:27Répondre
Par exemple, ma fille a une tâche de naissance sur le poing, au niveau du petit doigt. Tout le monde nous a toujours dit "Ne vous inquiétez pas, ça devrait disparaître." et nous on leur répondait "On s'inquiète pas, elle est pas défigurée. Et si ça part pas, qu'est-ce que ça peut bien faire...".
Dans une vision de l'enfant parfait, le moindre défaut est pointé du doigt. Il faut faire la part des choses à un moment. Ce serait une tâche de naissance qui occuperait la moitié du visage, on aurait déjà pris des renseignements pour une opération, mais là !
Bref, dès qu'on sort des canons de beauté, c'est pas bien.
Bref y'a des cons partout. Et surtout les gens veulent toujours ce qu'ils n'ont pas. En Suède, les gamins blonds aux yeux bleus, ils ont pas trop la cote...
Mais t'inquiète. Il y a pire en ce bas monde. Un lutin, ça se blinde.14CéliaVendredi 29 Août 2014 à 13:2815Pata lVendredi 29 Août 2014 à 13:28
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