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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 228
Kangourou
Bon, il y eut quand même une petite compensation : nous prîmes l’habitude de passer nos dimanches après-midi à Zouk. C’est dans le patio aux citronniers que Frédéric découvrit les joies du tricycle et qu’Olivier usa ses couches à cavaler sur son derrière.
Au cours d’un de ces dimanches familiaux, tandis que nous prenons le thé au salon, Frédéric, qui joue dehors, pousse un cri :
— Manman ! Viens voir ! Quelqu’un a jeté un machin rouge au-dessus du mur !
On se précipite ; parmi les bambous « le machin rouge » palpite...
C’est un chaton couvert de sang.
Le cœur au bord des lèvres, je me penche sur lui. Il a les deux pattes avant déchiquettées. Comment ? Nous nous perdons en conjectures. Est-ce l’œuvre d’un chasseur ? De gamins cruels ? Ou un accident (ce dont nous doutons) ? Bref, la pauvre bête souffre le martyre, et lorsque Francine, la compagne de Claude, tente de le soigner, il se débat avec des cris horribles. Puis rampe jusqu’à un trou dans le mur, où il se tapit.
De l’avis général, mieux vaut le laisser tranquille.
On lui glisse de l’eau, un peu de nourriture dans laquelle Francine incorpore, par précaution, du sirop antibiotique, et le temps passe.
A chacune de nos visites, nous nous informons de l’état du blessé. Il mange, lèche ses plaies, et, en tout état de cause, se rétablit lentement.
Et puis un jour, miracle ! Nous voyons surgir une petite tête rousse à l’orée du refuge. Deux yeux inquiets scrutent le patio. Nous arrêtons de respirer, même les enfants... Rassuré par notre immobilité, le chaton s’extirpe à l’air libre et fait quelques pas dans notre direction. Je devrais plutôt dire « quelques bonds », car il saute sur ses pattes arrières, en tendant devant lui ses petits moignons roses.
— On dirait un kangourou ! s’exclame Alex.
Le nom lui restera — bien que « Kangouroute » eut mieux convenu, car le chat mutilé est une chatte.
Cette chatte, par la suite, s’avéra très féconde. Et voleuse comme pas deux. Que de fois mon frère l’a vue revenir de chasse, serrant dans sa gueule une portion de fromage, une merguez, voire un demi poulet, piqués chez les voisins ! En bonne mère, elle posait son trophée devant ses rejetons et veillait férocement sur leur repas. Malheur à qui eut tenté de s’approcher : si Kangourou ne possédait plus de griffes, elle avait des dents et savait s’en servir !
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Commentaires
1Benoît BarvinLundi 29 Octobre 2012 à 08:40Répondre5guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:416guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:417guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:41
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