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grands moments de solitude 202 (tome 2)
Tics d'écriture
L’Année de ma sixième, on avait Ronssin comme prof de français. Or, cette enseignante, pourtant très compétente, fut à l’origine d’une faute d’orthographe qui me poursuivit toute ma vie.
Ce lundi-là, c’était jour de dictée.
— Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille, commença la prof en entrant dans la classe, un bouquin à la main.
« Tu attendais le Soir, il descend, le voici.
Une atmosphère obscure enveloppe la ville… »
En écho, je récitai le poème à voix basse. Du Baudelaire, pensez ! Mon idole ! Je connaissais par cœur Les Fleurs de Mal !
Soudain, je sursautai :
— Une ambiance obscure enveloppe la ville, poursuivait Ronssin en louvoyant dans les travées.
Je levai un doigt timide :
— Euh… pas « ambiance », mademoiselle, « atmosphère » ! Sinon, il manque un pied.
La prof rougit, me félicita pour mon érudition et, calmement, expliqua :
— Anne a raison. Je ne me rappelais plus s’il fallait un ou deux « h » à « atmosphère », et dans le doute, je l’ai remplacé par un synonyme.
Dorénavant, à chaque fois que j’écrivis le fameux mot, la voix de Mlle Ronssin me revint en mémoire et je changeai moi aussi « atmosphère » en « ambiance ».
Ainsi chope-t-on des tics d’écriture.
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