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           Encore une histoire de chasseurs. Normal, c’est la saison.

           Vendredi dernier, me croyant à l’abri de la barbarie humaine, je promenais mes chiens en bordure de forêt quand subitement, fziou ! une balle siffle à mes oreilles. Morte de peur, je me mets à hurler, les chiens à aboyer, et les brebis qui paissaient dans le champs voisin, à courir dans tous les sens en bêlant comme des folles. Pas de réaction du responsable de la panique, mais j’avise, sur le bas-côté, un 4X4 dont je relève le numéro de plaque en me disant « Toi, mon coco, tu ne l’emporteras pas en paradis ! ». Et je rentre, direct, me plaindre à la mairie (la gendarmerie la plus proche est à 30 bornes).

           Or, la secrétaire de mairie, dame par ailleurs charmante, est femme, fille et sœur de chasseurs. Ce qui donne ce dialogue hallucinant (mais véridique) :

           — Je voudrais porter plainte contre un chasseur.

           — Qu’est-ce qu’il vous a fait ?

           — Il a failli me descendre.

           — Je suis sûre qu’il ne vous visait pas !

           — Je m’en réjouis. Mais les quelque cinq cents personnes tuées chaque année en période de chasse ne le sont pas non plus, visées. À de rares exceptions près...

           — Bah, cinq cents, ce n’est pas beaucoup.

           — Vous trouvez ?

           —Quand on voit le nombre d’accidents de la route ! Et pourtant, vous continuez à rouler en voiture.

           — Ce n’est pas interdit, la chasse, un vendredi ?

           — Non, la chasse au gros gibier, c’est seulement le mercredi, samedi et dimanche, mais celle aux nuisibles, c’est tous les jours.

           — Et la chasse aux promeneurs ?

            Elle n’a pas répondu, mais l’expression de son visage ne laissait aucun doute sur son opinion. Remettre en cause la légitimité de la chasse me classait, d’office, dans la catégorie des nuisibles ! 


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  • requiem01.jpg Le recueil de nouvelles de Jean-Michel Archaimbault vient de sortir chez Rivière Blanche. Je ne saurais trop vous le conseiller. Pour vous donner - peut-être ? - envie de le lire, voici un petit extrait de ma préface :  

             Jean-Michel Archaimbault est hanté par ses mondes intérieurs. Comme tout un chacun, me direz-vous. Qui d’entre nous n’invente, inconsciemment ou non, des édens à lui seul accessibles, où il se réfugie, soit en rêve, soit en rêverie, et qui incarnent à ses yeux le bonheur absolu ? Certes...Mais les mondes de Jean-Michel, à la différence de ceux du commun des mortels, surgissent au cœur même de la réalité, à laquelle ils se mêlent étroitement — qu’ils contaminent, dirais-je. Dont ils changent subtilement la substance. Il lui suffit de croiser, au hasard de sa route, un sentier sinueux qui se perd dans la campagne, un marécage un peu trop silencieux, un petit bois désert, une portion de jardin biscornue, pour que se produise le miracle. Pour que s’entrebâille le passage vers une autre dimension, peuplée d’êtres étranges, non humains — bien sûr ! — et toujours désirables. Pour que s’effacent les frontières séparant notre univers rationnel des territoires de l’impossible, et que se déploient les horizons illimités de l’imaginaire. Car, ne nous y trompons pas, les quatorze nouvelles qui composent ce recueil ne sont pas de simples récits. Ce sont des échappées. Des ballons d’oxygène pour asphyxié de l’âme. Des itinéraires de survie qu’emprunte, sous nos yeux, ce captif du quotidien. 

    La suite dans le livre, en vente chez votre libraire ou sur le site Rivière Blanche. Croyez-moi, vous ne le regretterez pas !


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      La nuit dernière, un souvenir est venu me hanter. Si je ne le raconte pas, je sens bien qu’il va me pourrir la vie. 

        Il y a une douzaine d’années (les dates et moi, on est fâchées), j’avais publié chez Grasset un roman intitulé « J’irai dormir au fond du puits ». Le secteur jeunesse venait d’être créé, et c’était mon premier livre dans cette prestigieuse maison d’édition. Or, voilà t’y pas que, quelques temps plus tard, Marielle Gens, la directrice, m’annonce : « Ton livre a obtenu le prix de la Société des Gens de Lettres ». Ç’aurait été le Goncourt, l’Interralié ou le Fémina, j’aurais pas été plus contente. Je ne me sentais plus pisser, dis donc ! Arrive le jour de la cérémonie, qui se déroulait dans le magnifiques hôtel de Massa. Petits fours, ronds de jambes, etc. Tout le gratin littéraire était là. J’avais mis un pantalon propre et des baskets neuves, et bu une coupe de champagne, histoire d’avoir la pêche. Vient le moment de la remise du prix et des discours. DU discours, en fait, car je compris vite que mon livre, aucun des membre du jury (une dizaine d’écrivains style académiciens, entre soixante et quatre-vingts-dix ans) ne l’avait lu. Pas même le monsieur qui s’y est collé, et qui, pendant dix bonnes minutes, a fait des jeux de mots laborieux sur mon nom. De mon roman, censé avoir été élu pour ses qualités littéraires, personne n’a pipé mot. En revanche, le staff Grasset a été encensé pour avoir, une fois de plus, fait briller haut et fort le phare éblouissant de la culture française.

        Je suis repartie, frustrée à mort, avec mon p'tit diplôme sous le bras. Et quand on m’a demandé si j’était heureuse, j’ai dit oui. Dès le lendemain, un joli bandeau rouge ornait la couverture du bouquin. Plein de gens l’ont acheté car il avait l’aval de SGDL. Et quand les droits d’auteur sont tombés, j’ai dit merci. J’allais pas, en plus, cracher dans la soupe ! 


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