• ROSE 86

     

     

                                                  ÉTRANGES RETROUVAILLES

     

    Dans la cuisine flotte un réconfortant parfum de thé à la menthe.

    — Assieds-toi, dit Omane, en versant le liquide chaud dans les tasses. Et raconte-nous.

    Rien, dans son attitude, ne laisse supposer de quelconques retrouvailles. Elle se comporte comme si elles s'étaient vues la veille — alors que depuis dix mois, elle vit en recluse. En revanche, elle a beaucoup maigri. Son corps sculptural est devenu longiligne, ses joues se sont creusées. Deux rides, joignant les ailes du nez aux commissures des lèvres, encadrent une bouche curieusement flétrie.

    Rose s'exécute de bonne grâce. Parler la soulage. Elle n'omet rien : ni l'extrême amitié qui l'a liée à Mona, les premiers temps, ni le lent basculement de la situation, ni les circonstances de sa prise de conscience, ni les scrupules qui ont suivi. Elle en rajoute, même, se charge un maximum, trouve à "la malheureuse" une foule de circonstances atténuantes. Et finit par avouer, en s'effondrant en larmes, qu'elle est bourrelée de remords.

    — Si j'avais été plus vigilante, Bébête ne serait pas morte,  hoquette-t-elle. Amir a raison quand il me traite de godiche.  Même en croyant bien faire, je ne commets que des bourdes.

    — Cesse donc de te fustiger, tu n'es pas seule en cause, coupe sèchement Omane. Rien de tout cela ne serait arrivé si je t'avais soutenue, pendant l'absence de ton mari.  

    C'est sa première parole de regret.

    Ce sera la seule.

     

     

                                                         *

     

     

     

    Il est presque trois heures quand Rachad se décide à lever la séance.

    Allez, au lit ! Je bosse, moi, demain.

    Épuisée par toutes ces émotions, Rose gagne en bâillant la petite chambre aux murs chaulés — celle-là même où, il y a un peu plus d'un an, elle se remettait de ses déboires avec Isis, et que peuplent, à présent, les souffles paisibles de ses deux enfants. Et, sitôt couchée, sombre dans un trou noir.

     

     

    « ROSE 85ROSE 87 »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 27 Mars 2014 à 09:20
    Ryko
    Rien à dire. Je suis nul en tragédie. Mais je reste un lecteur captif de tes portes ouvertes.
    2
    Jeudi 27 Mars 2014 à 18:45
    Pata
    Digne et fière Omane, qui ne parlera pas de ces instants où elle a déserté pour ne pas laisser transparaitre sa faiblesse dans ses regrets...


    De toutes façons, est-il besoin de l'exprimer pour le ressentir, le remord ou le pardon ? Pas sûre qu'il faille des mots pour ça :)
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    3
    Jeudi 27 Mars 2014 à 21:35
    Mêo
    Pas besoin d'en dire plus. La parole d'Omane est suffisamment forte comme ça, lourde de sens, pleine d'amitié. Je l'adore, ce passage-là.
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :