-
ROSE 30
ÉTATS D’ÂME
— Laisse tomber, lui conseille Amir. Tu te bats contre des moulins à vent.
Mais Rose secoue la tête.
— Tu ne comprends pas : c'est la seule chose que je puisse faire pour Omane.
Oui, vraiment la seule. Car sa belle-sœur, rentrée depuis peu avec la petite Nadège, s'est curieusement refermée sur elle-même. Elle "fait la morte", ne répond plus au téléphone, n'ouvre pas aux visiteurs, bref, érige autour d'elle et de son enfant un mur de solitude qui inquiète Rose au-delà de tout.
—C'est un coup à devenir dingue, ça, dit-elle à Amir.
— N'exagère pas : elle fuit tout simplement la curiosité malsaine que pourrait susciter sa fille.
—Mais je n'ai aucune curiosité, moi, proteste Rose.
— C'est une attitude générale, elle n'est pas dirigée contre toi en particulier.
— De quoi a-t-elle peur ? Que les gens observent Nadège comme une bête curieuse ? La première fois, peut-être, après, ils s'habitueront. Ils n'y feront même plus attention. D'ailleurs, je te signale qu'on ne remarque rien. La petite aurait un bras ou une jambe en moins, d'accord, mais là…
D'un hochement de tête, Amir stoppe le déferlement verbal.
—Ce n'est pas à moi qu'il faut dire ça, habibté, c'est à elle.
— Elle ne veut plus me voir. J'ai essayé vingt fois de l'appeler, depuis son retour. Je suis allée frapper chez elle, rien. C'est comme s'il n'y avait personne.
— Oui, je sais, mon frère m'en a parlé. Ça le tracasse, mais il suppose qu'elle a besoin de faire le point. Elle subit le contrecoup du drame.
Rose reste un moment silencieuse.
—Tu sais ce que je pense ? dit-elle enfin.
—… ?
— Je pense qu'elle est jalouse de moi. Elle doit m'en vouloir d'avoir eu un enfant en bonne santé. Peut-être même qu'elle déteste Olivier.
Elle soupire. Son cœur pèse une tonne au fond de sa poitrine.
—Dire qu'on était si heureux, avant ! Si on avait su…
Haussement d'épaules d'Amir.
—Qu'est-ce que ça aurait changé ?
—Ben… on aurait encore plus savouré chaque seconde, tiens !
*
Rose regarde Olivier dormir. Il sourit aux anges. L'un de ces sourires de bébé repu, empreint d'un lumineux bien-être.
« Pourquoi Omane et pas moi ? rumine-t-elle. Moi, j'avais déjà un enfant, ç'aurait été moins grave.. »
Puis, horrifiée par ce raisonnement absurde, elle se jette sur son fils, l'embrasse passionnément.
—Oh, pardon, pardon, Olivier !
-
Commentaires
1MêoJeudi 30 Janvier 2014 à 12:28Répondre
Je sais pas bien pourquoi, mais en lisant ce chapitre, j'ai pensé à la chanson de William Sheller "Les gens heureux"
http://youtu.be/b8LRMgdYIs0
Petite précision : je suis pas fan de Patrick Sébastien ! j'y peux rien si c'est lui qui en donne la meilleure version !9Pata lVendredi 29 Août 2014 à 13:28
Ajouter un commentaire