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Le livre qui m'a donné des ailes
Lorsque j’étais enfant, j’avais, avec mes livres, une relations d’amour qui confinait à la passion. Je les dévorais jusqu’à en connaître des passages entiers par cœur, je dormais avec eux, j’embrassais leur couverture. Ma mère, en venant me border, le soir, les retirait souvent de sous mon oreiller, arguant que c’était « mauvais pour ma colonne vertébrale ». Peut-être, mais c’était si bon pour mes rêves…
Parmi ces trésors ineffables, les Contes persans avaient une place privilégiée, tant par leur sujet qui me transportait que par les somptueuses illustrations de Joseph Kuhn-Regnier, dans lesquelles je me perdais durant des heures. Ma sensualité naissante y trouvait un écho à sa (dé)mesure. J’ai été, tour à tour, chacune de ces princesses lascives, vêtues d’atours sublimes. Je voulais, plus tard, devenir Tourandocte, Dilara, Schirine, Facrinnissa, Chéhéristani, pour avoir leur grâce, leur radieux mystère, et évoluer comme elles dans ces mirifiques décors pseudo-orientaux des années trente…
Cette fascination d’enfance est sans doute pour beaucoup dans la jouissance que j’ai à écrire, aujourd’hui, des contes… Le style de Jules D’Orsay — cela m’a sauté aux yeux à la relecture — m’influence au-delà même du souvenir que j’en avais. Sa magie narrative, à la fois sobre et envoûtante, a forgé mon écriture ; c’est sa voix que j’essaie de retrouver à travers mes propres récits. Cette voix qui m’a tant de fois emportée, mot après mot, phrase après phrase, vers les contrées magiques du désir…
Aujourd’hui, à soixante ans passés, j’ai sans doute, à mon actif, plus de contes — et plus de lecteurs — que Jules D’Orsay n’en a eu, de son temps. Pourtant, dès la première ligne, j’ai reconnu « la voix de mon Maître ». Comme jadis, elle m’a éblouie. Et par la magie de ces cinq histoires, je suis redevenue, l’espace d’un livre, ce que, sans doute, je n’avais jamais réellement cessé d’être : Tourandocte, Dilara, Schirine, Facrinnissa, Chéhéristani…
« Vos gueules les mômes ! (paru dans Siné Hebdo n°1)Vos gueules les mômes ! (paru dans Siné Hebdo n°2) »
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Commentaires
3fleur de lisseVendredi 29 Août 2014 à 13:564Helene.DVendredi 29 Août 2014 à 13:565J^; guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:566MarieVendredi 29 Août 2014 à 13:56
Sinon, j'ai toujours aimé Proust, et j'espère que ça n'a pas laissé trop de traces.
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Tes premiers mots me font penser à mes première lectures. Notamment "Amadou le Bouquillon" de Charles Vildrac. C'est avec lui que j'appris à lire et ce qu'était l'amadou. Première plongée dans les lettres et les sciences naturelles. Finalement le plus important pour les mômes ce n'est pas le saut, c'est le tremplin.