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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 202
La délicatesse
Bon, d’accord, j’étais amoureuse, mais Sylvain partageait-il ce sentiment ? Rien n’était moins sûr. On préparait nos émissions ensemble, on buvait des coups au troquet du coin, on discutait, on se marrait... et basta. Nos relations se bornaient à ces instants de bonne camaraderie, alors que je rêvais qu’elles se concrétisent dans un grand lit carré couvert de toile blanche lonla.
Pour ce faire, je conçus un plan machiavélique. J’habitais en banlieue parisienne, et mon dernier train partait à 21h15. Un soir, donc, je m’attardai plus que de coutume dans le studio.
— Oh, mon Dieu, m’écriai-je, en consultant ma montre, il est presque 22 h. Comment vais-je faire pour rentrer chez moi ?
— Euh... si tu veux, je te paie un taxi, dit Sylvain, qui n’avait pas un rond.
— Pas question ! Par contre, tu pourrais peut-être m’héberger ?
À ma grande surprise, il secoua la tête.
— Non, je n’ai pas la place... Mais ne t’inquiète pas, on va trouver une solution.
Sans me laisser le temps de protester, il partit téléphoner et revint avec un grand sourire.
— Mon copain Seb passe te prendre en voiture dans un quart d’heure ; la piaule de son colloc est libre pour quelques jours. Tu verras, c’est un mec sympa, toujours prêt à rendre service.
Supputant une méchante embrouille, je ne desserrai plus lèvres jusqu’à l’arrivée de Seb. Durant le trajet non plus. Et lorsqu’il me proposa un dernier verre, je lui répondis sèchement que j’étais fatiguée. Devant mon air rébarbatif, il s’empressa de me montrer ma chambre, la salle de bains, et s’éclipsa. Bien lui en prit : s’il avait risqué le moindre geste équivoque, je l’aurais mordu !
Quand, des mois plus tard, devenue intime avec Sylvain, je lui demandai les raisons de ce plan foireux, il me répondit simplement :
— Je ne voulais pas profiter de la situation. Tu semblais tellement perdue...
— Et si Seb en avait profité, lui ?
— Aucun risque, il connaissait mes sentiments pour toi.
Que répondre à ça ?
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Commentaires
1Benoît BarvinVendredi 7 Septembre 2012 à 08:29Répondre
Et au fait, j'ai menti : quand je reçois, mes invités dorment dans mon lit, et moi dans la douche (j'ai pas de baignoire).6crayon d'boisVendredi 29 Août 2014 à 13:427guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:428guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:42
Ah, au fait, Benoît, j'ai mal interprété ta jolie métaphore. Lorsque tu parlais de dessert aux Myrtilles,il s'agissait, bien sûr, de celui que Sylvain me refusait si farouchement, et que j'ai tenté de conquérir par des manœuvres illicites. Dessert dont je me gave depuis près de trente ans, moi zaussi !9NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:4210GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4211GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:42
N'empêche que ce "modèle de délicatesse", le jeune femme - moi myself, donc - je l'ai voué aux gémonies et même largement pire ! Parce que bon, on n'a pas idée d'être bouché à ce point-là (et ce n'est pas Tororo qui me contredira !)12GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:4213GuduleVendredi 29 Août 2014 à 13:42
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