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grands moments de solitude 174 (tome 2)
Marie-bise
Dans la bande de copains, on la surnommait Marie-Bise, ce qui lui allait comme un gant. Primo, parce que son vrai nom était Marie-Lise ; secundo, parce qu’elle débordait de tendresse et ne ratait pas une occasion de l’exprimer ; tertio, parce que ça rimait avec strip-tease.
Or, le strip-tease, c’était son truc, à Marie-Bise.
Faut dire, au niveau traits, elle n’était pas gâtée. En revanche, son petit corps d’une grâce délicate faisait tourner toutes les têtes. Pourquoi ne l’aurait-elle pas montré ?
Ce soir-là, nous étions une dizaine à dîner à sa table quand elle nous annonça :
— Aujourd’hui, comme dessert, je vous offre un effeuillage.
Un tonnerre d’applaudissements salua la bonne nouvelle, et tandis que notre hôtesse gagnait la salle de bains, quelques-uns d’entre nous s’occupèrent de la sono, d’autres de l’éclairage ou encore du décor. Bref, lorsqu’elle descendit, maquillée, parfumée et moulée dans un fourreau de soie noire, tout était prêt pour le spectacle : musique douce, bouquets de fleurs disséminés un peu partout, lumières tamisées et j’en passe....
Ce fut un festival de sensualité. Enfin… durant cinq minutes, environ. Jusqu’à ce qu’éclatent les premiers rires, en fait. Jusqu’à ce que le fourreau, en glissant sur le sol, révèle non seulement des dessous arachnéens et une chair nacrée aux déhanchements lascifs, mais également une bonne grosse paire de charentaises — que, dans sa précipitation, Marie-Bise avait oublié de retirer.
P.S. Cette anecdote me rappelle au passage l’aberrante « correction » apportée par Balzac et Littré au Cendrillon de Charles Perrault qui (la version d’origine en atteste) parlait bien d’une pantoufle de verre, et non de vair (c’est-à dire de fourrure grise, ce qui bousille carrément la symbolique du conte).
Comme quoi, on peut être un génie littéraire, et ne pas avoir plus de jugeote qu’une strip-teaseuse !
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Commentaires
Manque plus qu'un numéro de claquettes en charentaises.
Des charentaises de verre, ça doit tinter gaîment.