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grands moments de solitude 137 (tome 2)
La théorie du complot
Non, mais ça puait vraiment. Pourtant, la femme de ménage passait toutes les semaines. Après maintes recherches, la narine en éveil style cochon truffier, je finis par repérer l’origine de l’odeur (un halo d’eau croupie, rappelant l’âcre relent des éponges à tableau noir de mon enfance). Elle émanait du bouquet de roses artificielles qui garnissait le buffet de mes parents.
Olivier, à qui je faisais part de ma découverte, ne s’en étonna guère.
— Moi, je sais ce que c’est, s’exclama-t-il. Bonne-maman me l’a dit.
Bonne-maman, c’était ma mère, atteinte depuis plusieurs années de la maladie d’Alzheimer.
— Elle est persuadée que ce sont de vraies fleurs et les arrose chaque jour. Alors, ça pourrit, forcément…
— Pourquoi fait-elle ça ? Il faut lui expliquer !
— J’ai essayé, tu penses, mais elle est complètement parano. Elle m’a raconté que vous vous étiez tous donné le mot pour lui faire croire que ces roses étaient en tissu. « C’est un complot, répétait-elle. Mais je ne suis pas dupe de leurs mensonges. Je ne laisserai pas mes pauvres fleurs mourir de soif, même si je dois les arroser avec ma soupe ou mon café. »
Voilà qui promettait ! On n’avait pas fini de se boucher le nez.
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Commentaires
Eh ben, bien des années plus tard, elle continuera d'essayer de faire pourrir d'autres Rose (qui celles-ci ne lui résisteront pas !) !