• grands moments de solitude 130 (tome 2)

                                                                      Mère maquerelle

     

     

     

             C’était ainsi que mon père me surnommait, depuis que j’avais remonté le moral au grand Philippe, fraîchement largué par ma copine Chantal.

             Faut dire, cette fille-là, comme ravageuse, elle valait son pesant d’or ! Difficile de compter le nombre de cœurs brisés qu’elle traînait à ses guêtres… Et vu que j’étais sa meilleure amie (d’où mon statut d’intermédiaire privilégiée), je me faisais un devoir de ramasser les morceaux et, éventuellement, de les recoller.

             Normal : j’ai jamais supporté de voir souffrir quelqu’un sans essayer de lui venir en aide. Question de nature !

             À la maison, c’était un défilé constant de désespérés, venus chercher un peu de réconfort sur mon épaule. (Réconfort réciproque d’ailleurs, et pas complètement désintéressé,  car ces larmes viriles m’émouvaient plus que de raison, moi que la pruderie maternelle privait des légitimes attraits du flirt et de la drague.)

             Je n’avais pas le droit de recevoir de garçons dans ma chambre, mais la cuisine leur était ouverte, ce qui nous permettait de joindre l’utile à l’agréable, les tartes de maman s’avérant souveraines contre le mal d’amour.

             Je n’oublierai jamais le beau Christian, les coudes sur la toile cirée, ânonnant entre deux déglutitions :

             — Elle est tellement jolie, la petite Chantal, tellement fragile… Si je la perds, je ne m’en remettrai jamais.

             Toute chavirante,  je regardais sa pomme d’Adam monter et descendre  le long de son cou, et ça me donnait des frissons  partout.  Ah, que j’aurais aimé qu’il parlât de moi en ces termes !

             Hélas, en ces termes ou pas, personne ne parlait jamais de moi. Enfin, je le croyais… jusqu’au jour où le bruit courut que je piquais les mecs de Chantal. J’en fus la première ahurie, d’autant que je n’avais rien à me reprocher. D’où pouvait bien venir cette rumeur mensongère ?

             Je ne tardai pas à l’apprendre, de la bouche même de ma rivale.  Au cours d’une dispute, Christian lui avait lancé à la figure : « Je préférerais encore sortir avec cette pauvre Anne qui en pince pour ma gueule, plutôt qu’avec une peste comme toi !  »

             L’aveu, bien que peu flatteur, mit un terme à notre amitié et m’exposa, durant quelques semaines, à l’hostilité de mes compagnes de classe.

             Quant à Christian, il se consola très vite entre les bras de Martine, et « cette pauvre Anne qui en pinçait pour sa gueule » n’entendit plus jamais parler de lui !

            

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  • Commentaires

    1
    Yunette
    Dimanche 19 Octobre 2014 à 20:49

    Ah ces ingrats !

    2
    Dimanche 19 Octobre 2014 à 21:27

    tu dis ça à cause de la tarte ? t'as raison !

    3
    Lundi 20 Octobre 2014 à 09:04

    y a-t-il un nain gras dans la salle ?

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    4
    Yunette
    Lundi 20 Octobre 2014 à 09:09
    Après avoir abusé des tartes, sûrement !
    5
    Lundi 20 Octobre 2014 à 23:15

    forcément ! des tartes souveraines contre le mal d'amour sont  très riches !

    6
    Mardi 24 Mars 2015 à 19:39

    Mais ? Je me demande si je ne suis pas déjà passée par ici ?

     

    Ces tartes en guise de bâfre anti affres me disent quelque-chose...

     

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