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FOLLE D'AMOUR
Chapitre 98
Résumé des chapitres précédents : Lulu a fichu Nora à la porte juste comme celle-ci commençait à comprendre. Ce n’est vraiment pas de chance. Son errance sans issue va reprendre de plus belle, d’autant que ses médocs sont restés dans la piaule...
Revoici Nora dans les couloirs du métro, transie par le crachin glacé. Elle pose son sac sur un banc, ébroue sa tignasse à la manière des chiens, fait le point.
Tout d'abord, combien lui reste-t-il ? Autour des vingt euros. Où aller ? D'un revers de main, elle balaie la tentation d'Anne ou de Chevaleret — surtout maintenant, avec ces miasmes de péché originel qui l'auréolent. L'hôtel ? Pas les moyens. Une chance dans son malheur : il est à peine neuf heures et la station ne ferme pas avant minuit et demi. Ça lui laisse un petit répit.
Des gens passent sur le quai. Où vont-ils ? Ont-ils tous un logis, quelqu'un qui les attend, un lit et pas de menace à l'horizon ? Dans un passé lointain, si lointain qu'il s'estompe à vue d'œil, Nora possédait ces trésors. Une maison. Avec des oiseaux, je crois, et une forêt bruissante. Un jardin où poussaient des tomates. Un animal, aussi.
« Un chat ou un poney, je ne sais plus très bien. »
Et des bras qui ne demandaient qu'à s'ouvrir.
« Ceux-là, je m'en souviens parfaitement. Qu'ils étaient vastes, et rassurants ! C'est le seul endroit au monde où je me sente en sécurité, des bras d'homme. Le jour du Grand Chambardement, s'il y a deux bras autour de moi et un torse pour m'accueillir, j'attendrai sereinement la mort. Tu te souviens, Charlie, le train fantôme ? Je me suis planquée dans ton paletot et je n'ai rien vu, rien entendu, ni les squelettes, ni les vampires, ni les cris d'outre-tombe, seulement ton cœur qui battait et ta petite sueur acide de presque roux. Quand on est sortis du tunnel, j'ai émergé de tes arômes toute chaude de contentement. Tu m'as dit : « C'était bien la peine de dépenser douze euros, vraiment, quel gâchis ! » Moi, je trouvais que non. Ça valait même largement plus, le p'tit bonheur que j'avais pris ! »
Une rame s'arrête. Des voyageurs descendent.
« Allez, hop, se secoue Nora. Faut bouger, faire quelque chose, aller quelque part. Si je reste là, en proie aux nostalgies, je vais finir en tas sur le bitume, et on me ramassera à la balayette."
Elle embarque. Calcule : une bonne demi-heure jusqu'à la porte d'Orléans, autant dans l'autre sens , ça sera déjà une heure de gagnée. Paraît que les voyages forment la jeunesse...
(A suivre)
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Commentaires
1Benoît BarvinJeudi 16 Mai 2013 à 07:56Répondre4guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:345guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:346guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:347Pata lVendredi 29 Août 2014 à 13:34
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