-
HISTOIRE RIDICULE
(On me demande souvent d’où me vient mon pseudo ; de ce poème, en fait, dessiné par Carali dans
"L’Écho des Savanes", que j’avais signé “Gudule” pour les besoins de la rime.
Je viens de le retrouver et vous le livre tout chaud)
C'est un chat noctambule
À bord d'un véhicule
Qui dans un vestibule
Chaque nuit déambule
Mais voici l'oncle Jules
Quelque peu somnambule
Qui sort de sa cellule
Les pieds nus dans ses mules.
En voyant cet hercule
Notre chat se recule
Et heurte la pendule
Qui se démantibule.
« Stupide animalcule
Crie l'horloge, incrédule,
Est-ce toi qui bouscules
Toute mes molécules? »
Honteux, le chat hulule :
« J'ai vu un gros bidule
Tout rempli de pustules
Et ma raison bascule!
— C'est une tubercule
Sur pattes, qui circule.
Avale ces pilules
Car la fièvre te brûle! »
L'histoire ridicule
Que je vous inocule
Remplit de tarentules
Vos cerveaux minuscules.
J'm'en bats la clavicule ;
Dans mon siège à bascule
J'attends la canicule
Tout en faisant des bulles.
GUDULE.
5 commentaires -
LA CHIENNE
Elle court dans le soir, ardente, souple et forte
Et s'arrête soudain, face à l'immensité,
La truffe palpitante et le museau levé.
Son caca se confond avec les feuilles mortes
7 commentaires -
Le livre du rototo
Quand ma grande sœur rote
Elle est très rigolote :
Elle fait sa chochotte
Et rit comme une idiote.
Ma maman, elle, rote
Pendant qu’elle papote
Si, parfois, papa rote
C’est pas de la gnognote !
Ça gronde, ça clapote...
On dirait qu’il sanglote.
Mon chien Tim, lorsqu’il rote,
Fait des petites crottes.
Quand tonton Louis rote
Il se coince la glotte
Et ma tante Charlotte
Dans le dos lui tapote
La concierge se frotte
Le nez, quand elle rote
La cuisinière rote
Dans ses plats qui mijotent :
Ça donne au bœuf carottes
Un goût de bergamote
Tante Mathilde rote
Pendant qu’elle tricote.
La maîtresse qui rote
Met des mauvaises notes
Aux têtes de linotte
Qui sur leur banc gigotent.
Chaque fois que je rote
Moi, je perds ma culotte
Mamie perd ses quenottes
Papi perd sa capote
Bébé perd sa totote
Dans le plat de compote
La diva perd ses notes
Et l’ogre perd ses bottes
Quand, d’aventure, ils rotent,
Mon copain Paul grelotte
Et son frère tremblote
Car ils ont les chocottes :
Leur mère les dorlote
Mais, souvent, les calotte !
Lorsque la poule rote
Elle fait cot, cot, cot
Et quand le poulain rote
Il trotte, trotte, trotte
La baleine qui rote
Fait peur aux matelotes.
Parfois, oncle André rote
En jouant à la belote.
Ça énerve ses potes...
À chacun sa marotte !
Mais ma cousine Henriette
Ne rote pas, elle pète !
9 commentaires -
Sarajevo
1995, encore. La France affrète un convoi pour Sarajevo, dans lequel, outre du matériel sanitaire, elle embarque des écrivains et des dessinateurs censés initier les écoliers serbo-croates aux voluptés de la littérature pour la jeunesse. Comme nous logeons chez l’habitant, les organisateurs nous conseillent d’offrir à nos hôtes des cadeaux « bien parisiens », en remerciement de leur hospitalité. Yann Autret, mon illustrateur favori, se munit d’une grande boîte de chocolats tandis que j’achète, pour la sexagénaire qui nous accueille, un flacon de « Chanel n° 5 » auquel, d’ailleurs, elle ne touchera guère. (le parfum de Marilyn s’harmonise assez mal avec le look grand-mère, en général (blouse à fleurs, bas de contention, pantoufles en feutre gris, écharpe et gilet tricotés main.)
Viennent le jour et l’heure de la rencontre avec les mômes; pas un chat dans la salle de conférence. Personne n’a été averti, ni n’a lu nos albums, envoyés pourtant par cartons entiers. Et comme nous ne parlons pas la même langue, impossible de présenter notre travail aux intéressés (ce qui était quand même le but du jeu, au départ. Sinon, à quoi bon, s’offrir des « p’tites vacances » sur le compte des organismes caritatifs ?)
Laissons cette vilénie aux rapaces médiatiques. Encore une chance que Yann ait apporté des tas de carnets dans ses bagages. Chaque gamin repartit avec un dessin rigolo à punaiser au-dessus de son lit. Et ça au moins, c’est de l’humanitaire !
3 commentaires -
Salon de Beyrouth
1995. Nous étions quelque chose comme une demi-douzaine ; la petite délégation culturelle française. En tête de l’expédition, le professeur Jacquard, homme de tous les dangers, toujours présent lorsque la dignité humaine était bafouée. Amélie Nothomb, égérie de la francophonie était là également, ainsi qu’Yves Simon, Michel Omfray et André Cardinali, le gendre de Jacques Prévert, venu présenter l’expo itinérante de feu son beau-père.
A peine avalé l’apéro de bienvenue, chacun d’entre nous gagne sa chambre d’hôtel pour un p’tit brin de fraîcheur. C’est là que dix minutes plus tard, quelqu’un frappe à ma porte.
— Oh Jacques !
Mon frère aîné, qui vit toujours dans la capitale libanaise, a suivi de près les opérations ; sa voiture nous attend en bas pour une mini-balade dans mon ancien quartier (l’Achrafieh d’après-guerre dont la plupart des magnifiques immeubles coloniaux sont en ruine).
Nous voilà partis en catimini à travers la ville encombrée de milices, de guérites et de camions militaires débordant de soldats en armes. Bref, après un détour par la famille et les amis, mon frère me ramène à l’hôtel où la voix d’Yves Simon m’accueille d’un âcre :
— Ah enfin, Gudule, te voilà ! Où étais-tu passée ? On n’attendait que toi pour aller manger !
—Nous avons craint que tu te sois fait enlever, ajoute le professeur Jacquard.
Tout en rejoignant mes petits camarades, j’explique la situation : à savoir que je vais lâchement les abandonner, ma belle-sœur ayant préparé des wara-hanab* en mon honneur. Or, la cuisine de ma belle-sœur est est, à n’en pas douter, la meilleure du monde, et ça, à mes yeux, nom d’un chien, c’est sacré !
Le lendemain matin, au petit-déjeuner que je prends en tête à tête avec Albert Jacquard, ce dernier m’apprend qu’à treize heures, nous sommes attendus à l’ambassade de France pour un mezzé couleur locale que que je n’ai pas intérêt à louper sous peinte d’incident diplomatique ;
Et tiens, à ce propos, nous y avons eu droit, à l’incident diplomatique, mais cette fois, ce n’était pas mon fait, c'était celui de l’ambassadeur qui avait mal appris sa leçon.
Durant le petit speech d’ouverture des festivités, il déclara :
— Mon équipe et moi-même remercions chaleureusement l’auteure québécoise Amélie Nothomb qui nous honore de sa présence.
En écho à cette confusion géographique, une sorte de sirène s’élève dans le silence : Le rire suraigu d’Amélie Nothomb qui s’empresse de rappeler que la Belgique est partenaire privilégiée de l’événement culturel qui nous réunit tous ici.
Quant à notre hôte, il n’est pas au bout de ses pataquès ;
— Et n’oublions pas la remarquable exposition du conteur pour enfants Jacques Prévert, conclut-il avec aplomb.
Là, c’est André Cardinali qui réagit au quart de tour :
— Conteur pour enfants ? s’indigne-t-il haut et fort.Vous parlez d’un écrivain du patrimoine, monsieur ! L’une des plus grandes gloires des lettres françaises !
* Wara-hanab : feuilles de vigne farcies
5 commentaires