• Chapitre 127

    Résumé des chapitres précédents : La discussion entre Boris et Nora vire au règlement de compte. Ça, c’était à prévoir !
     
        — Cinq ans d'âge mental ! lâche Boris, de l'extrême sommet de son mépris.
        Il la toise sans complaisance. 
        — Tu vas me faire le plaisir de l'appeler tout de suite !
        — Où ?
        — À Auxerre.
        — On n'a pas le téléphone.
        — Alors, écris-lui, envoie-lui un télégramme, préviens les voisins, je ne sais pas, moi, mais ne le laisse pas comme ça !
        La tête de Nora oscille de gauche à droite, non, non, pas question. Voilà trois jours que je lutte pour couper le cordon, et tu voudrais que je me dégonfle ? Que tous mes efforts soient réduits à néant ?
        — T'es une malade, constate Boris. Une malade dangereuse.
        — Ben quoi, tu l'as bien quittée, toi, ta femme ! Vous quittez tous vos femmes, vous, les artistes !
        — Ça n'a rien à voir, moi, je suis gay.
        Les yeux de Nora s'arrondissent.
        — Toi, tu... ?!
         — Oui. Mon mariage était une erreur de jeunesse. Quand on l'a compris, Hélène et moi, on s'est séparés d'un commun accord. Aujourd'hui, je vis seul, et ce n'est PAS un choix professionnel (il appuie à dessein sur le PAS). Tu crois peut-être que ces deux-là (du menton, il désigne Flip et Galapia, à la table voisine) ont remis leurs couples en question pour si peu de chose ? 
        — J'ai vu la femme de Galapia, elle n'avait pas l'air malheureuse, reconnaît Nora.
        Tout est si embrouillé dans sa tête qu'elle soulève sa tasse vide, la porte à ses lèvres, et boit consciencieusement du vent.
        — Que comptes-tu faire, maintenant ? s'enquiert Boris, impitoyable.
        Pas de réponse.
        — As-tu au moins une adresse, un endroit où on peut te joindre ?
        Non, fait Nora de la tête.
        — Demain, quand ton mari m'appellera, qu'est-ce que je lui dirai ?
        Nora l'ignore.
        — Tu te seras de nouveau volatilisée, c'est ça ?
        Oui. Aucun doute là-dessus.
        — Invraisemblable ! éclate Boris, en abattant son poing sur la table.
        Un soupçon l'assaille.
        — Tu as quelqu'un d'autre ?
        Une fraction de seconde d'hésitation. La tentation effleure Nora de prétendre que oui. Histoire de couper court à la discussion. De réconforter Charlie par procuration. Une nana qui fugue avec un amant, c'est banal, rassurant. On la traite de salope et basta. Dites-moi, dites-moi, mère, qu'elle est partie pour un autre que moi, mais pas à cause de moi, dites-moi ça, dites-moi ça... Doux alibi de l'adultère. 
        Elle nie, néanmoins. Ce mensonge-là serait au-dessus de ses forces.


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  • Chapitre 126



    Résumé des chapitres précédents : Ça, pour une engueulade, c’est une belle engueulade ! Boris reproche à Nora de tuer Charlie à petits feux. Alors qu’elle ne cherche qu’à lui rendre sa liberté. Décidément, ce mec ne comprend rien à rien !
     
        Boris a des yeux d'un noir insoutenable.
        « Comme ceux de Florida, tiens je n'avais pas remarqué, mais la ressemblance s'arrête là. Des yeux d'une lucidité effrayante qui vous vrillent des trous dans le cerveau. »
        — Arrête ton cinéma, Nora ! Tu joues un personnage et tu le sais bien. Électre, Antigone, ça te plait de parader sous ces oripeaux de martyre, hein ! C'est valorisant, c'est spectaculaire ! La volupté du sacrifice... Et en même temps, tu te venges. D'une pierre deux coups.
        Sous la véhémence de l'accusation, Nora reste sans voix. Ce qui laisse tout loisir à Boris de poursuivre :
        — Plutôt que de t'effacer un peu, d'être un peu moins envahissante, tu as préféré sortir de scène avec fracas...
        Il serre les mâchoires comme s'il voulait mordre. D'instinct, Nora s'écarte.
        — Je t'ai traitée de mante religieuse, un jour. J'avais tort. Tu es pire. Les mantes dévorent leur mâle dans un excès de passion, toi, tu le tortures froidement. Tu...
        — Mais, coupe Nora, horrifiée, je... je n'avais que de bonnes intentions. Je n'ai pensé qu'à lui, je te jure ! J'ai fait table rase de moi-même, pfuit, plus de Nora, vas-y, Charlie, t'as des ailes ! On ne peut quand même pas me le reprocher.
        — N'essaye pas de te donner le beau rôle, s'il te plaît, c'est trop facile. Tu sais ce que tu es ? Un monstre d'égoïsme, et je pèse mes mots. La plus abominable femelle possessive qu'il m'ait jamais été donné de rencontrer !
        Nora a un haut-le-corps
        — Enfin, Boris, c'est toi-même qui m'as dit...
        — Moi, je t'ai dit de disparaître dans la nature, sans  une explication, sans donner la moindre nouvelle ? Moi, je t'ai dit de dézinguer ce pauvre type qui t'adore ? Moi, je t'ai dit ça ?
        — Tu as dit sangsue, pleurniche Nora.
        — J'aurais dû dire vipère ! Mygale à crochet !
        — Oh !
        — Tu serais capable de pousser le vice jusqu'à te flinguer, pour l'achever.
        « Ça, c'est vrai, monsieur le Juge, mais pas pour l'achever, pour qu'il m'oublie plus vite. »
        Et, dans son trouble, Nora ne se contente pas de penser cette phrase. Elle la prononce.



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  • Chapitre 125

     

    Résumé des chapitres précédents : A force de guetter Charlie, Nora a fini par trouver Boris. Et il n’est pas content. Pas content du tout !

        — Parlons-en, de Charlie ! explose Boris. Il est fou d'inquiétude, il te cherche partout.
        —  Ah ? Je...
        — Il est retourné à Auxerre dans l'espoir de t'y retrouver.
        Le cœur de  Nora s'emballe.
        — Chez nous ?
        Puis elle réalise que trois cents bornes les séparent, et se met à pleurer. Du coup, Boris se radoucit.
        — Qu'est-ce qui t'a pris ? interroge-t-il, presque compréhensif. Pourquoi tu as disparu sans crier gare ?
        L'heure des explications a sonné. Nora s'essuie les yeux.
        — C'est ta faute.
        Le grand beau visage de Boris marque la surprise. Il fronce ses grands beaux sourcils.
        — Ma faute ?
        — C'est toi qui m'as dit que je lui bouffais la vie, que j'étais une sangsue, que les femmes et le business, c'était incompatible. Tu m'as traitée de mante religieuse, rappelle-toi. Alors, je suis partie pour qu'il ait toutes ses chances.
        — Mais bougre de petite idiote, t'as vraiment rien compris ! Je ne t'ai jamais poussée à le démolir, ton mec ! Valait encore mieux que tu le becte, à la rigueur !
        Il se rapproche, tout près, plus près, son nez à quelques centimètres de celui de Nora.
        — Tu le verrais, il n'est plus que l'ombre de lui-même, il chiale sans arrêt !
        Nora n'en croit pas ses oreilles.
        « Il m'aime à ce point, mon mien ? Au point de chialer, tout ça ? C'est vrai, c'est bien vrai ? Non, on exagère. On exagère sûrement ! »
        Regard terrible de Boris.
        — C'est ce que tu cherches ? Le tuer à petits feux ?
        « Oh non, monsieur le Juge, je ne lui veux aucun mal, j'en fais le serment sur la Bible. Je ne désire que briser ses chaînes, lui retirer ses menottes, lui crier vas-y, envole-toi vers le sucès, ton boulet est au diable ! »



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