• Les jolis contes de mémé Georgette

    A l'occasion de Noël, mémé Georgette vous a concocté un petit conte à sa façon — c'est-à-dire politiquement incorrect. Pisse-vinaigre, coincés du bulbe et culs serrés, s'abstenir ! 
    Les autres, asseyez-vous bien confortablement au coin du feu, écoutez, et retrouvez votre âme d'enfant (mal élevé).  

     

                                                   LE COQ DE SATAN

      Il était jadis, dans les Monts d’Aran, un ermite comme on n’en fait plus. Sa vie de prière et de sacrifice était si exemplaire que les saints eux-mêmes le prenaient pour modèle. Et Dieu, poussant la Vierge du coude, marmonnait dans sa barbe :
    — Voyez l’excellent bougre ! Si tous les chrétiens étaient comme lui, ce serait le paradis sur terre ! 
    Semblable vertu, hélas, insupportait le diable, de sorte qu’il jura de faire fauter l’ermite. Dans ce but, il prit l’apparence d’un mendiant et se traîna jusqu’à sa cabane.
    — Bon père, gémit-il, je suis vieux et malade. Recueillez-moi, le temps que je guérisse. Vous n’aurez pas affaire à un ingrat 
    Voilà notre ermite bien embarrassé. 
    « J’ai fait vœu de solitude et de silence, se dit-il. Mais, par ailleurs, repousser un miséreux ne serait guère charitable. Le premier devoir d’un homme d’Église n’est-il point d’aider son prochain ? »
    Ayant ainsi pesé le pour et le contre, il lui ouvrit sa porte et le soigna avec tant de patience que le pauvre hère fut bientôt sur pied.
    — Je ne possède qu’un seul bien, il est à vous, dit ce dernier à son bienfaiteur, en reprenant la route. Vous serez, de la sorte, payé de votre peine.
    Et de lui offrir un coq, sorti on ne sait d’où. 
    Tout d’abord, l’ermite refusa, arguant qu’il ne voulait rien posséder, fût-ce une bête. Mais le Malin, qui mérite bien son nom, avait plus d’un tour dans son sac.
    — Il vous éveillera avant le lever du soleil, assura-t-il. Cela vous fera gagner une heure de prière, au moins, chaque jour. Dieu vous en saura gré, j’en ai le certitude !
    Bref, il argumenta tant et si bien qu’il eut gain de cause : l’ermite se retrouva propriétaire d’un coq, le plus fringant qui soit.
    Or, c’était le printemps, et l’animal, selon les immuables lois de la nature, était en rut. Il se mit donc en quête d’une compagne pour assouvir ses légitimes appétits. N’en trouvant point, il devint nerveux puis commença à dépérir, au grand dam de son maître qui, dores et déjà, s’y était attaché. Ne sachant plus à quel saint se vouer, l'ermite consulta un fermier de ses voisins qui, l’œil égrillard, lui offrit une poule, en promettant au coq un prompt rétablissement.
    — Sans être un mécréant, je vous en souhaite autant, bon père ! ajouta-t-il.
    Et comme l’ermite se récriait, il précisa :
    — C’est Dieu lui-même qui l’a dit : l’homme n’est pas fait pour vivre seul. Sans cela, eût-il créé les femmes ?
    Ce paysan était, vous l’aurez deviné, Satan en personne, ayant pris ce visage pour tenter le saint homme. Et il y réussit ! Car devant son coq ragaillardi et dame poule enamourée, l’ermite fut saisi d’un trouble jusque là inconnu. De nombreuses questions se pressèrent dans sa tête, dont l’une — la plus cruelle — était : « Pourquoi pas moi ? »
    À la faveur de la solitude, les choses prirent une telle ampleur qu’il craignit de devenir fou. Lors, avisant une bergère qui faisait paître son troupeau dans la campagne, il l’entraîna vers l’ermitage.
    La donzelle était jeune et, de plus, bonne chrétienne. Venir en aide à un ecclésiastique la flatta. Elle mit tant d’ardeur à la tâche que le vieux cœur de l’ermite n’y résista pas. Et, sans avoir compris ce qui lui arrivait, il se retrouva aux portes de l’enfer.
    — Bienvenue dans la fournaise éternelle ! ricana Satan, en s’effaçant pour le laisser passer.
    Or, l’enfer est peuplé de joyeuses luronnes. Toutes les grandes catins de l’Histoire s’y côtoient — les Salomé, Les Hérodiade, les Dalila et les Lucrèce Borgia, pour ne citer qu’elles — ainsi qu’une multitude de ribaudes plus modestes mais tout aussi charmantes. Notre ermite, dont les sens, tardivement éveillés, n’étaient point assouvis, se rua dans la mêlée. Et, en coqueriquant comme il l’avait vu faire à son coquin de coq, il rendit à ces dames un si ardent hommage qu’elles en montèrent au septième ciel. 
    Cela ne faisait point l’affaire du diable ! Car, dans ces conditions, l’enfer ne l’était plus. Les damnées, plutôt que de pleurer et de grincer des dents ainsi qu’il est de mise, souriaient aux anges. Elles offraient des visages extasiés de bienheureuses, et certaines roucoulaient à l’instar des colombes.  
    Une telle déréliction ne se pouvant admettre, l’ermite fut prié de quitter les lieux dont il perturbait le bon ordre.
    — Où vais-je aller, alors ? demanda-t-il, marri.
    — À Dieu ! lui répondit Satan, en le boutant dehors.
    Le conseil était sage, l’ermite s’y conforma. Hélas, lorsqu’il se présenta aux portes du paradis, le grand saint Pierre lui dit : 
    — Halte-là, mon ami. Nous n’acceptons point les fornicateurs ! Va au diable !
    — J’en viens, il ne veut pas de moi...
     Au même instant passa, sur les chemins du Ciel, un cortège de saintes munies de leurs attributs. Il y avait là Cécile avec sa harpe, Jeanne et son épée, Clotilde et ses chaînes, Gudule et sa lanterne, Barbe et sa barbe... En les apercevant si belles, si rayonnantes, notre ermite claironna par trois fois :
    — Cocorico !
    Et, avant que saint Pierre, troublé par le chant du coq, eût le temps de réagir, il poussa le portail d’or et les rejoignit d’un bond. Ainsi entra-t-il au paradis, d’où Dieu, qui est la bonté même, ne put se résoudre à le chasser.
    L’on prétend que, depuis, Là-Haut, le bonheur éternel est complet, et que les chœurs célestes chantent plus fort que jamais leurs hymnes d’allégresse. Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Nous le saurons tous, un jour. Du moins, je vous le souhaite...

     
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  • Commentaires

    1
    Vendredi 18 Décembre 2009 à 19:19
    Macada
    Merci mémé.
    :-)
    2
    Vendredi 18 Décembre 2009 à 22:31
    catherine
    Un conte de Noël à réjouir mon coeur de femme..
    Je m'en vais de ce pas réciter pater et ave afin de goûter au paradis...cocotcot...
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