• grands moments de solitude 98 (tome 2)

     

                                            Mensonge d'une nuit d'été

     

             Rien n’allait plus, entre Alex et moi. Après une quinzaine d’années de vie commune, la routine, les petits désaccords et les problèmes de fric avaient eu raison de notre amour. Du coup, j’étais en manque, et compensais mes frustrations en rêvassant comme une ado.

             Cet été-là, invités par des amis qui vivaient dans les Cévennes, nous logions sous la tente au beau milieu d’un bois. Or, pure coïncidence, nos hôtes traversaient, eux aussi, une crise de couple, de sorte que Christophe, bûcheron de son état, fuyant le domicile conjugal, s’était aménagé un logement sommaire dans la petite cabane où il rangeait ses outils. Il n’en fallait pas plus pour que mon imagination galope… Mettez-vous un instant à ma place : Alex dormait, moi pas. Assise devant la tente, je fumais en écoutant les murmures de la nuit et, telle Lady Chatterley, émoustillée par le brame d’un garde-chasse en rut, j’imaginais Christophe avec son torse brun, ses épaules musclées, sa barbe de trois jours, tournant dans sa cabane comme un lion en cage. Si on ajoute à ça les lueurs de la pleine lune qui filtraient entre les branchages, le chant des grenouilles dans l’étang voisin, et le hululement feutré des hiboux, rien ne manque au décor. Rien… sauf les protagonistes : la lady Chatterley à la petite semaine (c’est-à-dire moi) et le bel animal qui faisait battre son cœur.

             Il fallait sans tarder réparer cette lacune. Perdant toute retenue, je me glissai furtivement dans la végétation pour gagner à pas de loup la clairière de l’esseulé.

             Par chance, une lanterne suspendue à un arbre m’en indiquait l’emplacement (sans quoi, je me serais sûrement perdue dans le noir). Se trouvait-elle là à mon intention ? Je me plus à le supposer.

             « Christophe a-t-il deviné mes sentiments ? me demandais-je, en proie à un émoi qui allait crescendo. Les partage-t-il ? Attend-il ma visite dans la fièvre du désir, prêt à m’ouvrir les bras dès que j’apparaîtrai ? »

               J’en frissonnais d’avance, m’efforçant de zapper la somme d’emmerdements à laquelle  m’exposerait cette escapade nocturne si elle venait à se savoir. (Alex était jaloux et la femme de Christophe, encore plus).

             Parvenue au terme du périple, j’hésitai longuement. Que faire ? Suivre mon impulsion et gratter à la porte, quitte à bousiller deux ménages ? Ou attendre sagement le lever du jour pour regagner ma tente, sans m’être livrée à de folles débauches ?

             Le dilemme fut cruel, les tergiversations nombreuses et virulentes, mais au terme d’un combat douloureux, le bon sens triompha. L’aube me trouva couchée auprès de mon mari.

             — Vous avez bien dormi ? s’enquit Christophe, en nous apportant le café. Moi, je n’ai pas fermé l’œil : une bête a rôdé autour de ma cabane la moitié de la nuit. J’ai même failli lui tirer dessus, parce que les sangliers pullulent, dans le coin, et un cuissot au barbecue, miam ! Mais quand je suis sorti, elle avait disparu. Tant mieux pour vous, remarquez : les coups de feu vous auraient certainement réveillés !

     

             Nom de nom, un peu plus, je prenais du plomb dans la cervelle !

     

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  • Commentaires

    1
    Yunette
    Lundi 31 Août 2015 à 08:33
    Mouarf ! Un bûcheron, un vrai !
    2
    Lundi 31 Août 2015 à 11:35

    Ah, Gudule... Comme nous manque cette vision tendrement humoristique que tu as sur la vie... Bisous

     

    3
    Mardi 1er Septembre 2015 à 20:10

    Hé, hé... "Seven" dans les Cévennes, où quand les envies de luxures sont punies tel le pêché :  de la peine capitale !!

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