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grands moments de solitude 187 (tome 2)
Collocs
Ça m’était déjà arrivé quelques années auparavant.
Une sensation extravagante, inexplicable. A peine couchée, je les sentais à mes cotés comme s’ils partageaient mon lit, leur poids faisait s’enfoncer mon matelas à certains endroits bien précis. Pire encore : quand ils se blottissaient sous la couette à la manière d’une portée de chats, ils me comprimaient de toute part, tel un stock de gisants empilés dans une crypte abbatiale. Parfois, je les surprenais à rôder de pièce en pièce, vêtus en grognards de Bonaparte ou déguisés en chevaliers médiévaux. Une fois, j’ai même reçu la visite d’une femme qui lisait par-dessus mon épaule, appuyée au dossier de mon fauteuil roulant. Quant à ceux qui, furtivement, glissaient le long des murs, j’avais beau les interpeller, ils m’ignoraient avec hauteur.
— Tiens, les fantômes sont revenus, disais-je à Michel qui s’empressait de les chercher des yeux.
Ainsi, durant des semaines hantèrent-ils la maison, plus désopilants qu’une horde de géants en goguette. Que voulaient-ils exactement ? Que cherchaient-ils ? Pourquoi cette intrusion dans un univers qui ne les concernait guère ? Pourquoi cohabitâmes-nous, ces esprits et moi-même, dans une maison soi-disant hantée dont ils s’échinaient à pourrir l’ambiance et qu’ils emplissaient nuit et jour de murmures inquiétants – comme de vrais collocs, en somme ?
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