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grands moments de solitude 101 (tome 2)
L'honneur des Aussine
L’un de nos voisins, monsieur Aussine, chasseur notoire, était l’heureux propriétaire d’une chienne boxer jolie comme tout. Une bête charmante, affectueuse, prénommée Reine, que mes enfants prenaient plaisir à caresser à travers le grillage entourant son jardin.
Il avait également une fille de seize printemps qui allumait gentiment tous les gars du quartier.
Non loin des Aussine vivait un vieux garçon que nous surnommions Professeur Tournesol et qui, lui aussi, possédait un chien : un sympathique bâtard, gueulard et court sur pattes, que mes enfants prenaient plaisir à caresser, à travers le grillage entourant son jardin.
Le décor est planté, venons-en aux faits.
Quand Reine eut ses chaleurs, le bâtard en transes creusa un trou sous la clôture pour aller la rejoindre, et ce qui devait arriver arriva.
Voyant sa chienne couverte par un mâle qu’il jugeait indigne d’elle, monsieur Aussine prit un coup de sang. Plutôt que d’intervenir pacifiquement, il courut chercher son fusil et tira dans le tas. L’amoureux s’effondra, tué net, tandis que sa partenaire, blessée à la tête, fuyait en glapissant.
Des riverains, témoins de la scène, avertirent Tournesol qui porta plainte. Bien qu’ayant perdu son procès — intenté par la SPA —, le tueur clama haut et fort que si c’était à refaire, il recommencerait. Pas de mésalliance dans sa famille ; il y allait de l’honneur des Aussine.
— Imagine la réaction de cet abruti si sa fille se retrouvait enceinte d’un des petits Maghrébins de la cité, disait Alex. Je ne donne pas cher de sa peau!
Or, ce fut le cas. Quelques mois plus tard, nous vîmes avec effroi s’arrondir le bedon de la jeune fille.
Notre premier réflexe fut d’alerter les flics, histoire d’éviter un bain de sang. Et ce, jusqu’au matin où je croisai un 4X4 avec, à son bord, deux hommes en treillis et casquette orange : le père Aussine et son futur gendre, armés de pied en cap.
« Ils vont aller s’entretuer dans la forêt, supposai-je, horrifiée. Et tout le monde croira à un accident… »
Je sortais mon portable pour appeler le commissariat quand je les entendis rire. Je m’étais plantée, une fois de plus : ces deux-là s’entendaient comme larrons en foire, et aucun meurtre n’était à l’ordre du jour. La société de chasse y gagna une recrue, et l’abruti un pote. Quant à moi, je rengainai vite fait mon téléphone.
J’avais failli rater l’occasion de me taire !
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Commentaires
Ben si, il est raciste : il n'aime pas les bâtards qui sont une race à part dans l'inconscient collectif des gros cons.
Hé ben... Un seau d'eau froide eut été moins paradoxalement moins glaçant, pour séparer les pauvres bêtes :(
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Comme quoi, on peut être con comme un manche ET ne pas être raciste ;)