Mémé Georgette se lâche
En détruisant tous ces tordus, je suis bien convaincu d’avoir servi la
France.
(Boris Vian)
« Ils me font doucement rigoler, tous ces béni-oui-oui, grogne mémé
Georgette.
— Qui ça, mémé ?
— Les gens bien pensants qui conseillent, sans sourire, de
gentilles p’tites recettes pour sauver la planète : remplacer les bains par
des douches, ne pas laisser couler l’eau pendant qu’on se lave les dents,
trier ses ordures, utiliser le vélo plutôt que la voiture...
— Ben quoi ? Ils ont raison, non ?
— Certes, mais leurs conseillounets font implicitement retomber sur
le pauvre bougre la responsabilité du désastre écologique. C’est aussi
dérisoire que d’empêcher les petites filles de sauter à la corde, pour
éviter les séismes !
— Je vois ce que tu veux dire... Qu’est-ce que tu proposes, alors ?
— Qu’on dénonce les vrais responsables : la croissance,
l’industrie, le surarmement, le pouvoir, l’hystérie du profit dans les plus
hautes sphères...
— Ça, tout le monde le fait, mais ça ne sert à rien !
— T’as raison : ce n’est pas en râlant qu’on changera les
choses... Mieux vaudrait suivre le conseil de Boris Vian : rassembler tous
les chefs d’état et faire péter une bombe. Sauf que, moi, j’y ajouterais les
gros bonnets de la chaîne agro-alimentaire, qui nous dézinguent de
l’intérieur et transforment la terre en vaste pourrissoir. Et aussi les
banquiers, les spéculateurs, les marchands d’armes, les promoteurs de
centrales nucléaires... (la liste de prédateurs à éliminer n’est pas
exhaustive).
— Fais gaffe, mémé, tu te lâches !
— En détruisant tous ces tordus, je suis bien convaincu d’avoir
servi la France, qu’il disait, le Boris. En voilà un qui avait tout compris !
— M’enfin, mémé, il faisait de l’humour !
— Moi aussi, ma chérie, moi aussi. Quoique... »