À POIL, LES ANGES !
Les histoires de foufounes, ça marche toujours !
Le nez dans son journal, Mémé Georgette explose de rire.
— Qu’est-ce que t’as, mémé ?
—Tu as entendu parler de la polémique sur le sexe des anges, n’est-ce pas ?
— Non.
— En 787, le concile de Nicée a tranché : ils n’en ont pas.
— Qu’est-ce qu’on en a battre, de ces conneries ?
— Parle pour toi : les catholiques intégristes, y attachent une grande importance.
— Tu déconnes ?
—Non, non, je t’assure. Figure-toi que pour présenter l’expo sur Ingres, à Montauban, le peintre des rues Ernest Pignon Ernest a suspendu sur la façade de la cathédrale (avec l’aval des autorités civiles et religieuses) deux immenses portraits d’anges, inspirés de la célèbre toile « Le vœu de Louis XIII » qui se trouve à l’intérieur. Tu me suis ?
— Jusque là, oui.
— Sauf qu’au lieu de leur laisser les grandes robes dessinées par Ingres, il les a déculottés, offrant aux yeux du public deux magnifiques sexes féminins.
— Ça, alors, c’est marrant ! Des femmes à poil sur une église !
— D’où la colère des intégristes qui, horrifiés par la chose, ont été de nuit leur coller un slip en papier journal. Ce qu’ils n’auraient pas fait, je précise, à des angelots fessus !
— Et c’est ça qui te fait rigoler ?
— Je ne devrais pas, je sais. La déprédation d’œuvres d’art pour des raisons morales n’a vraiment rien de drôle. Mais je ne peux pas m’empêcher d’ imaginer les trois ahuris en train de frictionner la foufoune de ces dames avec leurs balais-brosse dégoulinant de colle blanche. C’est d’un érotisme torride, tu ne trouves pas ? Le public et les journalistes n’ont vu, dans leur démarche, qu’un acte de piété ; moi, j’y vois de la perversion pure. Ils ont dû prendre un pied d’enfer, les bougres !
— Mémé ! T’as pas honte ! Tu vois le mal partout !
— Au contraire ! Le but de l’art n’est-il pas, avant tout, de procurer du plaisir ? C’est fait. Au nom des coincés de tout poil, je dis : merci Ernest !
(Dessin de Mandryka)