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GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 216

 

manege2 La très jeune éditrice

          Il y a une vingtaine d’années, j’avais écrit pour Hachette un court roman intitulé « Le manège de l’oubli », destiné aux lecteurs de neuf ans et plus. La très jeune éditrice en charge de la collection à laquelle je le destinais, le lit, me dit : « J’adore ! » et me rend mon manuscrit férocement annoté. En gros, un mot sur deux était à modifier. Je proteste ; peine perdue. La très jeune éditrice me démontre par A+B que j’ai tort et qu’elle a raison. Elle connaît son métier, quand même !

         Bref, force m’est, la rage au cœur, de défigurer un texte que j’estimais abouti. Sale boulot, je vous assure ! Quinze jours plus tard, ayant (très mal) vécu les affres de l’auto-mutilation, je lui rapporte la version « corrigée ».

         — C’est bizarre, mais maintenant je ne l’aime plus, s’étonne-t-elle, après l’avoir relue.

         Je lui suggère de prendre la version d’origine, ce qu’elle refuse avec indignation avant de conclure :

         — Désolée, j’en ai discuté avec mes collègues : nous ne pouvons pas publier ce livre.

          En réfrénant une violente envie de l’étrangler, je flanque le manuscrit traficoté à la poubelle et, dans la foulée, j’envoie l’autre, le vrai, aux éditions Nathan. Il sortira dans la collection « Pleine Lune », admirablement illustré par François Roca, et obtiendra de nombreux prix. Dix ans plus tard, il sera repris par les éditions Lito, toujours sans la moindre modification.

         J’ai revu l’éditrice l’année dernière, dans un salon du livre. Elle avait vieilli et s’était recyclée dans l’immobilier.

 

 

  

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