Où le roi va tout seul
Shabazz raffolait des parfums « rares et coûteux », comme il disait. Et moi, j’avais horreur de ça. A tel point qu’après lui avoir fait la bise, je me ruais dans ma baignoire, histoire de ne pas lui gerber sur les pompes. Je n’ai jamais compris pourquoi des hommes à l’odeur plutôt agréable éprouvaient le besoin de s’inonder de ce liquide nauséabond. Par masochisme pur, peut-être ? Pour le simple plaisir d’être un objet de répulsion ? Nulle tentative de séduction dans cette démarche, en tout cas : la seule femelle de mon entourage sensible aux charmes des hormones industrielles était notre chatte Pépette, une bête hystérique et fortement sexuée dont « Habit rouge », « Cavalier seul», « Tabac » ou « Venez, Milord » titillaient à haute dose la libido féline. Résultat : non contente de lécher avec ferveur le col de l’odorant blouson, elle finissait, surexcitée, par mordre cruellement Shabazz dans le cou, ce qu’il n’appréciait guère. Bref, afin d’échapper aux hommages de l’affectueuse bête, il n’avait d’autre choix que de courir se planquer dans les chiottes, ce qui libérait mes narines de l’éprouvante agression. Ah, combien j’appréciais la saine et fraîche odeur des déjections humaines, quand je la comparais à ces odieuses fragrances chimique !