Le parfum
C’était l’été, à Paris. Pour lutter contre les moustiques, une copine m’avait conseillé l’extrait de citronelle. « Tu gardes le flacon ouvert toute la nuit, sur ta table de chevet, et tu ne seras pas piquée », m’avait-elle assuré. C’était assez efficace, je dois dire.
Manque de bol, le matin, en tâtonnant à la recherche de mes lunettes, j’en renverse un peu sur mes vêtements.
Pas le temps de me changer, je suis déjà en retard. Au pas de course, je m’engouffre dans le métro, sans réaliser que je répands à foison d’entêtants — et exécrable — effluves.
Le métro est plein à craquer. Cependant, peu à peu, le vide se fait autour de moi. Les usagers flairent avec suspicion, puis refluent en masse vers l’arrière de la rame. Et les réflexions fusent :
— Qu’est-ce qu’ils utilisent comme désinfectants, à la RATP ?
— Ça fout la gerbe !
— Je suffoque !
— Je vais tourner de l’œil !
À la station suivante, tout le monde descend chercher refuge dans les compartiments voisins. Et le manège recommence avec les nouveaux venus.
Au boulot, pareil. On incrimine la femme de ménage, et une collègue remarque, en pénétrant dans mon bureau :
— Oh, ma pauvre, elle a renversé son « Monsieur Propre » sur ta moquette ou quoi ? Comment peux-tu bosser dans une telle puanteur ?
Par bonheur, personne ne m’a soupçonnée. Le désinfectant, c’est assez peu usité, comme parfum, chez les quadragénaires. Mais mon égo en a quand même pris un coup. Durant une journée, j’ai bel et bien été « celle qu’on ne peut pas sentir ! »