Condoléances
J’ai besoin de rire comme de respirer, c’est physiologique. Mais quelquefois, ça joue des tours. Surtout après un deuil récent.
Un soir, en sortant de l’épicerie, je tombe sur une scène hilarante : le yorkshire de ma copine Inès en train de monter celui de Mme J. Comme cette dernière, indignée, tente en vain de les séparer, Inès s’interpose :
— Laissez-les tranquilles, voyons ! Ils ne font rien de mal !
Je crois qu’elle est contente de voir son toutou content. Quoi de plus légitime ?
Mais Mme J. ne l’entend pas de cette oreille.
— C’est dégoûtant, trépigne-t-elle. Arrête ça, Pompon ! Viens vite chez maman ! Éloigne-toi de ce sodomite !
Le mot déplaît à Inès qui lance, vengeresse :
— Si vous êtes contre le mariage gay, dites-le tout de suite.
Bref, le ton monte, au rythme des coups de reins de Yorkshire n°1 et des halètements de Yorkshire n°2.
Moi, je me bidonne... jusqu’à ce qu’une troisième voisine s’approche, la mine défaite ;
— Permettez-moi de vous présenter mes plus sincères condoléances.
D’un seul coup, mon rire se coince dans ma gorge.
Je me suis rarement sentie aussi ridicule.