• ROSE 69

     

     

                      LES AFFRES DE LA SOLITUDE

     

    Lorsque Mona rentre chez elle, il est presque minuit. En sa compagnie, Rose n'a pas senti le temps passer. Tandis que l'une s'occupait des enfants, l'autre vaquait dans la maison (et réciproquement), si bien que les tâches ménagères, d'ordinaire contraignantes, lui ont semblé légères — presqu'agréables, à la limite. Ensuite, une fois Grégoire et Olivier couchés, elles ont dîné en papotant, pour finir la soirée devant un "café blanc"*, chacune un animal sur les genoux.

    C'est après qu'un cafard monstre s'abat sur Rose. Lorsqu'elle se retrouve à nouveau seule.

    « À cette heure-ci, Amir doit être arrivé à Bruxelles », pense-t-elle.

    Et de l'imaginer lui, l'être autour duquel elle a bâti son existence, dans cette ville dont on l'a exilée, elle se sent doublement trahie.

    Durant toute la journée, la chaude présence de Mona a littéralement gommé Amir de son esprit. Elle ne sentait plus rien, ni le déchirement de la séparation, ni la peur des interminables semaines à venir ; juste un confortable engourdissement, un peu comme l'Aspirine annihile la migraine. Mais là, le médicament a cessé de faire effet et la douleur se réveille, plus virulente que jamais…

    L'état de "manque" — car l'amour est une drogue à accoutumance, n'est-ce pas ? — atteint son paroxysme lorsque Rose se couche. Leur lit, ce cocon où d'ordinaire ils se lovent à deux, lui semble soudain si hostile, si froid…

    Et que dire de cet oreiller vide à côté du sien ?

    « Si j'étais peintre, pense-t-elle, c'est ainsi que je représenterais la solitude : un oreiller vide. »

    Et ses larmes montent, car la forme d'une nuque familière creuse, imperceptiblement, le renflement de plume.

    Bref, toutes les conditions sont requises pour une nuit d'insomnie — ou de cauchemar, au choix. En plus, comble du comble, la maison craque…

    Ce sont des détails qu'on ne perçoit pas lorsqu'on dort à deux. Pas plus qu'on ne redoute les dangers nocturnes, réels ou imaginaires. Mais seule, oh, seule…

     

                             

    * Café blanc : eau chaude parfumée à la fleur d'oranger, que l'on boit avant d'aller se coucher pour favoriser le sommeil

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 10 Mars 2014 à 10:47
    Annie GH
    La nuit, la première nuit de solitude, reviennent les terreurs nocturnes enfantines… S'y ajoutent le froid, le manque, et la conscience que certaines de ces terreurs peuvent n'être pas totalement imaginaires… Tout est réuni pour une nuit d'insomnie…
    2
    Lundi 10 Mars 2014 à 17:37
    Pata
    Si l'amour est une drogue, c'en est une douce:)))
    (Oui, encore une généralité, j'entame une collection !)
    3
    Lundi 10 Mars 2014 à 18:44
    Castor tillon
    Le problème, c'est que la drogue dure.
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    4
    Lundi 10 Mars 2014 à 20:23
    Annie GH
    Qu'elle dure n'est pas un problème !
    5
    Lundi 10 Mars 2014 à 20:24
    Annie GH
    Et l'amour vache, c'est une drogue douce ? ;-)))
    6
    Lundi 10 Mars 2014 à 20:48
    Castor tillon
    Meuuuh non.
    7
    Lundi 10 Mars 2014 à 21:55
    Gudule
    Olé !
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