• ROSE 66

     

     

    CE N’EST QU’UN AU REVOIR

     

     

             Et vient le jour du départ. Rose n'a pas fermé l'œil de la nuit, écoutant dans l'ombre respirer son homme.

             « C'est la dernière fois… », se répétait-elle jusqu'au vertige.

             Tous les épisodes de leur courte vie conjugale défilaient dans sa mémoire, teintés de l'intense regret de "ne pas en avoir assez profité". D'avoir gâché, par inconscience, des moments uniques qu'elle eût dû savourer à petites gorgées gourmandes, comme un nectar.

    Bref, ces heures précédant un voyage somme toute anodin ont pris, pour elle, des allures de veillée funèbre. Cependant, par fierté, elle n'en laisse rien paraître, si bien que lorsqu'Amir s'éveille aux aurores — lui non plus n'a pas très bien dormi, mais pour de tout autres raisons  —, il la trouve active, fraîche, et même un tantinet maquillée (l'anticernes, quelle belle invention !) De plus, elle chantonne.

    Tu as l'air en pleine forme, remarque-t-il.

    Et elle, si désinvolte qu'elle en devient ridicule :

    Oh oui, je pète le feu.

    Elle attendra pudiquement qu'il soit parti pour s'effondrer. De sorte que, en montant dans le taxi qui l'emmène à l'aéroport, il lui glisse à l'oreille :

    — C'est de te débarrasser de moi qui te rend si joyeuse ?

    — Peut-être, répond-elle, méchante et héroïque. Que veux-tu, mon chéri, la liberté, ça grise !

    C'est cette curieuse image qu'il emportera d'elle : un petit visage crispé à l'extrême, mâchoires serrées, nez froncé, œil humide, mais arborant un large sourire de défi. Le visage d'une Rose inconnue…

     

     

                                                *

     

    Assise au bord du lit où flotte encore l'odeur du Bien-Aimé, Rose sanglote. Elle se sent seule à hurler. Grégoire est à l'école, Olivier dort. Personne n'a besoin d'elle. Sa vie va à vau l'eau.

    Soudain, un léger grincement. La porte, mal fermée, s'entrebâille, poussée de l'extérieur.

    Qu'est-ce que … ? sursaute-t-elle.

    C'est Julie.

    Bien qu'elle n'ait pas le droit de monter dans les chambres, la chienne, si docile d'ordinaire, a bravé l'interdit. Impavide, elle s'avance vers sa maîtresse. Pose les pattes avant sur ses genoux. Lève le museau. Et, gravement, lèche ses larmes.

     

    http://nsm08.casimages.com/img/2014/03/10//14031001321216601912051318.jpg

     

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 7 Mars 2014 à 11:05
    Annie GH
    Un épisode plutôt dense… sans raison, j'ai pensé : la fin de quelque chose et la genèse d'autre chose… Et cette chute avec Julie qui m'a touchée…
    2
    Vendredi 7 Mars 2014 à 11:05
    Annie GH
    Et Barbara et cette chanson que j'aime
    http://youtu.be/-DMksXJCyMI
    3
    Vendredi 7 Mars 2014 à 12:37
    Ryko
    Clic : "j'aime".
    4
    Vendredi 7 Mars 2014 à 13:13
    Gudule
    Merci les caupaings (comme dirait Hervé) C'est gentil d'accompagner Rose dans son apprentissage de la solitude...
    5
    Vendredi 7 Mars 2014 à 15:43
    Pata
    Les animaux... Eux la sentent toujours la tristesse, même sous le fard des faux semblants !
    6
    Vendredi 7 Mars 2014 à 20:04
    Mêo
    ♥♥♥♥♥
    7
    Samedi 8 Mars 2014 à 02:50
    Castor tillon
    Ben moi, j'aime pas quand Rose sanglote, merde alors.
    8
    Samedi 8 Mars 2014 à 18:33
    Gudule
    Ce sont de choses qui arrivent, quelquefois...
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    9
    Benoît Barvin
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:27
    Benoît Barvin
    Je continue à lire, chaque jour, chère Gudule, les péripéties de Rose. Mais je n'arrive toujours pas à ce que mes "j'aime" s'inscrivent sur ta page... Sache, donc, que bien que silencieux, je suis toujours là...
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