• ROSE 56

     

     

                                                         CAMPING

     

     

             Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde, si bien que, le soir même :

    Ça te plairait, une journée à la mer ? lance Rose à son mari.

    Réaction mitigée :

    — Euh… je t'avoue que faire de l'escalade avec les deux moutards et tout le fourbi…

    — Qui te parle de ça ? On va dans un camping parfaitement équipé, tenu par des gens adorables.

    Et de lui raconter sa fameuse rencontre et la proposition qui a suivi.

    — On en profitera pour faire des photos et une interview. Au moins, ce papier-là, Alexandre Hélou ne pourra pas me le refuser. D'autant que je rebondirai sur le conte de Michèle, qui est quand même la grande gagnante du Coin des petits. C'est d'ailleurs pour ça que je ne veux pas trop tarder : il faut battre le fer tant qu'il est chaud…(elle pouffe) Pour une fois, je suis d'accord avec ma mère.

    Dans ces conditions — et si, en plus, il y a un article à la clé — Amir n'a aucune objection. De sorte que le lendemain, sitôt le petit déjeuner avalé, toute la famille embarque dans la Volvo, et en avant !

    Amchit est un endroit charmant, situé le long de la côte, parmi les lauriers roses et les oliviers.

    Là, regarde, au carrefour, il y a un panneau ! s'écrie Rose.

    La grossière plaque de bois (un camping barbouillé à la va-vite, assorti d'une flèche) indique une petite route en lacet, descendant à pic vers la mer. Ils l'empruntent cahin-caha, et se retrouvent bientôt sur une plate-forme herbeuse où fleurissent quelques tentes, ainsi que de fort laids bâtiments en béton. La plage attenante, en revanche, est d'une beauté sauvage à vous couper le souffle. Un ensemble de rochers aux découpes tourmentées, entourant une calanque de sable blond, comme la dentelle entoure un berceau.

    — Regarde, Grégoire ! s'écrie Rose. Tu vas pouvoir faire des pâtés.

    Tu as pensé à prendre sa pelle et son seau ? s'enquiert Amir.

    Ben… non, mais il se servira de ses doigts, hein, mon bichon.  

    Vi, approuve Grégoire. Et ze veux zouer dans l'eau !

           — Attends cinq minutes, on va d'abord dire bonjour à madame Sfeir.

    La voiture s'arrête devant ce qui semble être un bureau d’accueil-épicerie-buvette, flanqué d'une petite terrasse. Alerté par le bruit du moteur, un homme aux cheveux gris s'avance en souriant.

    Bonjour, dit Rose, Je… madame Sfeir m'a invitée hier, et…

    Vous êtes la journaliste d'Orient-Magazine ?

    Oui, c'est ça.

    Enchanté, je me présente : Antoine Sfeir, le papa de Michèle.

    Il se tourne vers une vieille maison de pierre accolée aux vilains bâtiments :

    — Arleeette ! Il y a quelqu'un pour toi.

    Puis, revenant à ses invités :

    — Asseyez-vous à une table, je vous en prie. Qu'est-ce que je vous sers?

    La terrasse, agréablement ombragée, donne sur le large. Des ventilateurs placés aux quatre coins dispensent une brise rafraîchissante. Rose s'empresse d'y installer ses enfants, qui ont eu très chaud en voiture. Un biberon d'eau pour l'un, une orange pressée pour l'autre...

    Arlette Sfeir les rejoint, quelques instants plus tard. Congratulations d'usage.

    — Je suis ravie que vous ayez pu venir. Quel dommage que Michèle soit chez sa grand-mère !

    — Ze veux zouer dans l'eau,  re-réclame Grégoire qui, depuis un moment, donne des signes d'impatience.

    ­— Tout à l'heure, mon trésor. En attendant, va t'amuser sur l'herbe. Mais ne t'éloigne pas, hein !

    La conversation s'engage. On parle de tout, de rien — de soi essentiellement. Rose apprend de la sorte que son hôtesse, paraplégique suite à un accident de la route dans son enfance, a découvert le Liban au cours d'un voyage organisé.

    C'est là que vous vous êtes connus, votre mari et vous ?

    — Exactement. Tony était le conducteur du car. Comme rien n'est prévu pour les handicapés, dans ce pays, je l'ai mis à contribution. Il me portait chaque fois que nécessaire.

    Et à force de vous porter, il ne vous a plus lâchée, c'est ça ?

    — En quelque sorte. J'avais dix-huit ans, lui vingt-et-un, ce fut le coup de foudre. Je ne suis jamais repartie.

    Un vrai conte de fées, apprécie Rose qui prend des notes.

    — Par la suite, l'idée nous est venue de créer cette structure adaptée aux besoins des personnes comme moi.

    Et… ça marche ?

    Pas trop mal.

    — J'imagine que, dans les agences de voyage et les guides touristiques, vous… Mon Dieu !

    Tout en parlant, Rose a tourné machinalement la tête pour surveiller son fils. Et ce qu'elle aperçoit lui arrache un cri. Un énorme chien noir rôde autour de l'enfant.

    — Ne bouge pas ! la retient Amir. Pas de mouvement brusque, surtout. Tu pourrais l'effrayer.

    Il se lève, et très lentement, se dirige vers Grégoire, en susurrant d'une voix feutrée :

    Tout va bien… Tout va bien…

    Rose, paralysée de peur, ne le quitte pas des yeux, tandis que, dans son dos, Antoine Sfeir gronde :

    — Encore, cette sale bête ! Cette fois, je lui règle son compte. Ces chiens errants sont une véritable plaie.

    Il… il n'est pas à vous ?  bredouille Rose.

    Elle aurait dû s'en douter. Les possesseurs d'animaux domestiques sont rares, au Liban. Chiens et chats vivent et se reproduisent dans la nature, craignant l'homme et réciproquement.

    http://nsm08.casimages.com/img/2014/02/25//14022502055016601912014093.jpg

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 25 Février 2014 à 10:48
    Ryko
    Brrr. Et là, il y un coursier qui se pointe : Pardon, je cherche la maison des Baskerville, on m'a dit que c'était dans le quartier.
    2
    Mardi 25 Février 2014 à 11:11
    Gudule
    Pffffrrrrttt !
    3
    Mardi 25 Février 2014 à 13:16
    Pata
    Ah... Après le chat, peut-être vont-il écoper d'un nouveau compagnon ?
    Parce qu'après tout, ce n'est pas parce qu'il est grand qu'il est méchant, ce chien là, non ?
    4
    Mardi 25 Février 2014 à 14:14
    Gudule
    Tu serais pas un peu voyante à tes heures perdues, Pata ?
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