• ROSE 41

     

     

                                                                 LE CHATON

     

    R'ga'de, maman !

    Ce que brandit Grégoire est à peine plus gros qu'une souris. Ça gigote, ça pousse des cris aigus et c'est plein de poils particulièrement sales.

    — Oh, le joli chaton ! s'écrie Rose. Attention, mon chéri, tu le tiens mal.

    Elle le lui prend, l'enferme doucement entre ses paumes en conque.

    Petit, petit, petit… qu'il est mignon ! Où l'avez-vous trouvé ?

    — Dans le souk, répond Rachad. Il s'était réfugié sous une voiture ; d'ailleurs, fais gaffe, il est plein de cambouis. C'est Grégoire qui l'a vu, il tremblait de froid, de peur. Je me suis dit que si on le laissait là, il n'en avait plus pour longtemps à vivre.  Ça ne t'embête pas qu'on l'ait ramené ?

    — Bien sûr que non, tu as très bien fait, au contraire.  N'est-ce pas, mon bichon ?

    Le petit garçon, ravi, tend ses menottes.

    Veux le ssat !

    — Tout à l'heure. On va d'abord le laver et lui donner à manger… Tu crois qu'il est sevré ?

    La question s'adresse à Rachad.

    Je n'en ai pas la moindre idée. Tu sais, moi, les chats…

    On va s'en assurer tout de suite.

    Elle verse un peu de lait dans une soucoupe, la pose devant l'animal. Celui-ci hésite puis, maladroitement, plonge son museau dans le liquide et éternue.

    — Il n'y arrive pas, constate Rose, navrée. Je l'aurais parié : à cet âge-là, ils tètent encore. C'est comme si on essayait de faire boire Olivier au verre.

    Cette pensée lui serre le cœur.

    — Comment l'alimenter ? Il risque de mourir de faim. À moins que…

    Prise d'une inspiration subite, elle déboutonne son chemisier et présente aux minuscules babines son mamelon où perle un peu de lait.

    — Oh, Rose, s'indigne Rachad. Tu ne vas quand même pas… C'est dégoûtant !

    — Pourquoi ? Un bébé est un bébé, non ? Allez, petit, goûte-moi ce bon niamniam !

    Après deux ou trois tentatives infructueuse, la langue rose lape enfin la goutte nourricière.

    À la bonne heure, se réjouit Rose. Vas-y, encore une !

    Elle rit.

    Tu es le frère de lait d'Olivier, maintenant.

    Puis, s'adressant à son beau-frère, toujours aussi choqué :

    — Tu ne connais pas la chanson de Brassens ? Quand Margot dégrafait son corsa-age, pour donner la gougoutte à son chat…

                — Toi aussi, tu te mets à confondre la poésie et la réalité ? coupe Rachad d'un ton sec.

    Petite moue d'excuse de Rose.

    Des fois, c'est bien, dit-elle. Ça aide à supporter le malheur.

    Des fois, ça l'accentue, répond-il sombrement.

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 10 Février 2014 à 10:22
    Ryko
    Rien à ajouter à ce que j'ai dit à la page précédent. Une goutte de bonheur dans le courant de la vie. Attention ! Si j'en juge par les dires de Louis, le voisin de Colette dans "Isthar", ce chat nourrit au sein ou au biberon te posera de gros problèmes. A moins que son destin, à lui aussi, soit funeste, ce qui serait quand même un problème.
    Faut pas m'en vouloir, c'est lundi. Et mon dimanche soir n'était pas gai. Je vais essayer de bien écrire cette journée.
    2
    Lundi 10 Février 2014 à 11:57
    Gudule
    Nous, en tout cas, on est tout joyeux, ce lundi matin. Car la factrice vient de nous apporter "Le monde merveilleux des bêtes et des zanimaux". Slurp ! Slurp ! (C'est presque aussi bon que les choux de Bruxelles !)
    3
    Lundi 10 Février 2014 à 12:42
    Ryko
    Le monde merveilleux etc.
    L'éditeur vient de me faire savoir qu'il avait reçu une injonction du Ministère de la Morosité exigeant l'apposition d'un avertissement réglementaire sur la couverture sous peine de faire chier :

    NUIT GRAVEMENT À VOTRE QUIÉTUDE
    Ne pas laisser entre toutes les mains de votre entourage à l'heure de la sieste.
    On vous aura prévenu.
    4
    Lundi 10 Février 2014 à 17:02
    Gudule
    Perso, j'ai toujours pensé qu'une bonne tranche de rigolade était plus bénéfique à la santé qu'un quintal de vitamines. Donc, sieste ou pas, je conseille à tout le monde cet aliment miracle qui nourrit le corps et vivifie l'esprit. Merci docteur Ryko !
    5
    Lundi 10 Février 2014 à 17:24
    Ryko
    Ha ha ! C'est sympa de commenter mon bestiaire ici. Faut dire qu'il y a plus d'ambiance que sur mon blog qui lui est consacré (http://ryko.m.over-blog.com/). Tu feras la bise à Rose de ma part.
    Pas la peine d'aller sur le blog, j'y publie les mêmes extraits que sur FB et tu as maintenant la totale entre les mains.
    6
    Lundi 10 Février 2014 à 20:21
    Gudule
    Manquerait plus que ça ! C'est le beau-frère, quand même !
    7
    Lundi 10 Février 2014 à 23:51
    Annie GH
    J'ai toujours trouvé curieux le contraste entre la pudibonderie de type "Cachez ce sein que je ne saurais voir" et la simplicité des femmes qui allaitent et qui, comme Brassens l'a bien chanté, dégrafent leur corsage en public !
    8
    Mardi 11 Février 2014 à 03:05
    Castor tillon
    Aujourd'hui, on est en train de tomber dans la pudibonderie la plus absurde, le genre de comportement décrit dans cet article (expulsion pour cause d'allaitement) est en train de se généraliser dangereusement :
    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/518228-couvrez-ce-sein-que-je-ne-saurais-voir-quand-l-allaitement-en-public-derange.html
    ... dans le même temps qu'au sein, ha ha, de l'opposition, on part en guerre contre les livres pour enfants.
    9
    Mardi 11 Février 2014 à 11:22
    Annie GH
    Je suis allée lire l'article proposé par Castor ! J'en reviens pas ! L'auteur a raison de pousser un coup de gueule ! Hélas, l'ordre moral dans ce qu'il a de plus rétrograde remontre clairement le bout de son, euh! nez !
    10
    Mardi 11 Février 2014 à 11:25
    Annie GH
    La moindre journaliste ou animatrice télé en montre davantage (et de façon ouvertement sexy, ce qui gêne visiblement certains de leurs invités dont le regard est explicite !!!!) que ces femmes allaitant de la photo illustrant l'article…
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    11
    Mardi 11 Février 2014 à 19:13
    Mêo
    Hallucinant, l'article sur l'allaitement ! On vit une époque formidable... :-(
    12
    Mardi 11 Février 2014 à 20:12
    Gudule
    Mélanie s'est faite virer de chez Leclerc parce qu'elle allaitait Maya en faisant les courses. Je n'ai pas remis les pieds dans ce magasin pendant trois ans.
    13
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:28
    Pata															l
    Hé, hé; la tétée et l’atterré (Ben oui, Rachad qui n'a pas l'air de gouter (lui !) à ce biberon !
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