• ROSE 18

     

     

                                                            ÇA Y EST ! (BIS)

     

    À la clinique, une mauvaise surprise les attend : le vieux docteur Shaïm, qui a suivi Rose pendant sa grossesse, s'est cassé la jambe. Son remplaçant ne parle pas un mot de français, de sorte qu'Amir se voit dans l'obligation de jouer les interprètes.

    —Le médecin veut t'ausculter, dit-il à Rose, en lui indiquant la table d'examen.

    — Tu restes avec moi ?

    — Non, il préfère pas. Je t'attends dans le couloir. Courage, mon amour !

    Rose, désemparée :

    — Mais… comment je vais comprendre ce qu'il me raconte, si tu t'en vas ?

    Dans l'affolement, ses vagues notions d'arabe se sont évaporées ; elle se sent aussi perdue qu'un cosmonaute échoué sur une planète lointaine. Si c'était en son pouvoir, parole d'honneur, elle refuserait d'accoucher dans de telles conditions. Mais on ne retient pas un bébé contre son gré, et le sien, de toute évidence, est mûr pour le grand saut. Les contractions qui se succèdent à un rythme soutenu ne laissent aucun doute là-dessus.

    — Je ne m'éloignerai pas, assure Amir qui n'en mène pas large. Si tu flippes, appelle-moi.

    Il s'éclipse à regret. Avec un soupir fataliste, Rose se déculotte, se hisse sur la table, glisse ses pieds dans les étriers. Encore heureux qu'elle ait déjà pratiqué cet exercice, du temps de Grégoire ! Dans les circonstances présentes, rien ne lui semblerait pire que l'inexpérience.

    Après un rapide contrôle, le médecin lance un ordre à une infirmière. Celle-ci acquiesce puis, débloquant la table sur roulettes,  la pousse vers la pièce voisine.

    — Où m'emmenez-vous ? interroge Rose.

    Dans la salle de travail.

    (Ah ! elle comprend le français.)

    — Mon mari peut m'accompagner ?

    —  Certainement pas. Ce n'est pas la place d'un homme.

    — Pourquoi ? Il n'a pas le droit de rester pendant mon accouchement ?

    — Bien sûr que non. Imaginez le spectacle que vous risquez de lui offrir !

    Euh…

    Vous voulez le dégoûter de vous ?

    Une contraction particulièrement violente diffère de quelques secondes la répartie — cinglante ! — de Rose, temps que met l'infirmière à profit pour la véhiculer là où elle doit aller. Lorsque, ayant repris son souffle, Rose est à nouveau en mesure de s'exprimer, elle se trouve sous le feu d'un projecteur chirurgical.

    — Je veux mon mari, insiste-t-elle.

    Haussement d'épaules irrité de l'infirmière.

    — C'est une idée fixe, ma parole !

    — En Belgique, les hommes tiennent toujours la main de leur femme pour l'aider à pousser. En plus, j'ai besoin de lui comme traducteur.

    — Ça, je m'en chargerai.

    Devant tant d'obstination, Rose sent la moutarde lui monter au nez. Une colère grandiose enfle en elle. Mais une vraie, hein. Vraie de vraie. Une putain de colère de tonnerre de Brest !

    — Amiiiiiiir ! AMIIIIIIIIR ! beugle-t-elle, de toute la force de ses poumons.

    — Docteur, vite ! hurle l'infirmière.

    Le médecin se précipite, et arrive juste à temps pour recevoir l'enfant, éjecté par l'ire maternelle. Simultanément, Amir accourt, bouscule l'infirmière qui tente de s'interposer, et assiste en direct à l'expulsion de son fils.

    C'est un très grand moment. Un moment d'émotion indicible. Amir embrasse Rose en pleurant, Rose murmure : « C'est un garçon ? Il a bien tout ?», et Olivier pousse son premier cri. 

    Il est minuit pile.

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  • Commentaires

    1
    Samedi 18 Janvier 2014 à 09:08
    Ryko  Ouiiiiin
    Berk, une femme qui accouche. Quelle horreur. C'est sûr que sa féminité en prend un coup ;-)
    Psst ! Il y en a une parmi nous qui est né à l'étranger un 1er janvier.
    2
    Samedi 18 Janvier 2014 à 09:50
    Ryko fôôte !
    "qui est néE". C'est tout de suite plus féminin.
    3
    Samedi 18 Janvier 2014 à 11:07
    Gudule
    Curieux, non ? La féminité qui en prend un coup en atteignant sa quintessence !L'être humain est une drôle de bête.
    4
    Samedi 18 Janvier 2014 à 11:15
    Annie Gehache
    Né sous de tels auspices, sûr qu'il doit avoir un sacré tempérament !
    5
    Samedi 18 Janvier 2014 à 11:17
    Annie Gehache
    @ Ryko. Je crois deviner qui c'est… et le pire c'est que je ne l'ai compris qu'il y a peu et que j'ai laissé passer ça… La honte !
    Jaurai po du !
    6
    Samedi 18 Janvier 2014 à 11:18
    Annie Gehache
    Suspense en ce qui concerne la date effective : fin d'année, début d'année ?
    7
    Samedi 18 Janvier 2014 à 11:52
    Castor MIAM
    Le pire, c'est qu'on ne saura jamais s'il est né le soir ou le matin.
    8
    Samedi 18 Janvier 2014 à 12:11
    Mêo dites-moi que je
    J'adore ta manière de raconter !
    Je n'aurais pas voulu que qui ce soit de proche assiste à la quintessence de ma féminité, vu comment ça s'est passé pour moi.
    9
    Samedi 18 Janvier 2014 à 12:38
    Castor Nado aspire à
    Mêo, je t'assure que tu ne les fais pas. Quand on naît un 1er janvier, on est tout neuf.
    10
    Samedi 18 Janvier 2014 à 12:43
    Gudule
    Effectivment,Mêo : c'est un moment où on n'est pas follement glamour, mais bon, avoir quelqu'un qu'on aime auprès de soi, c'est tellement rassurant ! Pour mon aîné, y avait personne, que le toubib et les infirmières, et je me sentais tellement abandonnée... Les deux suivants, Amir était là, et il a parfaitement rempli son rôle de père. C'est même lui qui a coupé le cordon de la petite dernière.
    11
    Samedi 18 Janvier 2014 à 13:22
    Mêo ça m'rassure
    Merci Castor Nado ;-))
    Faut dire qu'il aurait tourné de l'oeil alors ça aurait nécessité le double de personnel médical
    12
    Samedi 18 Janvier 2014 à 14:03
    Gudule
    Je pense que c'est une de raisons pour lesquelles on refuse les pères dans les maternité libanaises. En fait, le personnel médical s'en fout de la future sexualité de ses patientes. En revanche, ranimer les maris, ça doit être la galère.
    13
    Samedi 18 Janvier 2014 à 14:54
    Ryko ouf
    Je repassais juste pour voir si je ne m'étais pas pris un coup d'anathème dans les rouspettes. Je ne me rappelais pas avoir tapé le petit ;-) de rigueur. De plus j'ai été suivi de près par Gudule qui ne se laisse pas embobiner par la première provoc venue. Ouf. Merci, les filles.
    14
    Samedi 18 Janvier 2014 à 17:11
    Gudule
    Très joliii !
    15
    Samedi 18 Janvier 2014 à 17:15
    Gudule
    @Ryko : Alors là, no problemo. La provo et moi, on est des vieilles complices, ce n'est pas son incursion dans le com d'un copain qui va me perturber !
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    16
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:29
    Pata															l
    Elle est ire et il est hors, ce bébé de minuit !
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