• ROSE 140

     

     

                                                LA GLOIRE

     

             Aucun de ses envois ne recevra de réponse. En revanche, de temps à autre, Amir interprétera «  Ça vaut pas l’coup » dans le métro. Ça le changera un peu de Yesterday et de Michelle

             Conséquence directe — et pour le moins inattendue — : un soir, au lieu de revenir vers dix-neuf heures, comme d'habitude, il tarde jusqu'à minuit passé. Rose l'attend sur le trottoir en faisant les cent pas.

             — Où t'étais, merde ? crie-t-elle, du plus loin qu'elle l'aperçoit.

             Lui, suspectement hilare :

             — Je suis allé prendre un verre avec des potes.

    T'aurais pu me prévenir, j'étais folle d'inquiétude.

    Excuse-moi, je n'ai pas vu passer l'heure.

    Qui c'est, ces potes, d'abord ?

    Tes admirateurs…

    Rose, désarmée :

    Ah ?

    — Cet aprèm, je chantais ta chanson sur la ligne Porte d'Orléans - Porte de Clignancourt quand trois mecs sont montés. Des étudiants en droit. En général, les voyageurs n'écoutent pas les paroles ; eux, si. Quand j'ai eu fini, ils ont applaudi, puis ils m'ont invité à boire un coup. On a beaucoup parlé…

    De mon texte ?

    — Ouais, entre autres. Ils trouvent que tu devrais en faire d'autres, dans le même style.

    Et toi ? dit Rose.

    Moi, je t'aime, rigole Amir.

    Il a le vin romanesque.

    — Ça te réussit de prendre une cuite, remarque Rose. Il y avait longtemps que je ne t'avais pas vu dans une telle forme !

     

             Une forme éphémère, hélas. Car dès le lendemain, Amir, miné par la précarité de leur situation, redevient l'être soucieux et irascible qu'il est de plus en plus.

     

                                                         *

     

             En son absence, une nouvelle idée germe dans la tête de Rose.

             « Si j'essayais de recontacter Gaby Askar ? Je pourrais peut-être arriver à les réconcilier, qui sait ? C'était quand même moins pire quand ils bossaient ensemble. »

    Allo, Gaby ? C'est Rose.

    Voix ennuyée :

    Ah, salut…

    J'ai une chanson à te proposer.

    Je suis très occupé, là.

    — Tu ne pourrais pas passer chez nous, un de ces quatre ? Je suis sûre qu'Amir serait content de te revoir.

    Désolé, mais pas moi.

    Houlà, c'est mal barré. Rose se mordille les lèvres.

    Euh… vous devriez vous réconcilier.

    C'est lui qui t'a demandé de m'appeler ?

    Non, il ne le sait même pas.

    — Écoute, Rose : ton mari m'a planté au milieu d'une tournée, et ça, je ne le lui pardonnerai jamais. Pour moi, il n'existe plus. Par contre, je n'ai rien contre toi. Envoie-moi ton texte, je verrai ce que je peux faire

    Non merci, dit Rose. C'est nous deux ou personne.

               — Alors, ce n'est personne, répond Gaby — avec une sorte de soulagement.

    Et il raccroche.

    « Connard ! » pense Rose.

    Elle n'avouera jamais sa démarche à Amir. Ni son acte de loyauté. Mais en concevra une fierté intime qui compensera un peu sa déception. On se console comme on peut.

     

     

     

     

     

    « QUATRIÈME RÉÉDITION...ROSE 141 »

  • Commentaires

    1
    Mardi 20 Mai 2014 à 21:42
    Castor tillon
    Rose, elle est adorable, avec sa pléthore d'idées frappées au coin de la catastrophe.
    2
    Mercredi 21 Mai 2014 à 13:31
    Annie GH
    C'est pas les vaches maigres, c'est la vache enragée !!!
    3
    Jeudi 22 Mai 2014 à 01:25
    Tororo
    Certains jours, j'ai l'impression que je la connais, cette Rose.
    4
    Jeudi 22 Mai 2014 à 15:41
    Tororo
    Disons... au moins un autre de ses avatars littéraires.
    5
    Vendredi 23 Mai 2014 à 00:36
    Tororo
    Ça donne des personnages très cohérents: si c'est ça radoter, je vais me mettre à radoter aussi.
    6
    Vendredi 11 Juillet 2014 à 20:26
    Pata
    Mais j'voulais faire un jeu de mot avec l'affreux Gaby, et le bât blesse et le Bashung mais je renonce : j'arrive pas à pondre une phrase cohérente !!

    Ben je reviendrai du coup ^^
    7
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:25
    Gudule
    Sans blague ?
    8
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:25
    Gudule
    Faut dire, des fois, je dois donner l'impression de radoter, parce qu'on retrouve les mêmes anecdotes dans les "Rose" et dans "Les grands moments de solitude". Forcément, hein, c'est que du vrai pur jus !
    9
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:25
    Gudule
    Oh oui, Tororo, radotons de concert !
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :