• ROSE 139

     

     

    ANNE SYLVESTRE

     

    N'ayant aucune nouvelle de Georges Brassens — et pour cause — Rose ne s'avoue pas vaincue. Elle a une autre idole, depuis peu : Anne Sylvestre. Une femme sera peut-être plus perméable à sa détresse qu'un homme ?

    En revanche, où la trouver ?

    À tout hasard, elle consulte l’annuaire et bingo ! tombe sur son numéro de téléphone.

    Le cœur battant, elle appelle.

    Une voix fort aimable lui répond, qu'elle reconnaît aussitôt.

    Ma… madame Anne Sylvestre ?

    Elle-même en personne.

    En bredouillant un peu, Rose lui explique de quoi il retourne. La chanteuse l'écoute avec patience, pose quelques questions, en particulier sur le style de chansons qu'écrit son interlocutrice.

    — Le même que le vôtre, s'écrie naïvement celle-ci.

    — Navrée, mais je ne peux rien pour vous : je suis auteur-compositeur, pas productrice. Vous devriez vous adresser à des maisons de disque qui, si vos œuvres les intéressent, vous mettront en contact avec des interprètes.

    Et… euh… je les trouve où, ces maisons de disques ?

     Au Bottin. Il y en a dix pages ; vous n'aurez que l'embarras du choix.

    Rose remercie, vérifie, constate le bien-fondé du conseil et appelle — au  hasard — chez Pathé-Marconi.

    Envoyez-nous un enregistrement, lui répond-on. 

    Comment ça ?

    Soupir agacé, à l'autre bout du fil.

    — Nous ne prenons connaissance que des bandes magnétiques, pas des partitions ni des textes sur papier.

    Mais je chante comme une casserole.

                — Aucune importance : nous ne tiendrons compte que des paroles.

    En plus… je n'ai pas d'enregistreur.

    Achetez-en un.

    Histoire de confirmer, Rose téléphone à deux autres boîtes qui lui tiennent grosso-modo le même discours.

    C'est foutu, estime-t-elle.

    Et elle court confier ses déboires à Mme Irène.

     — Je peux vous en prêter un, moi, de magnéto, propose cette dernière.

    De sorte que, dès le retour d'Amir :

    — Mets-moi ça en musique, ordonne Rose, en lui tendant sa dernière œuvre.

    — Tu devrais peut-être commencer par quelque chose de moins engagé, non ? suggère-t-il.

    Elle lui lance un regard assassin :

    Ah, tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi !

    Bon, bon, t'énerve pas…

    En une demi-heure, montre en main, il lui torche une petite mélodie pas vraiment transcendante, mais qui a le mérite d'être facile à retenir.

    Ils enregistrent toute la nuit, et au petit jour :

    C'est dans la boîte, bâille Amir. On va se pieuter ?

    Pas avant d'avoir tout expédié, répond Rose.

    Elle fait trois duplicatas qu'elle s'empresse d'aller poster, à l'intention des trois premières maisons de disque de la liste.

    Quand elle rentre, Amir dort. Grégoire, par contre, est éveillé. Une nouvelle journée commence.

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  • Commentaires

    1
    Lundi 19 Mai 2014 à 02:36
    Castor tillon
    Anne Sylvestre, c'était sympa. Dans le même genre, je préférais Jeanne-Marie Sens, beaucoup plus engagée :
    http://youtu.be/0CL5w-mDlb0
    2
    Vendredi 11 Juillet 2014 à 20:16
    Pata
    Ce qu'il y a de fort, chez Rose, c'est comme a de la facilité à suivre son élan, malgré la fatigue ou les rejets qu'elle peut rencontrer dans ses projets !

    Je suis admirative (voire même un peu jalouse !) de cette qualité.
    3
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:25
    Gudule
    Je ne la connaissais pas. Curieuse manière de chanter, en pointillé, comme ça... On ne comprend pas tout.
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