• PETITE HISTOIRE INSOLITE

     

    L’HOMME QUI MOURUT CINQ FOIS

     Doit-on croire tout ce que disent les journaux ?

     

             C’est l’écrivain Mark Twain (1835-1910), qui rapporte cette curieuse histoire dans l’une de ses chroniques au Harper's Magazine.

              Le général Washington avait un domestique prénommé Georges qui, après l’avoir servi avec dévouement durant un demi siècle, lui survécut une dizaine d’années. En 1809, on put lire dans La Gazette de Boston :

               Nous déplorons le décès de Georges, le fidèle serviteur de Washington. Il avait quatre-vingt quinze ans et, malgré son grand âge, se souvenait distinctement de la seconde élection présidentielle de son maître. Avec lui, c’est un peu de la mémoire de l’Amérique qui s’en va.

               Jusque là, tout est normal. Mais en mai 1825, c’est-à-dire seize ans plus tard, un journal de Philadelphie annonce :

                Georges, le domestique favori de Washington vient de nous quitter à Macon, en Georgie, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Quelques heures avant sa mort, il évoquait encore avec lucidité la seconde élection présidentielle du général, la reddition de Cornwallis et la bataille de Trenton. Toute la population de Macon l’a accompagné dans sa dernière demeure.

                Durant une quinzaine d’années, il n’est plus question de ce curieux « revenant ». Cependant, le 25 novembre 1840, on trouve cet  entrefilet dans le Républicain de Saint-Louis :

                Georges, qui servit le général Washington durant cinq décennies, vient de mourir dans notre ville à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Il se rappelait nettement les deux élections du président, la reddition de Cornwallis, les batailles de Trenton et de Monmouth, la proclamation de la Déclaration d’Indépendance, et bien d’autres événements du plus vif intérêt. Une foule considérable suivait son cortège mortuaire.

               Quinze ans passent encore et, en 1855, un quotidien de Californie titre, à la une :

                ENCORE UN HÉROS QUI NOUS QUITTE

                Le 7 mars, à Dutch Flat, s’est éteint Georges, le vieux serviteur de Washington. Il avait quatre-vingt-quinze ans et se souvenait encore clairement des deux élections présidentielles, de la reddition de Cornwallis, des batailles de Trenton, de Monmouth et de Bunker Hill, de la proclamation de la Déclaration d’Indépendance et de la défaite de Braddock. Plus de dix mille personnes assistaient à ses obsèques

                C’est en juin 1864 que Georges meurt pour la dernière fois.

                DISPARITION D’UN ILLUSTRE SURVIVANT DE LA RÉVOLUTION, annoncent les journaux du Michigan.

               Nous avons le regret de vous faire part du décès de Georges, le fidèle serviteur de Washington. En dépit d’une santé chancelante, ce patriarche de quatre-vingt-quinze ans n’avait pas oublié les deux élections du général, la reddition de Cornwallis, les batailles de Trenton, de Monmouth et de Bunker Hill, la proclamation de la Déclaration d’Indépendance, la défaite de Braddock, les caisses de thé jetées à la mer dans le port de Boston et l’arrivée à terre des Pélerins. Son enterrement, qui a réuni plus de vingt mille personnes, a donné lieu à d’ardentes manifestations patriotiques.

               Et Mark Twain de conclure avec ironie :

               « Ce Georges est vraiment quelqu’un de remarquable. Non seulement il ne vieillit pas, mais à chacune de ses morts, sa mémoire remonte un peu plus loin dans le temps. Si l’on en croit sa dernière éloge funèbre, il se rappelait l’arrivée des Pélerins qui eut lieu en 1620, quasiment un siècle avant sa naissance. S’il revient encore, ce qui ne me surprendrait guère, sans doute aura-t-il des souvenirs très précis sur la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb ! »

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 9 Janvier 2013 à 07:26
    Castor tillon
    Alors celle-là, je l'attendais : il était sur le "Mayflower" !!! Quand même, mourir tous les quinze ans, ça doit être chiant, à la longue.
    J'adore ce genre d'histoires, mystérieuses et tout, et Mark Twain était l'un de mes chouchous, à une époque. Merci, Gudule.
    2
    Mercredi 9 Janvier 2013 à 07:54
    Castor tillon
    Rien ne t'oblige à poster tous les jours, ça doit être plutôt stressant et astreignant. Moi, ça me terrifierait.
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    3
    Mercredi 9 Janvier 2013 à 08:10
    Castor tillon
    Je vois.
    J'aimerais avoir ton courage.
    J'ai des tas de trucs en plan, pff.
    4
    Mercredi 9 Janvier 2013 à 08:14
    Tororo
    Ah! je me souviens avec émotion de Mark Twain, un joyeux compagnon avec un sacré bagout. Il n'avait pas son pareil pour enjoliver une bonne histoire et la rendre encore meilleure.
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:38
    gudule
    Moi aussi, j'adore les petites anecdotes dans ce genre. Je crois que j'en raconterai de temps en temps sur mon blog. Mais je sais pas encore par quoi remplacer mes Solitudes... Pas facile de trouver un truc à raconter quotidiennement ! Demain, je mettrai en ligne le dernier épisode de Zoé.
    6
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:38
    gudule
    Oui mais en même temps, ça m'a vachement aidée, ces derniers mois. Ça me poussait à avancer, tu vois ?
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