• Monsieur Felipe

     

    Mais avant, un petit mot de Castor tillon :

         Les grands moments de solitude tome 2, c'est fini, snif. Le tapuscrit définitif sera bientôt envoyé à Philippe Ward de Rivière Blanche. Il a pris énormément de retard (pas Philippe, le tapuscrit) par ma faute, d'abord, ma très grande faute. Manque d'énergie, un chouïa, après la mort de ma princesse fin mai. Je crois que Gudule aurait eu le temps d'écrire quatre tomes et d'aller payer une tournée au Roc Café avant que j'aie eu celui d'en corriger un. Ajoutons à cela qu'on avait envoyé la mouture définitive à l'éditeur, puis qu'elle s'est remise à écrire (Gudule, pas la mouture, hein, suivez, un peu) d'autres solitudes plusieurs mois plus tard. Malade ou pas, fatiguée ou pas, elle ne s'avouait pas vaincue facilement, et je suis rempli d'une immense admiration pour ma petite bonne femme pétrie d'humour, d'amour et de courage. Malheureusement, ces épisodes surnuméraires se sont retrouvés disséminés dans d'anciens brouillons Word, dotés de numéros fantaisistes, et ça s'est avéré un peu compliqué à retrouver, puis à synchroniser. Encore aujourd'hui, je suis en train de fouiner, comparer les différentes versions des nombreux fichiers, informatiques et blog, (quelquefois, les titres des histoires ont changé) pour les deux tomes, afin de m'assurer qu'aucun texte n'a été oublié, ou ne sera publié en double.
         Bref, le Castor, il a plané un peu, hein, sur ce coup-là. Pour ne pas dire planté. On peut vraiment rien lui demander.

         Allez, pour l'heure, je vous remets en point d'orgue ce petit conte de notre héroïne (houlà, amphets, je veux dire en fait, faut faire attention à ce qu'on écrit, par les temps qui courent, j'espère que les stups vont pas me tomber sur le râble). Spéciale dédicace à l'auteur-éditeur José Jover qui est à l'origine du scénario de cette histoire.
    Après avoir lu, n'oubliez pas de cliquer sur le lien en bas du texte, il vous ouvrira les commentaires émis en décembre 2014. Ces coms contiennent d'autres liens qui vous mèneront à une nouvelle de Gudule parue dans le recueil "Mon album de l'immigration en France", et illustrée par José Jover.

    Bises.

         Y a Castor chez O'Whiskey (ceci est ma signature, et pas une invitation à se pinter au sky. Non mais).

     

                                      Monsieur Felipe

     

             La première chose que j'ai vue, en sortant du coma, c'est le plafond. Un plafond tout blanc, avec de minuscules traces noires. Des chiures de mouches, probablement. En tout cas, c'est ce que j'ai pensé avant de refermer les yeux, parce que la lumière me donnait la migraine.

     

             J'ai dû pousser un gémissement car une bonne grosse voix a demandé :

             — Ça va, petit ?

     

             Je n'ai pas répondu. Le souvenir de l'accident me remplissait le crâne d'une onde de choc rouge.

             — Infirmière ! a appelé la voix. Venez vite, il est réveillé !

     

             Il y a eu du va-et-vient autour de moi, mais je n'ai pas rouvert les yeux. Mon corps n'était plus qu'une masse inerte. Mes bras, mes jambes, ne m'obéissaient plus. D'ailleurs, je n'essayais pas de les faire fonctionner. Trop dur, trop fatigant...

     

             Le temps a passé. Une heure, un jour, une semaine ? Je n'en sais rien. Quand j'ai repris à nouveau conscience, je l'ai vu, de dos. Un papy en pyjama. Il se tenait face à la fenêtre et regardait dehors.

     

             — Où sont mes parents ? j'ai soufflé.

             Il ne s'est pas retourné.

             — Il y a du soleil, a-t-il répondu simplement.

     

             Mes parents n'avaient pas survécu à l'accident, mais ça, je ne l'ai appris que plus tard.

     

             Comme j'avais le cou dans le plâtre, je ne pouvais tourner la tête ni à droite ni à gauche. Dans mon angle de vue, il n'y avait que le mur tout blanc avec la fenêtre et le vieux devant.

     

             Toujours le vieux devant.

     

             En fait, c'était mon voisin de chambre. Il s'appelait Felipe. 

             — Restez dans votre lit, monsieur Felipe ! lui répétait sans cesse l'infirmière.

             Mais, lui, préférait la fenêtre.

     

             — En bas, il y a une place avec des arbres, une fontaine, et des enfants qui jouent au ballon, disait-il. Une dame est assise sur un banc. Elle lit. À ses pieds, deux pigeons picorent ...

             Et moi, j'imaginais la place, les enfants, la dame, les pigeons, et ça me faisait chaud au cœur tellement c'était joli.

             — Dépêche-toi de guérir, pour les voir en vrai ! ajoutait monsieur Felipe.

     

             — Derrière la place, il y a des maisons, disait-il encore. De belles maisons avec des jardins. Dans l'un d'eux, j'aperçois une table et un petit garçon qui goûte. Il a du chocolat tout autour de la bouche.

             Et moi, j'imaginais le petit garçon dans le jardin, et j'avais envie de partager son goûter.

             — Dépêche-toi de guérir pour aller le retrouver, me conseillait monsieur Felipe.

     

             — Derrière le pâté de maison, il y a la plage, disait-il encore. Une petite fille y court avec un gros chien blanc. Elle a les pieds nus et de grandes nattes qui volent dans le vent.

             Et moi, j'imaginais la petite fille au chien, et j'avais envie de courir, comme elle, sur le sable.

             — Dépêche-toi de guérir, pour lui tirer les nattes, riait monsieur Felipe.

     

             — Derrière la plage, il y a la mer, disait-il encore. Et des bateaux qui fendent les vagues pour aller loin, très loin, vers les îles. Les mouettes les escortent, entends-tu leurs cris ?

             Et moi, j'entendais les cris des mouettes et j'avais envie de partir loin, très loin, au bout de l'horizon.

             — Dépêche-toi de guérir pour pouvoir t'embarquer, insistait monsieur Felipe.

     

             J'ai suivi son conseil, je me suis dépêché de guérir. Un jour, j'ai même pu me lever et faire quelques pas dans la chambre. J'avais hâte de montrer mes progrès à monsieur Felipe, mais il n'était pas là.

             — On l'a emmené faire des examens, m'a dit l'infirmière.

     

             Il n'est jamais revenu.

     

             Bientôt, j'ai pu atteindre la fenêtre. J'avais hâte d'admirer tout ce dont il m'avait parlé : la place, la fontaine, les enfants qui jouaient au ballon, la dame qui lisait sur le banc, le petit garçon qui goûtait dans le jardin, la petite fille au chien qui courait sur la plage, les bateaux qui voguaient vers des îles lointaines... 

             Mais je n'ai vu qu'un mur d'usine, et même pas un bout de ciel, à cause de la fumée.

     

             — Où sont toutes les choses que décrivait monsieur Felipe? ai-je demandé à l'infirmière.

             Elle a eu l'air très étonnée.

             — Monsieur Felipe ne pouvait rien voir : il était aveugle.

     

             Ça m'a mis en colère. J'ai tapé du pied.

             — C'était bien la peine que je me donne tant de mal ! Si j'avais su ce qu'il y avait de l'autre côté de la fenêtre, je serais mort, comme mes parents !

             Mais trop tard : j'étais guéri. 

     

             Quelquefois, les mensonges, c'est beau comme la vie !

     

     

    Voyez les commentaires et notes ICI, oui, oui, ICI, cliquez donc.

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Luna
    Vendredi 25 Décembre 2015 à 09:07

    Ça m'a filé le blues, tiens, entre l'intro et l'histoire. Pas que ce soit pas beau, au contraire, mais snif quoi.

    Je te fais un bisou, mon Castor préféré, et j'en envoie un aussi par astral express à Gudule, ma haie rose au regard si doux, ma soeur de pelade, mon auteur préféré, ma très belle mère adorée.

      • Vendredi 25 Décembre 2015 à 15:39

        Bisou aussi, ma Luna d'enfer. J'expliquais à José Jover que Gudule et moi étions dans la même situation, quand j'avais pris mes quartiers dans sa chambre d'hosto. Elle était secouée par son opération au cerveau, et je lui parlais de la jolie vue qu'on avait de sa fenêtre. On voyait surtout de mornes terrasses de toits d'hôpital, et des parkings, hein.

        C'est cro mignon, ça, ma haie rose.

      • Luna
        Vendredi 25 Décembre 2015 à 16:06

        C'est cro meugnon et poétique parce que c'est gudulien...

        Je lui disais qu'elle était ma hérote (là tout de suite, on reconnait ma patte, dans ce terme chantant, imagé et délicat) et elle m'a répondu que j'étais sa haie rose <3

      • Vendredi 25 Décembre 2015 à 16:55

        happy

    2
    Vendredi 25 Décembre 2015 à 11:24
    Tororo

    On en a vu, des choses, par la fenêtre de Gudule. Merci Gudule et merci Castor.

      • Vendredi 25 Décembre 2015 à 15:50

        Ah oui, Gudule, c'était une magicienne.

        Merci à toi, Tororo, c'est toujours un plaisir de te retrouver ici.

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    3
    Cachou
    Samedi 9 Janvier 2016 à 19:29

    J'ai imaginé la chambre, l'enfant, le mur, M. Felipe -son dos surtout !-. C'est qu'il en faut du talent pour dire tant en si peu de mots ....

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