• LE BEL ÉTÉ 6

     

     

                     UN RÊVE, PAR LA SUITE, VINT POLLUER MES NUITS…             

     

                      Il débutait par un souvenir imprimé au fer rouge dans ma mémoire. Celui de ce soir d’hiver où, après plusieurs heures d’agonie, Sylvain avait enfin lâché la barre. Je m’étais opposée à son transfert à l’hôpital — sachant que rien ne l’effrayait davantage mais qu’il n’était plus en mesure de le faire savoir. Sous morphine depuis la veille, il somnolait dans les coussins du canapé, près de ses chiens. Le feu crépitait entre les chenets, une pluie serrée cinglait les vitres côté ravin. La vieille horloge comtoise, réparée à grands frais, égrenait les minutes — quand elle ne sonnait pas les heures. Assise devant la cheminée, je pianotais sur mon clavier. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? La mort, à l’évidence, rôdait autour de nous. Quand Sylvain bascula, je me précipitai pour le prendre dans mes bras. Sa joue se retrouva collée contre la mienne tandis que progressivement, sa respiration, tout d’abord sifflante, prenait un rythme saccadé, de plus en plus haletant jusqu’au râle final. Je balbutiais des paroles sans suite, qui se voulaient apaisantes mais n’étaient, en fin de compte,  que l’expression de ma propre peur. Soudain — et l’onirique, ici, se substitue au réel —,  un spasme le raidissait et, de sa bouche entrouverte, s’échappait comme une buée pourpre, à l’odeur violemment organique, qui nous nimbait quelques instants, puis, par l’oreille, je pense, s’engouffrait dans ma tête où elle pondait un œuf.

                      Niaise métaphore, m’objecterez-vous ; mais ne le sont-elles pas toutes ?  

     

     

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 6 Novembre 2013 à 09:34
    melaka
    Ah ben bravo, t'as réussi à me faire pleurer !
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    2
    Vendredi 8 Novembre 2013 à 00:10
    Mêo
    J'ai un truc dans la gorge là...
    3
    Vendredi 15 Novembre 2013 à 13:31
    Ryko
    Quand je lis les commentaires de Mêo, je préfère me taire. Elle dit mes pensées tellement mieux que moi.
    4
    GH
    Mercredi 18 Décembre 2013 à 23:49
    GH
    Terrible, la métaphore finale de la transmission par l'oreille, pour moi qui ai lu les épisodes des années 40
    5
    Jeudi 19 Décembre 2013 à 10:49
    @ GH : Gudule
    C'est presque plus qu'une métaphore. Une sorte de certitude qui m'a hantée durant toute une nuit, et que j'ai chassée au matin comme on chasse un moustique, tu vois ? Là, je l'ai épinglée sur l'écran de mon ordinateur, et bye bye !
    6
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Désolée, hein, ce n'était pas mon but. Mais il est vrai que toi, tu étais aux premières loges...
    7
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    Pata															l
    Ouh... Dur, très rude sans doute parce que j'y projette un fantôme de talent, dans tes mots si douloureusement bien choisis. Un chapitre de vie clos de main de maitre.
    8
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    Pata															l
    Emouvationnant quoi !!
    9
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Merci, Pata, c'est un très, très beau compliment !
    10
    Casimir Hacq-Huleut
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    Casimir Hacq-Huleut
    Affronter ce genre de situation seule, c'est terrifiant. Gudule est une forte femme, et une dame de coeur.
    11
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Oh, merci ! ça me touche beaucoup !
    12
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Vite, Mêo, passons au chapitre suivant !
    13
    J^; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    J^; gudule
    Normal, c'est une fée.
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