• LE BEL ÉTÉ 4

     

     

                                   FLASH BACK (SUITE)

     

             Le décor est planté ;  venons-en aux acteurs : un couple débarqué dix ans plus tôt dans ce minuscule village du Tarn. Lui — Sylvain — la quarantaine épanouie, et si beau que toutes les femmes se retournaient sur son passage.  Elle — c’est-à-dire moi —, nettement plus âgée, auteure comblée de quelque trois cents livres fantastiques ; ayant tous deux fui le chaos parisien pour un retour à la nature  dont ils estimaient, sans doute à juste titre, qu’il couronnerait vingt ans de vie commune et deux carrières bien remplies.

             — Dans un décor pareil, j’écrirai mes meilleurs romans, affirmait-elle.

             (Leur nid d’aigle, une bastide médiévale perchée sur un à-pic rocheux de trois cents mètres, dominait, de toute part, des coteaux verdoyants.)

            — J’ouvrirai une galerie, se réjouissait-il. On y trouvera des ouvrages rares, des objets insolites ; un cabinet des curiosités, pourquoi pas ?  Et les œuvres des artistes locaux.

             Bref, les projets ne manquaient pas.

              Durant l’heureuse décennie qui avait suivi, certains d’entre eux  s’étaient concrétisés. Cette grange du XVIème siècle dont la restauration avait, saison après saison, mobilisé toutes ses énergies à lui, par exemple. Ou cette saga d’humour vaguement arthurienne dans laquelle elle s’était lancée à corps perdu et qui remportait un gentil succès.

             Ça baignait, quoi.

             Les villageois  avaient, sans réticence, adopté ces hurluberlus  à la niake communicative, d’autant qu’au fil du temps, la fille de l’une et le frère de l’autre s’étaient installés à proximité  — or cette famille-là débordait de joie de vivre…

             Qu’ajouter à l’idyllique tableau, sinon  que rien, alors,  ne semblait devoir l’altérer ?

             Etrange sensation que celle d’une éternité lente, immuable, d’où toute ombre semble exclue à jamais.  Le bonheur  confère à ses adeptes une sorte d’invincibilité gouailleuse. Ils étaient — nous étions — dans cet état d’esprit quand la laide maladie s’attaqua à Sylvain.

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 4 Novembre 2013 à 08:25
    Benoît Barvin
    "Le bonheur confère à ses adeptes une sorte d’invincibilité gouailleuse". Jolie formule... Je l'adopte.
    2
    Lundi 4 Novembre 2013 à 08:25
    melaka
    Hé, "la fille de l'une", c'est moi :D Je sens qu'il va bien m'émotionner ton récit...
    3
    Lundi 4 Novembre 2013 à 12:07
    Tororo
    Je sens que le surnom "fille de lune" ça va lui rester, à Mélaka.
    4
    GH
    Mercredi 18 Décembre 2013 à 23:44
    GH
    Dès la première ligne on comprend que ce bonheur que tu décris, c'est celui qui précède l'adversité, et qui prend alors toute sa valeur
    J'ai repris l'histoire au début. c'est plus logique que de la remonter… Quoique…
    5
    Jeudi 19 Décembre 2013 à 10:52
    @ GH : Gudule
    Oui, en la remontant, tu fonctionnes en flah-back et tout s'articule différemment (et peut-être mieux)
    6
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Ouaip, tu t'y promènes par-ci par là avec tes enfants. Mais c'est pas une chronique familiale, hein ! Juste des petits flash.
    7
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    J'avais déjà disserté sur la notion de bonheur dans "Nous ne méritons pas les chiens". Contrairement à ce qu'a écrit l'une de mes émis écrivaine sur facebook, je n'ai jamais considéré le bonheur comme une mièvrerie dysneyenne mais comme une nécessité vitale. Question de point de vue, je suppose. Ou d'exigence personnelle.
    8
    Casimir Hacq-Huleut
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    Casimir Hacq-Huleut
    Une bonne idée, le nid d'aigle. Le nid de poule est beaucoup moins confortable.
    9
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Quoique...
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    10
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Euh, Benoît : c'est "l'une de mes amies écrivaine"que j'ai voulu écrire. Désolée pour la faute.
    11
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Oh, Tororo, que c'est joli !
    12
    Pierre-Yves Delarue
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    Pierre-Yves Delarue
    J'ai impression de te voir nue. Ça me gêne... Curieuse cette pudeur.

    Je te lis et je m'immisce et je te fais un gros mimi.
    13
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    C'est parce qu'on ne s'est pas revus depuis tant d'années...
    14
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    Pata															l
    Quitter la ville pour se trouver soi... Bah, quoi, qu'il advienne, il y aura eu ces dix années, cette adoption des gens du pays et cette vie que vous avez partagé durant tout ce temps...
    15
    ; gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:31
    ; gudule
    Bah, ce sont les méandres d'une vie, ça. Un jour là, plus tard, ailleurs...Et un beau paysage, quelles que soient les circonstances, c'est toujours bon à prendre
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