• LE BEL ÉTÉ 25

                                                                      LE GRAND FLIP

     

             Ce fut au lever du jour, perceptible par la fenêtre où, lentement, les ombres nocturnes se diluaient, qu’un doute horrible me saisit. Le côté gauche de ma bouche était paralysé. J’avais beau essayer de grimacer, de sourire, les muscles de la commissure restaient inertes. Transie jusqu’aux os, je voulus appeler l’infirmière de garde, mais la sonnette avait glissé entre la table de chevet et le lit ; sans lunettes, j’étais incapable de la récupérer. Il me fallut donc attendre que le personnel de service débarque de lui-même, une bonne heure plus tard. Heure que, bien entendu, je mis à profit pour flipper un max. Déjà qu’on m’avait rasé un demi-crâne et que la chimio allait se charger du reste ; si, en plus, j’étais défigurée…

             L’arrivée d’une stagiaire m’extirpa, par bonheur, de mon cauchemar éveillé.

             — S’il vous plaît, regardez-moi bien, suppliai-je. Mon visage n’est pas déformé ?

             Elle m’assura que non. Méfiante, je réclamai un miroir ; comme il n’y en avait pas, elle me photographia avec son téléphone. Bien que je ne pusse apercevoir qu’une vague forme sur l’écran, ce geste complaisant me rassura quelque peu. Ce qui ne m’empêcha pas de guetter les visites sur des charbons ardents.

             Castor et Olivier, accourus aussitôt qu’on leur donna le feu vert,  confirmèrent : hormis le gros pansement qui m’enturbannait (et sur lequel les infirmières, par facétie, avaient enfilé une sorte de chapeau de shtroumpf en coton bleu), j’avais ma tête habituelle. J’en profitai pour refuser la pompe à morphine : je préférais douiller physiquement que moralement.  Tout compte fait, c’était plus supportable…

     

    http://nsm08.casimages.com/img/2013/11/28//13112804021516601911772571.jpg

     

                             

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 25 Novembre 2013 à 09:35
    Mêo
    Comme je te comprends. Moi aussi je préfère douiller (j'aime bien l'expression;-) physiquement que moralement. Mais quand même, t'es courageuse. Parce qu'au bout d'un moment la douleur, ça prend la tête (tu me la passeras celle-là, d'expression)
    2
    Lundi 25 Novembre 2013 à 10:05
    Flore
    La pompe à morphine a l'avantage quand même de donner le choix au patient d'en prendre ou pas. C'est mieux que de l'abrutir de médoc ou de le laisser souffrir.
    Après, j'ai souvent trouvé que les toubibs avaient la main lourde sur les dosages. J'ai eu quelques points de suture à la main (anesthésie locale normale, pas bobo). Puis le toubib me dit "En cas de douleur, vous prenez du paracétamol, mais pas plus de 4g par jour.". Il m'a fait peur l'andouille, j'ai cru que j'allais douiller, bobo, maman, tout ça... Et puis en fait, non...
    Et le pire : la visite chez l'anesthésiste avant les accouchements. Le toubib (homme) qui me brosse un tableau apocalyptique d'un éventuel accouchement sans péridurale. Au final, je ne suis pas morte d'épuisement, mon cœur n'a pas lâché non plus...
    3
    Lundi 25 Novembre 2013 à 12:23
    Flore
    En fait, c'est tout ce que tu as raconté dans les épisodes précédents. L'infantilisation du patient. A partir du moment où on entre à l'hôpital (plus ou moins flagrant selon les hôpitaux et les médecins), on n'est plus une personne, on est un patient, un cas. Plus le droit d'avoir un avis, d'avoir des réponses à ses questions, d'avoir un choix...
    Et puis, il y a l'affrontement des spécialistes : ils ne voient pas un patient mais une pathologie et ratent parfois la complexité et la globalité. Il faut après qu'ils demandent l'avis à l'expert en tout de l'hosto (l'interniste).

    Et puis les querelles de clocher. J'ai vu ça pour mes enfants. La réflexion désapprobatrice du médecin parce que j'avais emmené les enfants tout petits chez l'ostéo (ce qui leur avait fait beaucoup de bien). La réflexion désapprobatrice de l'ostéo sur les vaccins.
    Chacune s'est pris une phrase bien sentie comme quoi leur avis était noté, mais que de toutes façons, je ferai comme je l'entendais. Le principe de la décision éclairée et pas imposée.
    4
    Lundi 25 Novembre 2013 à 15:58
    Ryko
    L'heure n'étant plus à la plaisanterie, même fine, je lis sagement les écrits de Gudule et vos précieux commentaires, mesdames. Je m'instruis, moi qui n'ai eu dans la vie que trois hospitalisations pour des broutilles, des "petits moments..." dont je ris encore; trois occasions de faire mon numéro de clown aux infirmières.
    5
    Lundi 25 Novembre 2013 à 18:21
    Flore
    Pas tant que ça de galères hospitalières pour moi, en fait. Je n'ai eu que mes 2 accouchements qui se sont bien passés. Mais une certaine connaissance des médecins et de l'hôpital en collatéral.
    J'avoue m'amuser parfois aussi, comme la fois où j'ai vu blêmir un toubib à qui je racontais ma chute du lit superposé et qui m'a dit "On va faire une radio, j'ai peur que vous ayez des côtes cassées !" "Oh, ben depuis une semaine, je m'en serais aperçue, je crois, non ?". Au final, rien de cassé, mais j'ai douillé pendant un bon mois.
    Juste pour vous faire rire : je suis tombée de mon lit en hauteur, à 5h du mat', pour m'y être mal prise en montant par le côté (les échelles, c'est pour les faibles). Je suis tombée sur le mur et j'ai fini ma course sur la table de nuit où j'ai dégommé la lampe de chevet.
    Quand je vois ma fille de 2 ans monter dans son lit à barreaux toute seule, je sais de qui elle tient.

    PS : j'avais 18 ans lors de cet épisode
    6
    Lundi 25 Novembre 2013 à 20:49
    Castor tillon
    D'abord, la dégringolade n'a pas été immédiatement suivie d'un cri, mais d'un *BLAMM !*
    Bon, allez, je vais raconter la suite, elle ne va pas le faire, hein. La nuit suivante, elle était tellement entortillée, jambes et bras coincés entre les barreaux du machin, que j'ai eu du mal à la désincarcérer. On a été obligés de garnir la barrière d'une couette pour éviter ça.
    7
    Lundi 25 Novembre 2013 à 22:57
    Castor tillon
    Merci, Ivan, d'abonder dans mon sens.
    8
    Mardi 26 Novembre 2013 à 00:11
    Castor tillon
    Sans ta Maria, rien ne va. Je suis d'accord.
    9
    Mardi 26 Novembre 2013 à 09:31
    Flore
    En matière de titre, j'aurais bien vu aussi "Que le grand flip me floppe"...
    Effectivement les matins descente de lit, ça met de bonne humeur pour la journée ! Enfin, surtout les récits par les autres :) . Merci Castor !

    Ceci dit, j'ai passé quelques nuits à essayer de ne pas tomber de mon lit qui penchait du mauvais côté (à savoir du côté où j'allais tomber) et à vouer aux gémonies le marin d'eau douce qui en était responsable... J'ai peut-être même une photo qui traîne quelque part sur internet...
    10
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    @ Flore : Ben c'est un peu le revers de la médaille. Il a fallu attendre le XXIème siècle pour que la médecine prenne la douleur en compte. Avant, on se contentait de réparer, et tant pis si c'était affreusement douloureux.mais bon, tant qu'on a le choix, hein... Ce qui et odieux, c'est d'être infantilisé ; de ne pas avoir le choix. Et comme dit Méô, ça, ça prend la tête !
    11
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    Pata															l
    L’hôpital... Moi non plus je ne l'ai (heureusement) pas beaucoup fréquenté en tant que patiente... Et moi aussi, je m'instruit de vos expériences respectives. En tout cas, j'aurais pas aimé la vivre, cette impuissante impression de perte de soi que tu as du subir dans ta paralysie ! J'ai vraiment été glacée en lisant ces mots, il parlent bien de nos peurs à tous.
    12
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    @ Flore : on sent tout de suite la vieille routarde des galères hospitalières. C'est un vrai plaisir de te lire !
    @ Ryko : détrompe-toi, l'heure est TOUJOURS à la plaisanterie. Surtout dans les sales moments. Même remarque pour Pata. Si on ne veut pas que les fantasmes issus des films d'horreur aient notre peau, le seul moyen, c'est de leur rire au nez !
    13
    Ivan l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    Ivan															l
    э.добрый день, могу к вам прилететь в гости, из венеции например, тем Более у меня много чемоданов с кннигами. В италии холодно. да
    14
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Euh... TRADUCTEUR !
    15
    Ivan l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    Ivan															l
    Merci, va bene.


    J'ai ensuite triste. Je suis venu pour honorer la mémoire de Santa Maria.

    Et ceux qui souffrent de la maladie en Russie, toute la volonté de Dieu
    16
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Si ça peut faire écho à ta petite histoire de tombage de lit, figure-toi que j'ai connu une mésaventure semblable à l'hôpital. Vu que le lit pliable destiné à l'accompagnant était aussi inconfortable qu'une patinette, j'avais convaincu Castor de dormir avec moi. Mais comme le lit n'était pas bien large, au milieu de la nuit, je suis passée par-dessus bord. Ma dégringolade fut suivie d'un grand cri : "Mais Gudule, où vas-tu comme ça ?"et Castor s'empressa d'aller me récupérer emberlificotée entre le fauteuil et la table de nuit. Résultat : le bras, la hanche et la cuisse joliment garnis de bleus. A partir de là, nous fixâmes la barrière de mon côté, comme pour les enfants.
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    17
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    @ Castor : "Dégringolade avec blâme", ça aussi, ça pourrait être un titre de roman. Sur les déboires professionnels d'un fonctionnaire, genre. Un "Stupeur et tremblements" à la française...
    18
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Excellent titre. Je regrette de ne pas l'avoir trouvé moi-même...
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