• LE BEL ÉTÉ 20

     

                                                               TOUT S’EXPLIQUE !

     

                      La journée du lendemain ne fut guère plus brillante. Combien de personnes se rendirent compte que je n’étais pas dans mon état normal ? Je l’ignore. Les écrivains sont de si curieuses bêtes, n’est-ce pas. On ne peut jamais prévoir leurs réactions…

                      Castor, en revanche, ne me lâchait plus d’une semelle. Quitte à sembler « collant », il avait pris le parti de me surprotéger, quoi qu’il advienne, et passait son temps à ramasser tout ce que je semais derrière moi— sac, écharpe, livres, documents précieux (mon billet de retour, entre autres). Si bien que, vers dix-sept heures, quand la navette pour l’aéroport vint chercher les auteurs :

                      — Et si je te ramenais ?  proposa-t-il. Je n’aime pas te voir partir en avion. Tu es si fatiguée…

                       Je protestai avec énergie (bien que sa compagnie m’agréât nettement plus que celle de mes collègues) :

                      — Ne t’en fais pas : pendant le trajet, je serai avec les autres, et mon fils Olivier vient me chercher à Toulouse. Ce serait stupide de t’imposer une corvée pareille alors que tout est déjà programmé, non ?

             A contrecœur, il s’inclina, mais prit Rachel à part pour lui recommander de veiller sur moi. Elle promit, perplexe, et une fois dans l’avion, s’enquit :

                      — Qu’est-ce que t’as, Gudule ?  Je te trouve bizarre.

                      — Je suis amoureuse, fut ma seule réponse.

     

                 Quelque deux heures plus tard,  je faisais le même aveu à Olivier et à sa femme Brigitte, ainsi qu’à mon frère Claude, venu du Canada durant le week-end. De sorte que mon « état » ne les intrigua pas.

             Cependant, le lendemain…

             — J’ai un drôle de truc, expliquai-je à Claude. Deux doigts de ma main gauche ne fonctionnent plus.

             Tout en minimisant la chose (on est comme ça, dans la famille), il proposa :

             — Je dois justement me rendre à Gaillac, tu veux que je te dépose chez le toubib, en passant ?

             J’acceptai avec empressement, ce qui l’étonna. Consulter, c’était pas mon genre. Mais bon, ce symptôme-là m’évoquait vaguement celui d’un AVC, et ça me foutait les jetons.

             Jetons partagés par mon médecin traitant qui, sitôt l’examen terminé, appela le service neurologique de l’hôpital d’Albi, en précisant :

             — J’envoie immédiatement ma patiente aux urgences !    

     

     

     

                                                         *

     

     

             L’I.RM. ayant  révélé ce que l’on sait, j’annonçai brutalement la nouvelle à mes proches avant d’être transférée dans le service ad hoc. Puis, une fois seule, j’appelai Castor.

             Pour m’excuser, eh oui.

             Lui demander pardon de l’avoir embarqué dans cette galère.

             Et le supplier de ne pas s’attacher à moi.

    — Trop tard, répondit-il, et il sauta dans sa voiture.

             Le lendemain, à l’heure des visites, il était là.

             Nous ne nous sommes plus quittés, depuis.

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 20 Novembre 2013 à 08:22
    Ryko
    J'ignorais que le castor était apparenté au St Bernard. Faut que je consulte mon bestiaire... Non, St Castor n'est pas chien.
    J'ai des trucs rigolos à écrire. Mais ce matin, après t'avoir lue, ça ne va pas être facile.
    Va, je ne te hais point.
    2
    Mercredi 20 Novembre 2013 à 08:45
    Ryko
    En ce moment, j'ai plutôt affaire à des corbeaux poussifs qui mettent un temps fou à m'apporter leurs mauvaises nouvelles. Sans doute parce qu'ils volent à l'envers. Mais je les comprends, le ciel est si beau.
    3
    Mercredi 20 Novembre 2013 à 09:08
    Benoît Barvin
    Au final - que j'espère le plus long possible - une très jolie histoire d'amour comme tu en fais naître beaucoup, dans tes textes... J'avais une petite larme à l'oeil en lisant...
    4
    Mercredi 20 Novembre 2013 à 11:33
    Flore
    Plus que Corneille, c'est Beaumarchais qui m'arrive en lisant.... "Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer."

    J'avais, bien sûr, lu tous les épisodes et pris quelques notes dans ma tête. Et soudainement, ça m'évoque plus Love Story que le Barbier de Séville...

    Gudule, aimez vous Bach, Mozart et les Beatles ?
    Et Castor, mais ça, la question ne se pose plus, justement !
    5
    Mercredi 20 Novembre 2013 à 12:00
    Ryko
    Beaumarchais disait aussi : " Sans la liberté de blâmer, il n'y a point d'éloge flatteur ".
    Gudule, j'aime farouchement ton écriture.
    6
    Mercredi 20 Novembre 2013 à 23:49
    Flore
    Ce que je trouve finalement le plus frappant dans cette histoire, c'est que tu appelles Castor pour expliquer et t'excuser. Mais, au fond, ce n'est pas étonnant, pas plus que la réaction dudit Castor, d'après ce qu'on a pu entr'apercevoir de lui au cours de ce récit...
    C'est ça aussi la force de cette histoire.

    Il reste quand même cette envie de dire à l'auteur "C'est bon, maintenant ! Faudrait ficher la paix à vos héros, maintenant. Ils ont eu leur compte d'épreuves."
    Malheureusement, il semble qu'il faille s'adresser à plus haut qu'à Gudule apparemment... Le père Noël peut-être ?
    7
    Jeudi 21 Novembre 2013 à 06:28
    Tororo
    Ah! Je le sentais venir, ce "Trop tard!" C'est comme ça quand on a été habitué par ses écrivains favoris aux retournements de situation imprévisibles, on finit par les voir arriver de loin (mais ça n'ôte rien au charme des histoires).
    8
    Jeudi 21 Novembre 2013 à 14:01
    Mêo
    Je me souviens cruellement de ce jour-là. J'avais envoyé un message à Castor, il m'avait répondu :"un petit message de toi au réveil, la journée va être merveilleuse"...
    Et paf ! La tuile qui vous tombe dessus, bonjour le bon augure ;-((
    Ça me revient comme une madeleine mais l'autre, celle qui pleure comme.
    9
    Jeudi 21 Novembre 2013 à 15:47
    Tororo
    Ah mais il me semble que c'est Castor qu'on doit créditer de cette réplique! (il doit avoir de bonnes lectures, aussi).
    10
    Vendredi 22 Novembre 2013 à 08:06
    Ryko
    Mêo, comme d'habitude m'a devancé en beauté. Pourtant, moi aussi je me souviens du gros mot "tuile" dans le message. Un Castor qui ne me fait pas marrer ou rêver. C'est très mauvais signe.
    Autre chose. Je viens de lire tous tes titres de chapitre. Je ne sais pas pourquoi, je ne les lis jamais. Même ceux de Franquin, je m'en privais bêtement. Pourtant j'aime les cerises, pas que les gâteaux. C'est grave ?
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    11
    Vendredi 22 Novembre 2013 à 08:43
    Ryko
    Oh merci ! Un compliment de Gudule, je ne l'échangerais pour rien au monde. Même pour les pâtisseries, les cerisiers en fleurs, les royaumes, les chevaux...
    12
    GH
    Vendredi 20 Décembre 2013 à 03:05
    GH
    L'adversité rapproche…
    13
    Vendredi 20 Décembre 2013 à 06:06
    Gudule
    L'humour aussi. L'humour surtout !
    14
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Oh, que j'aime ta dernière phrase, qui fut, à une époque, l'un de mes leit-motiv. C'est pas possible, on a dû fréquenter les mêmes auteurs, dans une vie antérieure !
    15
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Les mêmes corneilles, veus-je dire.
    16
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Des corbeaux sous pif qui clament "Va, je ne te hais point" dans un beau ciel d'automne, alors, là, chapeau ! C'est du grand art !
    17
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Ben ouais, mais celle-là, c'est pour de vrai. Merci la vie, hein ! (sans vouloir parodier des titres de sitcom)
    18
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Oh crotte, le com était pour l'épisode suivant. Désolée !
    19
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Euh, Benoît, y a eu un embrouillamini dans l'ordre des coms. Ceux qui commencent par "Ben ouais" et "Oh crotte" te sont destinés. Et c'est même pas voulu !
    20
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    Pata															l
    C'est un joli dénouement, dans le sec de nœud de la vie, d'avoir trouvé la présence protectrice et aimante d'un animal-totem :)
    21
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    D'une gentille bébête d'amour, tu veux dire ?
    22
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Hi,hi, je les aime tous mais pas dans le même ordre : Castor, les Beatles, et pour le reste, je suis pas très musique classique : ça me rappelle trop mes parents.
    23
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Ryko, tes compliment font remuer la queue à mon égo et ce n'est pas très élégant. Alors, comme le disait si bien le beau Marchais : "Taisez-vous,Elkabbache !"
    24
    Pierre-Yves Delarue
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    Pierre-Yves Delarue
    Pierre-Yves, le Retour : nouvelle panne d'ordi. Mais ça va mieux, on lui a fait une IRM et il ne se mélange plus les logiciels.
    A part ça, ce que tu décrit je l'ai vécu moi aussi (authentique), je mangeais ma purée avec les doigts et je ne comprenais même plus ce qu'il y avait dans les bulles de mes BD. Est-ce contagieux ?
    Moi, mon ange protecteur, c'est pas un Castor, c'est une Souris.
    25
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Ben voui, t'as eu un petit problème du même ordre, à une époque, mais j'avais pas vraiment compris de quoi il s'agissait. Bizarre, hein, comme tout vous échappe quand on n'a pas vécu les choses soi-même... Heureusement qu'on a nos petites bêtes pour nous poupouner !Tu y fais une grosse bise de ma part, à ta Souris ?
    26
    Eliza
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    Eliza
    J'ai eu une boule dans le ventre à la lecture des derniers épisodes.
    Le dénouement est - malgré la tristesse - vraiment très beau.
    Et surtout, je ne peux qu'être touchée au plus fragile de mon âme par Castor qui ressent le danger avant que celui-ci n'apparaisse. L'amour a réellement des vertus étranges (mais sublimes).
    27
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Ta sensibilité me touche beaucoup, Eliza. Et surtout le fait qu'à la lecture du Bel Eté, tu ressentes à ce point son contenu. Merci pour ce com plein de délicatesse
    28
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    @ Flore et Tororo :
    Si ça ne tenait qu'à moi, promis-juré, je changerais de système narratif. Fini, les vieilles ficelles éculées et les surenchères mélodramatiques. Mais il semble que le conteur ultime de cette histoire n'ait jamais réfléchi à la question, et se fasse un malin plaisir d'abuser de la situation. J'y suis pour rien, je le jure : je ne fais que transcrire. J'eusse aimé être l'auteur à part entière et concevoir toute seule la suite des événements. Pour une fois, promis-juré, je me serais fendue d'une happy end !
    29
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Ben les titres, c'est pas seulement la cerise sur le gâteau, c'est aussi le nez rouge sur la face du clown. Et tiens, à ce propos, tes "merditudes" m'éclatent.
    30
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Et (cerise sur le gâteau), il est sincère !
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