• LE BEL ÉTÉ 17

     

     

                                                             LE TEMPS DES SOUPIRS

     

     

                      Les choses  se gâtèrent quand je voulus enfiler mon jean.

                      Impossible de fermer la braguette.

                      Ça a l’air con à dire, mais se trouver  subitement dans l’incapacité de passer une fringue qui, la veille, vous allait comme un gant,  je ne connais rien de plus stressant. Avais-je changé de forme durant la nuit ? Gonflé ? Grandi ?  M’étais-je déformée ? Épaissie ? Bosselée ? J’avais beau tirer sur le tissu, remuer les fesses dans tous les sens, m’acharner sur la fermeture Eclair, ce foutu fute ne voulait rien savoir…

                      Face à l’insondable mystère, je m’apprêtais à déclarer forfait quand, dans un flash, je réalisai : mon pantalon à moi avait des boutons, pas un zip.  En fait, j’étais en train de me bagarrer avec celui de Castor qui, la bonne blague !, n’était pas à ma taille.

                      En riant sous cape, je rectifiai le tir, mais au moment d’attacher mes baskets, rebelote. Les lacets refusaient de se laisser nouer.  Ils m’échappaient, glissaient entre mes doigts  comme des vers ou des serpents. A défaut d’un nœud correct, je les emberlificotai tant bien que mal autour de mes chevilles, tout en me répétant avec effarement : « T’es drôlement dans le coltard, ma cochonne ! Décidément, t’as passé l’âge des galipettes… »

                      Mais bon, j’avais faim, et j’adore les petits déjeuners des hôtels. Laissant Castor à son sommeil réparateur, je m’éclipsai donc, sapée comme l’as de pique — car le reste de ma tenue était à l’avenant de ce que je viens de décrire.

                      Lorsque, le ventre plein,  je remontai dans la chambre, mon petit camarade sortait de la salle de bains. Et je lus illico la stupeur dans ses yeux.

                      ­ ­ — Euh… c’est exprès que ta manche pendouille comme ça ? s’enquit-il en me rajustant.

                         Sur le moment, sa réflexion me fit marrer.

                        — Non mais, quelle gourdasse ! m’écriai-je. Même pas capable de m’habiller toute seule, tu te rends compte ?

                       Castor joignit son rire au mien.

                      — Encore un « Grand moment de solitude »…

                      Ce  ne fut que bien plus tard qu’il m’avoua avoir été glacé par ce spectacle,  et surtout par le fait que je ne m’en inquiète pas.

                      Car, lui l’était, inquiet. Et, au fil des heures, ce sentiment ne fit que croître et embellir.

                      — Tu n’étais plus toi, me dit-il, par la suite. Tu paraissais droguée.  Dans un état second, tu vois ?  A tel point que j’ai cherché dans ta trousse de toilette si tu n’avais pas pris une surdose de médocs.

                      Tout cela, bien entendu, m’échappait complètement. Je planais entre ciel et terre. Ce fut en ronronnant que, collée contre lui, je rejoignis le site du festival (« à tout petits pas , me précisa-t-il . Et en titubant »).

                      — J’ai pas assez dormi,  pouffai-je lorsqu’il m’en fit la remarque.  A qui la faute ?                    

                      N’empêche que je me sentais comme un poisson dans l’eau. Après la traversée du désert de ces deux dernières années, retrouver  mon public, mes copains écrivains, les éditeurs qui me suivaient depuis toujours — bref, redevenir moi-même — me ravissait au-delà de tout. C’est un milieu si attachant que celui des littératures de l’imaginaire (SF, fantastique, fantasy, etc) ! J’échangeais des sourires, des bisous à la ronde — un peu trop ostensibles, peut-être ?

             — On dit toujours que nous écrivons pour être aimés, glissai-je à Castor dans le creux de l’oreille. Eh bien c’est vrai. Et ça marche, la preuve !

                      Cette euphorie affective, s’ajoutant à celle de mes émois nocturnes, me dopait. Je rayonnais littéralement. Ce n’est qu’un peu plus tard que la somnolence me saisit…

     

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 17 Novembre 2013 à 11:52
    Mêo
    C'est tragi-comique, ça m'émeut. Maintenant on peut en rire
    2
    Dimanche 17 Novembre 2013 à 12:49
    Tororo
    C'est bien, quand on est avec quelqu'un qui sait qui on est, alors qu'on n'en est pas trop sûr soi-même.
    3
    Dimanche 17 Novembre 2013 à 19:06
    Flore
    Je trouve que le castor avait raison de s'inquiéter de ce changement soudain d'attitude. Apparemment, vous étiez plutôt réservée jusque là et puis virage à 180...
    Il faut un peu de temps pour se connaître, pour savoir ce qui est normal, ce qui est bizarre, de quoi on doit s'inquiéter et de quoi rire.
    On ne montre pas non plus forcément la même facette de notre personnalité à tout le monde et d'autant plus selon l'humeur du moment.

    Quant au sommeil qui arrive à retardement, ça c'est un phénomène bien connu. Dès que les hormones retombent, paf le sommeil vous tombe dessus comme la vérole sur le bas clergé breton...

    Quant au problème des fringues, je ne vois qu'une solution : mettre des étiquettes à vos noms, comme les enfants en maternelle :D
    4
    Lundi 18 Novembre 2013 à 00:04
    Ryko
    Je manque d'inspiration pour commenter, tout d'un coup. J'ai écrit en dérisionnant tout le week end. C'est de ta faute, tu m'inspires. Maintenant mes batteries s'aplatissent. Et j'ai le privilège de connaître déjà des bribes de ton histoire. Heureusement, il reste le bonheur de découvrir ta façon de la raconter. Et ça... !
    5
    Lundi 18 Novembre 2013 à 10:32
    Flore
    Ce n'était pas vraiment des interrogations, plutôt des réflexions... N'empêche que les étiquettes (dit la mère indigne qui a oublié de marquer les nouveaux vêtements de son fils...)
    6
    Lundi 18 Novembre 2013 à 11:04
    Flore
    Ceci dit, pour le marquage des vêtements des enfants en maternelle, j'ai lu un reportage très bien documenté, disant en substance que ce n'était pas forcément utile :

    http://grumeautique.blogspot.fr/2011/11/vestitouze.html

    Mais apparemment, il y a des chances que ça ne serve à rien plus tard non plus :D . Si ça se trouve, en fait, les 2 pantalons ne se ressemblaient pas du tout (le fait qu'ils aient chacun 2 jambes n'est pas une ressemblance suffisante...)
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Bah, n'est-ce pas le propre de toutes les aventures humaines, ce mélange de drôlerie et de drame ? L' autodérision n'est pas autre chose qu'un subtil dosage des deux, et c'est ce qui donne les œuvres fortes. Et quand l'amour s'en mêle, alors là !
    8
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Houuuu ! ça sent le vécu, ça ! Ceci dit, je suis parfaitement de cet avis !
    9
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    Pata															l
    Lendemains brouillés, comme des œufs... De là dire que vous vous êtes éclatés la veille, il n'y a qu'un pas (que je ne franchirait pas, je suis bien trop soucieuse de la bienséance pour ça !!)
    10
    GUDULE
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    GUDULE
    Ouf ! Tu m'as fait peur !
    11
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Chère Flore, la réponse à toutes ces questions se trouve dans le premier épisode du "Bel été". Un petit retour en arrière éclairerait ta lanterne mieux que je ne pourrais le faire moi-même...
    12
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Oh ben du coup, c'est moi qui ne sais plus quoi dire. Tu m'as coupé le sifflet ! A d'main, monsieur Ryko !
    13
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Hi hi !
    14
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:30
    gudule
    Arrête de me faire rire quand j'écris, je fais plein de fautes !
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