• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 96

     

    Le paillasson sanglant

     Mirlitaine était une chatte tarée. Mais vraiment, hein ! Une bête shootée aux médocs — elle s'enfuyait de l'appartement pour aller sniffer sous la porte du toubib d'en-dessous — et aux mégots qu'elle mangeait gloutonnement, cendres comprises. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on nous l'avait refilée : les copains à qui elle appartenait ne supportaient plus ses manies.

    Ayant toujours vécu en appartement, Mirlitaine n'avait jamais connu de mâle, au sens biblique du terme. Or, voilà-t-y pas que lors d'un week-end à la campagne, elle rencontre un matou qui lui fait son affaire. Mes fils — quatre et sept ans — étaient ravis. Des chatons à la maison, pensez ! Jamais ventre fécond ne fut plus caressé, papouillé, tripatouillé, mesuré même avec l'impatience que l'on devine. Mirlitaine en redemandait, pâmée, énorme, ronronnante, l'œil révulsé de bonheur. Et vint le terme.

    Ce matin-là, j’étais seule avec elle. Elle ne me lâchait pas d'une semelle, ce qui est souvent le cas des chattes prêtes à mettre bas. N'ayant jamais vécu la chose, j'ignorais tout de son  déroulement. Mais, confiante dans la nature et l'instinct animal, je ne me sentais pas réellement concernée. J'avais tort.

    Au début, tout se passa normalement : la chatte se léchait avec insistance puis, par moment, se redressait et poussait de toutes ses forces. Enfin, après moult efforts, elle éjecta le premier chaton, et là…

    Là, elle péta les plombs. Horrifiée par cette chose qui lui sortait elle ne savait trop d'où, elle se mit à courir dans tout l'appartement, traînant derrière elle son malheureux rejeton brinqueballant au bout de son cordon. Sans doute cela lui donnait-il l'impression d'être poursuivie, car, sa panique allant crescendo, elle commença à grimper aux rideaux, à se jeter contre les murs, à bondir de table en fauteuils et d'armoire en bibliothèque. Et moi, affolée, au bord des larmes, je la poursuivais en implorant : « Du calme, Mirlitaine ! Du calme ! »

    Le cirque a duré… oh, facilement dix minutes. Jusqu'à ce qu'un contraction plus forte que les autres la débarrasse du placenta. Dès lors, libérée de son "poursuivant" — qui, par miracle, survécut à l’aventure —, elle retourna dans son panier.

    Incapable d'assumer seule un (ou plusieurs) remake(s) de l'événement, je courus appeler ma voisine de palier à la rescousse. C'était compter sans le "vice" de la chatte qui, sitôt la porte ouverte, se rua sur le paillasson du toubib où, dans un snif homérique, elle éjecta les deux autre occupants de son utérus. Je n'eus que le temps de ramasser la marmaille grouillante avant l'arrivée des premiers clients, car c'était l'heure des consultations. Je vous laisse imaginer la tête de ces derniers, en enjambant le paillasson sanglant pour pénétrer dans le cabinet médical !


     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 23 Mars 2012 à 09:00
    benoît barvin
    Mon fils aîné aimait les z'animaux et pas moi. Donc on a transigé pour des jolis petits hamsters. C'est vrai qu'il était mignon, ce couple amoureux. Le mâle lui sautait dessus tous les jours, elle couinait de bonheur, c'était une leçon de choses permanente... Jusqu'au jour où l'on a constaté que le mâle "bouffait" la femelle et que les cris de jouissance étaient de terreur et de douleur. Comme quoi, hein, du plaisir à l'horreur, il n'y a pas loin. On a séparé le couple dont chaque membre a vécu sa vie, normalement cette fois. Parfois, cependant, de sa cage, la femelle regardait le mâle et poussait de petits cris. On n'a jamais su en quelle langue elle l'insultait...
    2
    Vendredi 23 Mars 2012 à 14:51
    Aline Méchin
    Ton histoire de chat c'est un vrai film d'horreur ! De quoi être traumatisée et de traumatiser l'entourage ! Pour ma part, j'ai eu de nombreuses chattes, avec des caractères différents allant du plus sauvage (timide) au plus pot de colle mais quand elles ont eu des petits, heureusement, elles ont toutes assumé... Par contre, j'ai eu une chienne briarde, qui lorsqu'elle a eu des petits, était très déconcertée par la naissance du premier. Mon compagnon avait lu qu'il fallait qu'elle mange le placenta pour pouvoir continuer, mais elle n'en voulait pas. Du coup, il lui a mit dans sa gamelle... et là, pas de problème. C'est aussi une histoire un peu gore, je m'en rends compte !
    3
    Samedi 24 Mars 2012 à 08:26
    patrice DUCROU
    Chère Gudule,

    Je me permets de vous contacter via ce blog pour deux choses : vous dire que notre salon du livre de jeunesse apprécie beacoup votre travail et que nous souhaiterions pouvoir vous inviter lors de notre 14ème édition, en Mars 2013, à St Germain les Arpajon. (Essonne 91)
    Pouvez-vous me communiquer votre adresse mail afin que je puisse vous envoyer un courrier qui vous expliquera tout ?
    Merci d'avance !!
    4
    Dimanche 25 Mars 2012 à 00:30
    Castor tillon
    Si tu mettais cet épisode dans une fiction, on t'accuserait d'en faire des tonnes ! Elle est trop marrante, ta minette, tu n'as pas dû t'ennuyer avec elle.
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    Ravissante histoire et grande leçon de mœurs. On est pas si loin de ces petits rongeurs, si on y réfléchit...
    6
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    Odomar
    Une allégorie parfaite de la maternité !!!
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    @ Aline : Mirlitaine était une vraie tarée, hein ! Défoncée et tout. Je crois que, dans ces cas-là, l'instinct en prend un coup... Ton histoire de placenta est très rigolote et, ma foi, pas si gore que ça !
    @ Odomar : C'est tout toi, tiens, cette réflexion !
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    8
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    Pour me contacter directement, envoyez-moi un message par la fonction "contact", tout en bas du blog, en bleu. Vous arriverez sur ma boîte aux lettres, ainsi nous pourrons parler en privé.
    En revanche, je crains de ne pas pouvoir me rendre à votre salon du livre : j'ai déjà mon "quota" de salons pour l'année... Mais c'est très très gentil d'avoir pensé à moi !
    9
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    Bof, elle craignait pas mal, quand même. Mais le jour où elle a disparu (nous étions en vacances, et elle a décidé de rentrer toute seule à la maison... Malgré des recherches invraisemblables, on ne l'a jamais retrouvée) ; le jour où elle a disparu, donc, on a tous été très malheureux !
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