-
GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 94
Le jour du pantalon
— Les pantalons, ça donne mauvais genre, disait ma mère. Tu as envie d’avoir l’air d’une Marie-couche-toi-là ?
Certes, non. Mais Brigitte Bardot, Pascale Petit, Françoise Arnoul — sans parler de la ravissante Audrey Hepburn de Vacances romaines — avaient troqué leurs jupes contre de mignons « corsaires ». Et à elles, oh oui, j’aurais aimé ressembler...
Ce désir m’obsédait à tel point qu’un jeudi après-midi, n’y tenant plus, j’ai cassé ma tirelire. Et, sous un prétexte quelconque, je suis allée au Sarma acheter un fuseau noir que j’ai planqué dans mon cartable.
Il y est resté plusieurs semaines, coincé entre un cahier de brouillon et un livre de grammaire. Je ne le portais pas, mais quelle importance ? L’essentiel était que le possède et qu’il concrétise, par sa seule présence, une certaine idée que je me faisais de moi-même. Grâce à ce pantalon, je savais que, si je voulais, je pouvais ressembler à Audrey Hepburn...
Un jour, en fouillant dans mes affaires, maman l’a trouvé.
— C’est une copine qui le me l’a prêté, ai-je prétendu.
Elle n’a pas été dupe, et mon vêtement magique a fini dans le placard de sa chambre, avec interdiction formelle d’y toucher.
Je ne l’ai récupéré qu’un an plus tard, au terme d’une tractaction de longue haleine. Mais il était devenu trop petit et la mode n’était plus aux fuseaux, détrônés par le blue-jean de La fureur de vivre.
— Les blue-jeans, c’est pour les filles de rien, disait ma mère. Tu as envie que les garçons te manquent de respect ?
Aujourd’hui, dans les banlieues, c’est quand on porte une jupe qu’on se fait traiter de pouffiasse. Cherchez l’erreur !
-
Commentaires
1benoît barvinMercredi 21 Mars 2012 à 08:16Répondre
Nos enfants ont bénéficié de notre expérience, sinon pour quelles raisons les aurions-nous laissés tranquilles? Pour notre génération (voix d'outre-tombe), la rébellion a abouti à enflammer notre imaginaire. Pour ce qui les concerne, ils et elles étaient déjà plongé(e)s dedans en démultipliant les possibilités de leur cerveau, via les jeux vidéos. Deux manières, complémentaires, d'agir sur l'imaginaire fertile des êtres humains: tenter de le scléroser - aujourd'hui, c'est une tendance lourde de notre gentille société, ou laisser faire - en surveillant amoureusement, afin que nos enfants - et petits-enfants - poussent comme de futures fleurs...5guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:486guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:487guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:488OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:489guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:48
@ Et les poils, peut-être ?10guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:48
Ajouter un commentaire