• GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE 88

    Pataquès

      Sur les conseils d’une lectrice, je me suis amusée à répertorier tous mes livres refusés. J’en ai trouvé beaucoup. Au moins la moitié de ma production. Mais le plus joli exemple est très certainement « La Bibliothécaire ».

             Au temps où nous « vendions » encore nos manuscrits sur synopsis, un éditeur de chez Pocket, décédé aujourd’hui — et auquel je trouvais une ressemblance frappante avec Georges Moustaki — lance une collection de romans fantastiques pour la jeunesse. Comme, à l’époque, je travaille au Fleuve Noir dont les bureaux se trouvent dans le même bâtiment, il fait tout naturellement appel à moi. Dans les jours qui suivent, je lui apporte le résumé d’une histoire destinée aux 10-13 ans, qu’il lit d’un œil critique avant de déclarer, la mine affligée :

             — Ma pauvre Gudule, t’as vraiment rien compris !

             Bon, d’accord, mon idée lui déplaît. Je la remets donc dans ma culotte, mais pas pour longtemps. Un mois plus tard, au Salon du Livre de Paris, je croise l’un des plus merveilleux éditeurs qu’il m’ait été donné de rencontrer : Laurent David, directeur du Poche Jeunesse chez Hachette. Il vient de me publier « La vie à reculons » et nous sommes vraiment sur la même longueur d’ondes. Timidement — car son érudition, tout autant que son grand âge et sa haute stature, m’impressionnent un peu —, je lui tends mon synopsis. Il s’arrête dans l’allée, et sans se soucier de la foule, le lit tranquillement. Ô miracle, au fil de sa lecture, je vois petit à petit s’éclairer son visage, et quand il termine :

             — Je vous envoie votre contrat lundi, me dit-il dans un sourire.         

             «  La Bibliothécaire » a aujourd’hui largement dépassé le million d’exemplaires, et est traduit dans une dizaine de langues.  Le jour où j’ai raconté cette histoire à la directrice actuelle de Pocket, je crois qu’elle a connu un grand moment de solitude.           

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 15 Mars 2012 à 08:16
    benoît barvin
    Ce n'est que justice que ce ne soit pas toujours les mêmes qui aient "un moment de solitude"...
    2
    Jeudi 15 Mars 2012 à 14:40
    Castor tillon
    Ce que je trouve choquant, c'est moins le refus en lui-même que la condescendance affichée. L'idée peut ne pas plaire, ce n'est pas pour autant qu'elle est mauvaise, la preuve en est.
    (Hé, pssst, l'éditeur, là, t'es sûre qu'il ressemblait à Moustaki ?)
    3
    Jeudi 15 Mars 2012 à 17:57
    Castor tillon
    Non, je ne corrige pas, "sweet homme", c'est très bien. Je me rappelle que tu nous a déjà parlé de lui, hé hé...
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    4
    Dimanche 18 Mars 2012 à 19:13
    cali rezo
    "Je la remets donc dans ma culotte" est une des expressions préférées de ma mère (:
    Merci pour tous ces moments, je me régale en les lisant.
    5
    Lundi 19 Mars 2012 à 08:16
    cali rezo
    J'adore les expressions et les mots "datés", je leur trouve un charme exquis.
    6
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    Odomar
    Ouais !!! Une anecdote comme on les aime...
    Tu en es encore toute émue : bibilo ? biblio ? bilibo ? libido ?
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    C'est ma foi vrai que j'ai fauté ! Merci Odomar à l'œil de lynx ! Et comme faute avouée est à moitié pardonnée...
    8
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    Ouais, ouais, comme deux gouttes d'eau. C'était par ailleurs un home charmant, je tiens à le préciser.
    9
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    "Homme", pas "home", mais tu auras bien sûr corrigé par toi-même. Quoiqu'un "sweet home", c'est pas mal non plus...
    10
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    Oui mais ça, mon sweet homme, c'est Sylvain !
    11
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:48
    gudule
    On vient de la même époque, sans doute, ta mère et moi. Renaud emploie, lui aussi, cette expression dans une de ses chansons. C'est daté... mais j'aime bien.
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