• grands moments de solitude 87 (tome 2

                                                                        Mauvais genre

     

    — C’est quoi, ton métier ?

    — Écrivaine.

     En face, la réaction est immédiate :

     — Tu ne peux pas dire « écrivain » comme tout le monde ? Ah là la, ces militantes féministes !

             Ce refrain-là, ça fait vingt ans  qu’on me le sort (même des gens intelligents, si, si, je vous assure) . Et j’ai beau protester qu’il ne s’agit nullement de féminisme mais de syntaxe, ce préjugé — comme tous les préjugés — a la vie dure. Pour lui tordre le kiki, faut en user, de la salive !

              Et pourtant… Dans la belle langue de Voltaire, les noms de profession ont tous un féminin (pourquoi diantre n'en auraient-ils pas ?) Un plombier, une plombière ; un épicier,  une épicière ; un facteur, une factrice ; un docteur, une doctoresse ; un avocat,  une avocate ; un maire, une mairesse ; un président,  une présidente ; un prêtre, une prêtresse ; un cuisinier, une cuisinière ; un gardien de square, une gardienne de square ;  un académicien, une académicienne, un plongeur sous-marin, une plongeuse sous-marine ; un roi, une reine ; un bûcheron, une bûcheronne... Qui aurait l’idée saugrenue de contester ces termes couramment usités et grammaticalement corrects, hein ?

               Alors, pourquoi le faire en ce qui concerne ma profession à moi ? Dénierait-on aux femmes le droit d'écrire, par hasard ?  (oui, mais qui ? Et pour quelle raison ?) Tout comme Colette, Marguerite Yourcenar, George Sand, Marceline Desbordes-Valmore, Marguerite Duras, Christiane Rochefort*, Louise de Vilmorin, Catherine Paysan, Régine Deforges et tant d’autres,  je suis — et je le revendique ! —auteure, écrivaine, romancière, scribouillarde, pisseuse de copie, plumitive, écrivaillonne, et j’accepterais même d’être femme de lettres si ce n'était pas aussi prétentieux.

             —Pourquoi focaliser sur cette légère incohérence ?  me rétorque-t-on parfois lorsque je vitupère. Certains métiers  traditionnellement réservés aux femmes n’ont pas d’équivalent linguistique masculin.

     — Ah bon ? Lesquels ?

     — Sage- femme, par exemple.

     — Et « sage-homme », c’est quoi ?  Une recette de cuisine ?

             Bien qu’à ce joli terme, on préfère aujourd’hui « accoucheur », « obstétricien », voire « maïeuticien », perso, il me tient à cœur. J'aime trop la langue française, au vocabulaire si riche et si nuancé, pour accepter qu'au nom d’un machisme d’opérette, d’aucuns se permettent de la mutiler.

     

            *Quand on lui demandait quel était son métier, Christiane Rochefort répondait "écrevisse". C'était une très Grande Dame. 

     

     

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  • Commentaires

    1
    Mélanie
    Samedi 6 Septembre 2014 à 19:51

    Si je ne m'abuse, le terme "sage-femme" désignerait la personne qui s'occupe de la sage femme, qui est en fait la femme enceinte, non l'accoucheur(se). Quelqu'un en sait plus là-dessus ?


    Bonne soirée, chère écrivaine :-)

    2
    Samedi 6 Septembre 2014 à 20:35

    c'est la première fois que je rencontre cette interprétation. J'ai trouvé le site qui dit ça, mais je ne suis pas convaincue. Selon moi, sage-femme désignerait plutôt la qualité estimée nécessaire pour exercer ce métier vieux comme le monde. Il me semble aberrant qu'un nom de profession médicale désigne le patient plutôt que celui ou celle qui fait l'acte (comme si on appelait un kiné "courbature", un dentiste "Carie" ou un ophtalmo "mauvaise vue". Tu vois ce que je veux dire ? ) Mais bon, je vais me renseigner.

    Bonne soirée aussi, chère lectrice !

     

    3
    Samedi 6 Septembre 2014 à 22:37

    Moi je suis un turlupin, et ça me tord... turlupine.

    4
    Dimanche 7 Septembre 2014 à 08:04

    tttsss... Castor, un peu de sérieux !

    5
    Méanie
    Dimanche 7 Septembre 2014 à 11:33

    Castor, sérieux ? Hehe...

    Merci pour vos recherches, c'est effectivement plus logique :)

    6
    Machine
    Dimanche 7 Septembre 2014 à 21:16

    L’étymologie du mot « sage-femme » signifie «  qui possède la connaissance (sage) de la femme (ne désignant plus le professionnel mais la femme enceinte elle même) »


     


    Et pour la petite anecdote, lorsque les hommes ont obtenu le droit en 1982 d'exercer cette profession, ils ont voulu par militantisme garder le nom de sage-femme pour montrer qu'ils étaient une sage-femme comme les autres. 


     


    Vos récits journaliers sont comme un carré de chocolat avec le thé, une petite gourmandise qu'on savoure avec plaisir. 


     


     


     


     

    7
    Lundi 8 Septembre 2014 à 05:29

    merci pour ces précisions, Machine !

    Ceci dit, dommage que les "sages-hommes" aient trahi leur promesse et soient devenus "maïeuticiens", parce que, franchement, c'est moins joli !

     

    8
    Fanny
    Jeudi 11 Septembre 2014 à 14:20

    Moi j'aime bien observer que les fonds marins se féminisent s'ils sont explorés par un femme...


    Un plongeur sous-marin, la plongeuse sous-marin, plutôt que sous-marine non ? ;)

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    9
    Jeudi 11 Septembre 2014 à 16:08

    oh ben non! l'adjectif s'accorde avec le nom, quand même !

     

    10
    Mardi 30 Décembre 2014 à 11:42

    Boah, de toute façon, c'est nous les filles qu'avons le plus joli mot acquis à notre cause...

    Quand l'amour est seul, il est masculin mais ils se féminise au pluriel... La majorité ne nous coupe donc pas toutes les "elle", il nous reste les plus belles ^^

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